2022 revue et corrigée

CRITIQUE.
[ SCÈNE ]

★★★

texte
Élie Castiel

Les hauts

et

les bas

d’une année

         pas tout à fait

comme les autres

Bonne idée de commencer par nul autre que Zelinsky, « l’Homme de l’actualité » par excellence. Marc St-Martin (à s’y méprendre dans sa ressemblance à l’original) ouvre le bal avec l’un des meilleurs numéros de la soirée ; il ne s’adresse pas à l’ONU ou autre assemblée en Europe, mais aux spectacteurs et spectatrices du Rideau Vert, avec tout le sérieux du monde, débitant un cours texte magnifiquement écrit où sérieux et comique s’assemblent  le plus irrespectueusement du monde. Des mots lapidaires, assassins.

Autre moment mémorable, une Ginette Reno hors de l’ordinaire, moments magiques qui suscitent le respect et l’adhésion d’une salle bondée ce soir de Première et, comme d’habitude, conquise d’avance. Marie-Ève Sansfaçon, totalement habitée par la chanson où il est difficile de faire la différence entre les vraies paroles et celles inventées pour la circonstance.

Ne gâchons pas notre plaisir pour autant. La série « revue et corrigée » restera toujours indispensable.

Suite

Qui a tué mon père

CRITIQUE.
[ Scène ]

★★★ ½

Les

paroles qui engagent

les

silences qui blessent

Un élan transgressif.
Crédit : @ Fabrice Gaëtan

 

texte
Élie Castiel 

C’est sans doute un choix émanant autant du comédien que du metteur en scène. Félix-Antoine Boutin livre une performance détachée; corps presque inerte où seule la voix monocorde, à la limite du récitatif, constitue un flot de paroles, de phrases toutes faites, un jet de paroles intimes, personnelles, sur la vie, sur son homosexualité, sur la politique, sur tout et sur rien. Sur son père, qu’il n’a pas vu depuis longtemps, un homme obsédé par une masculinité excessive et qui, aujourd’hui, face à son fils venu lui rappeler des choses, ne dit plus rien. Il a quitté son travail, épuisé, victime d’une société qui broie ses bâtisseurs de l’ombre.

Sur papier, un texte souverain, essentiel, d’une pertinence renouvelée. Sur scène, des moments anxiogènes, voire répétitifs. Peut-on demeurer attentif à ce discours qui respire la confession? Les transitions entre chaque « acte » (si on peut les appeler ainsi), s’effectuent par des fondus au noir et où une musique entraînante nous ramène sur terre.

Deux personnages sur scène, le monologuiste (le fils), et son père, le sujet de cette visite. L’homme, le fils, parle sans cesse, le paternel prépare à manger. Les actes se poursuivent selon la méthode « monologue » pour finalement, arriver à une conclusion étonnante.

N’eût été de la mise en scène de Jérémie Niel, totalement inspirée et transgressive, Qui a tué mon père nous paraîtrait comme un spectacle totalement hors-norme, intentionnellement hostile, sans compromis, divulguant avec transparence, à brûle-pourpoint, le bilan d’une partie de vie.

Justement, la mise en scène renvoit à cet esprit que constitue la conception théâtrale, cette mise en situation qui, par le truchement d’effets, de normes de présentation, de travail sonore, de « brouillards » inventés, de tous ces éléments de production qui s’approprient la scène pour créer un espace dramatique des plus ingénieux, recréent la prise en charge de la représentation.

Et à bien y penser, malgré nos quelques réserves, Félix-Antoine Boutin n’établit-il pas un geste politique, militant, subversif, par ce refus de jeu conventionnel, face à un texte engagé? Même tactique que celle de Martin Faucher, dont les silences ne sont que des confessions intériorisées.

Sans vous donner des détails, l’engrenage, la complicité, le partage des corps dans une des séquences finales, toutes ces composantes sont mises sur pied pour créer une sorte de chorégraphie transgressive qui nous console de l’aspect lourdement récurrent du monologue.

Qui a tué mon père, sans point d’interrogation, sans réponse donc, mais offrant des propositions. Un texte à lire, mais une pièce exigeante à voir pour les esprits les plus aventureux.

Et à bien y penser, malgré nos quelques réserves, Félix-Antoine Boutin n’établit-il pas un geste politique, militant, subversif, par ce refus de jeu conventionnel, face à un texte engagé? Même tactique que celle de Martin Faucher, dont les silences ne sont que des confessions intériorisées.

ÉQUIPE PARTIELLE DE CRÉATION
Texte
Édouard Louis

Mise en scène
Jérémie Niel

Assistance à la Mise en scène
Ariane Lamarre
Erika Maheu-Chapman

Distribution
Félix-Antoine Boutin

Martin Faucher

Scénographie & Éclairages
Cédric Delorme-Bouchard

Costumes
Léodie Blanchar

Son
Sylvain Bellemare

Durée
1 h 50 min

[ Sans entracte ]

Production
P’TRUS
En collaboration avec Théâtre de Quat’Sous

Public (suggéré)
Déconseillé aux jeunes enfants

Diffusion & Billets
@ Quat’Sous
Jusqu’au 10 décembre 2022

                                            ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]

Ismaël Mouaraki

 

Transes

CRITIQUE.
[ Danse ]

★★★★

texte
Élie Castiel

Impossible d’y échapper. La musique inscrite dans Le sacre de Lila, sublime spectacle chorégraphique du franco-marocain Ismaël Mouaraki reflète une tradition millénaire qui se base sur la musique Gnawa, dont les fondements sont d’origine islamo-judaïque, deux pensées sémites où le rituel, le facteur superstitieux, les codes, sa véritable signification se perdent dans la nuit des temps.

Musique entraînante qui libère le corps, la pensée, métaphoriquement les fluides corporels, l’esprit. Le corps ne répond plus de rien. C’est une situation où la transe prend le dessus et plus rien ne subsiste.

Pour les besoins du spectacle, Mouaraki érotise la chorégraphie. Aujourd’hui, les interdits, du moins ici, à Montréal, s’affichent, réclament leurs revendications. Les danseurs, une dizaine de jeunes hommes d’origine québécoise et marocaine se substituent à ce rituel où les couples s’enlacent et s’entrelacent, s’allient et se désunissent en un rituel hors du commun. Le face à face est rapproché, quasi incestueux. L’homoérotisme et présent, affiché, désinvolte. Les pirouettes ne sont plus nécessaires.

Entre le street-dance et la tradition.
Crédit : @ Amen Lahcen

Si entre femmes, la distance corporelle est le plus souvent écartée, acceptable dans nos sociétés, entre « hommes », il faut passer par quatre chemins. Mouaraki ose, se réclame d’une nouvelle école de pensée. Chorégraphiquement, il invente des formes, se soumet à des structures aussi étudiées que jubilatoire. Dès les premiers gestes, Le sacre de Lila repose sur l’idée de circularité.

Pour les besoins du spectacle, Mouaraki érotise la chorégraphie. Aujourd’hui, les interdits, du moins ici, à Montréal, s’affichent, réclament leurs revendications.

C’est ainsi que ce poursuivra cet hommage que rend le chorégraphe à ses racines millénaires. Le cercle prend les couleurs de la terre. Les danseurs plongent à tour de rôle, conscient, se donnant entièrement.

Transes (Alhalou), le documentaire du marocain Ahmed El Maanouni est disponible gratuitement sur YouTube. Le film retrace le parcours du groupe marocain des années 1980, Nass El Ghiwane, fortement influencé par la musique Gnawa et peut servir de tremplin pour apprécier ce Sacre de Lila à sa juste valeur.

FICHE ARTISTIQUE PARTIELLE
Chorégraphie
Ismaël Mouaraki
(@ Destins Croisés)

Interprètes
Alexandre Wilhelm, Danny Morissette
Etienne Leonard Benoit, Gabriel Jobin
Léo Coupal-Lafleur, Rodrigo Alvarenga-Bonilla
Ayoub Hattab, Soufiane Faouzi Mrani
Yassine Khyar, Faissal El Assia

Musique
Antoine Berthiaume
en collaboration avec Katia Makdissi-Warren

Éclairages
Rodolphe St-Arneault

Scénographie & Costumes
Marilène Bastien

Production
Agora de la danse
Compagnie Okto Echo
Archipel
Fonds franco-québécois pour
 la coopération décentralisée

Durée
1 h

[ Sans entracte ]

Diffusion & Billets @
Agora
Jusqu’au 26 novembre 2022

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]

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