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2023 > II

| DOCUMENTAIRES |

Et si la Nature était,

par définition, Queer ?

 

texte
Élie Castiel

À en juger par les cinq documentaires que nous avons sélectionnés pour cette partie de notre couverture I+N 2023, il n’est pas surprenant qu’une idée de base se construit de plus en plus autour de l’identité LGBTQ++, une théorie selon laquelle les identités homosexuelles, se réappropriant le terme, jadis péjoratif, de Queer, signale cette dénomination non pas comme une simple arme de soulèvement, de droits égaux, de revendications, mais plus encore, comme preuve scientifique émanant des diverses approches intellectuelles de l’évolution de la nature, notamment animalière, en terme de comportements sexuels. En prenant pour acquis que l’Humain est aussi une espèce « animale », comme il est souvent évoqué dans milieu de la recherche sur le phénomène de l’Évolution, force est de souligner que l’orientation de l’activité sexuelle, jusqu’ici reléguée aux Écritures saintes dans diverses confessions, particulièrement monothéistes, se voit constamment remise en cause, parfois de façon virulente.Suite

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2023 > I

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ÉVÈNEMENT
[ Festival ]

texte
Élie Castiel

 

Homosexualités

 au masculin

 

Depuis de nombreuses années, les programmateurs d’I+N revendiquent le droit aux multiples manifestations de l’homosexualité, autant féminine que masculine. La manifestation de la sexualité graphique n’étant plus nécessairement un élément essentiel dans le contenu des films choisis. Ainsi, les trois articles que nous comptons publier sur cette 36e édition ne feront pas l’objet de critiques traditionnelles, mais groupés sur la vision que les auteurs portent sur la question.

Les cinéastes, gais ou pas, tournent des thématiques LGBT où la queeritude n’est plus un simple affichage de sa sexualité, mais surtout son affirmation, revendiquant ses droits, alternant dans la gestuelle des comportements, sentiments et rituels propres à cette alternative, ou mieux dire, normalité.

Our Son

C’est le cas, par exemple, de Our Son (États-Unis), de Bill Oliver. De prime abord, le couple en question (excellents Luke Evans et Billy Porter, et du jeune prodige Christophe Woodley) n’a rien à revendiquer. Ils forment un couple comme tous les couples du monde. Ils ont un enfant, 8 ans. Jusqu’ici tout va bien. Et soudain, la mésentente, comme il arrive chez les couples hétéros. Un divorce et puis la question de savoir qui se chargera de prendre soin du petit. Une mise en scène qui place la réalité homosexuelle dans une parfaite normalité, sans trop pousser, sans ambages, digne, désintéressée et, par son illustration autant romantique que spontanée, place le spectateur dans des zones de confort insoupçonnées.

Dans la même veine, un deuxième long métrage pour l’Argentin Matías De Leis Correa. Avec son émouvant et pudique Since the Last Time We Met (Desde la última vez que nos vimos), tout passe par le discours, par l’état des lieux d’une relation passée qui ne pouvait pas durer pour de nombreuses raisons. Mise en scène d’une homosexualité prise entre le désir, parfois inavouée, d’indépendance, et d’engagement sincère envers l’autre. Chez le cinéaste, on sent ce besoin de partager son regard sur la chose, en même temps que ce choix narratif qui, par les discours omniprésent, catapulte le spectateur, obligé ici d’ajuster son regard, entre l’attention portée à certaines paroles sur l’affectif et la revendication d’une certaine tolérance. Interprétations senties de Patricio Arellano et Esteban Recagno, très attentifs à la proposition.

Since the Last Time We Met

Même son de cloche avec Arrête avec tes mensonges (Lie with Me), du Français Olivier Peyon, sorti déjà à Montréal (voir critique ici.). Le retour en arrière servant de base à une réflexion sur l’homosexualité qui, émanant d’il y a quelque décennies, pose un regard sur le présent, manifestement plus ample sur le sujet.

Big Boys

Et Big Boys, de Corey Sherman, où l’altérité dans la communauté LGBT, en plus d’être mal exprimée dû à l’adolescence du principal intéressé, remet en cause, même aujourd’hui, les principes de base d’une orientation sexuelle mal comprise par la majorité à mesure que les droits LGBT prennent plus d’ampleur dans les sociétés dites libérales. Sherman montre le désir par des fantasmes inachevés, des révélations qui tardent à se manifester. Et finalement, suivent leur chemin vers des horizons qui peuvent paraître, et c’est très bien ainsi, prometteurs. Le jeune Isaac Krasner s’avère impeccable.
Autre manifestation de l’homosexualité, ici débridée, sortie des sentiers battus, affirmant sa liberté avec une sapidité savoureuse, sans contraintes, intentionnellement marginale, déjouant les règles sociales.

Drifter

Femme (voir texte ici.), première coréalisation de long métrage des Britanniques Sam H. Freeman et Ng Choon Ping, est une incursion dans le quotidien, si décriée de nos jours, de la réalité trans. On se penchera sur la qualité du jeu de deux comédiens, George MacKay et Nathan Stewart-Jarret qui, en quelques tours de main, donnent à l’art qu’ils pratiquent, toute sa noblesse et son implication.

Israël finalement, avec In Bed (Keilu en mahar / Party Like There Is No Tomorrow), de Nitzan Gilady (dont on se souviendra du très sensible Wedding Doll / Hatuna MeNiyar), un regard écorché, incisif, diamétralement opposé à ce que l’on croit être cette ouverture d’esprit d’Israël envers la communauté LGBT. Un récit foudroyant : lors d’une marche de la fierté à Tel Aviv, une fusillade – pas un acte terroriste comme on peut le prétendre – et puis la foule qui se disperse. À la télé, un des participants interrogés dira que si la fusillade n’avait pas été orchestrée envers la communauté LGBT, les autorités auraient arrêté déjà le coupable.

In Bed

La suite des évènements, une mise en scène qui rassemblent liberté de mouvements, suspense, crises de jalousie mal cachées, ‘suspension de l’incrédulité’ (suspension of disbelief) qui, à l’intérieur d’une dynamique LGBT ouvertement radicale, jette son discrédit sur une société hypocrite qui semble illusoirement ouverte d’esprit pour des raisons probablement politiques. Le titre original, traduit en français par Comme s’il n’y avait pas de lendemain, procure à ce très beau film israélien sa troublante maturité.

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