Profile

P R I M E U R
Sortie
Vendredi 14 mai 2021

SUCCINCTEMENT
En 2014, une journaliste pigiste d’origine britannique est chargée d’infiltrer un groupe terroriste de la mouvance djihadiste qui recrute de jeunes Américaines ou Européennes sur les réseaux sociaux.

CRITIQUE.

texte
Élie Castiel

★★★

Russe d’origine kazakhe, Timour Bekmambetov semble fasciné par la façon de faire des cinéastes américains. On n’a qu’à suivre sa filmographie. Dans le cas de Profile, dont les images principales sont des captations d’écran d’ordinateur entre la journaliste en question et le djihadiste, apparemment amoureux d’elle.

Si le film se base sur le livre-enquête d’Anna Érelle publié par Laffont, en 2015, il n’en demeure pas moins que la mise en scène procède selon une logique implacable.

Ingérences

virtuelles

Comment maintenir le suspense tout le long alors que le cadre ne montre que la relation virtuelle par voie Skype, entre la fausse convertie et le djihadiste. Les réseaux sociaux ou la fatalité des rapports de force.

Au cours de cette relation, à la puissance accélérée, apparente une histoire d’amour s’établit entre les deux protagonistes. Qui dit vrai ? Qui ment ? Toujours est-il que Bekmambetov montre les liens entre la fascination de l’autre, même à travers le prisme d’un ordinateur de bureau, le pouvoir des mots et plus que tout, les gestes faciaux dont se nourrissent les principaux intéressés. Un véritable jeu du chat et de la souris, un engrenage percutant aux conséquences dramatiques. Une duperie qui soumet l’un des deux dans les arcanes de la soumission, la vie et la mort.

D’où le jeu prenant de l’Irlandaise Valene Kane, jonglant avec le professionnalisme qu’elle accorde à son travail et la possible capitulation face aux règles de la séduction. Sur ce point, Shazad Latif compose un personnage séduisant hallucinant.

Un véritable jeu du chat et de la souris par voie Skype.

Car c’est aussi de cela que parle le film de Bekmambetov, suivant une impulsion entre la manipulation et le désir de l’instant. Il y a là un dispositif narratif intelligent, un arsenal de mise en scène épatant qui parle d’un sujet grave, du moins si on a suivi de près la politique de Daech en 2014.

C’est sans doute le film le plus réussi d’un cinéaste grand public qui semblait ne jurer que par les principes hollywoodiens. Non seulement film-enquête, mais portrait d’une réalité conduite dans une sphère virtuelle qui ne peut garantir sa sécurité.

Entre les apparences et la vérité, un jeu cruel altérant l’essence même de notre être. On sort de la projection abattu et dans le même temps, lucide.

Lieu de tous les possibles, de tous les dangers, de toutes les envisageables déviations. Également arme terroriste, militaire, servant à recruter des fidèles, notamment de l’Occident. Des jeunes femmes dans ce cas-ci qui ont perdu confiance en un avenir de plus en plus incertain.

Les conversations entre les deux principaux protagonistes révèlent ces éléments du discours bekmambetovien, illustrant pour ainsi dire un certain état du monde. Un monde cruel, sans concessions, ingérable, où toute morale humaniste est expédiée au nom d’un idéal.

Et lorsque l’argumentaire se base uniquement sur des références propres à la religion, le constat est d’autant plus pernicieux qu’il représente un danger sans précédent pour l’Humanité. Entre les apparences et la vérité, un manège cruel altérant l’essence même de notre être. On sort de la projection abattu et dans le même temps, lucide.

FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Timour Bekmambekov

Scénario
Brittany Poulton
Olga Kharina
Timour Bekmambetov
[ d’après le livre de Anna Érelle
Dans la peau d’une djihadiste :
Enquête au cœur des filières
de recrutement de l’État islamique
]

Photo
Andreas Charalambous

Montage
Andrey Shu

Musique
Andy Ross

Timour Bekmambetov

Genre(s)
Suspense

Origine(s)
États-Unis / Grande-Bretagne
Chypre / Russie

Année : 2018 – Durée 1 h 45 min

Langue(s)
V.o. : anglais, arabe / s.-t.a.

Profile

Dist. [ Contact ] @
Universal Pictures Canada

Classement
Interdit aux moins de 13 ans

En salle(s) @
Cineplex

Spiral: From the Book of Saw

P R I M E U R
Sortie
Vendredi 14 mai 2021

SUCCINCTEMENT
Le lieutenant Ezekiel Banks, dit « Zeke », et son nouveau partenaire enquêtent sur une série de meurtres macabres qui sévissent dans la ville.

CRITIQUE.

texte
Élie Castiel

★★★

On lui doit les épisodes II, III et IV de Saw, le film à grand succès public, mais mitigé parmi les critiques. Habitué aux productions à sensations fortes, agrémentées d’hémoglobine et d’un graphisme opulent, Darren Lynn Bousman signe cette fois-ci un polar entre la vieille recette d’il y a quasi une quinzaine d’années et le policier conventionnel.

La mise en scène, certes honorable, parvient à saisir le caractère hybride de l’entreprise. Si les enjeux sont prévisibles, il faut souligner la qualité de la photo, signée Jordan Oram (plusieurs courts), aguichante, observatrice des personnages et des lieux, notamment les intérieurs, donnant au suspense dont il est question une impulsion d’autant plus suggestive qu’elle suscite non seulement notre intérêt, mais nous conduit dans ce puzzle comme des témoins oculaires.

La police métropolitaine (la ville n’est pas identifiée) est présentée comme un lieu fermé où sévit la corruption, l’essoufflement face à un travail mal compris et la prise en charge de certains de rendre justice sans morale, la gâchette facile, poussés par racisme ou simple envie, enfreignant ainsi les règles de la formation.

Et Jigsaw dans toute cela ? Seuls le fans de la série sauront établir les liens.

Une hybridité entre

              le polar et l’épouvante

Une fois dans un  rôle dramatique, Chris Rock atteint des niveaux de compatibilité étonnants.

Qui est le coupable de tous ces crimes odieux, dont les principales victimes sont des policiers en service ? On ne révélera pas son identité, même si en observant de près, des indices nous laissent deviner de qui il s’agit. Dans le rôle d’Ezekiel, Chris Rock maintient son statut d’acteur comique, le temps qu’il faut. Une fois dans la peau d’un personnage dramatique, il atteint des niveaux de compatibilité étonnants.

Samuel L. Jackson possède assez de présence et de charisme pour accepter un petit rôle. Max Minghella, fils du regretté Anthony Minghella, compose un officier de police avec une bonhomie réservée qui se transforme en cours de route en quelque chose d’inattendu.

Et c’est dans le doute, l’incertain, à l’intérieur de ces zones grises se termine le film. Signe évident d’une suite ou peut-être que le cinéaste a voulu soulever subtilement les écarts de conduite récents de certains policiers dans quelques états américains. La proposition de Darren Lynn Bousman n’est pas très claire sur ce point.

Un petit détail que plusieurs prendront à la légère. Dans les autres provinces, le film est « interdit aux moins de 18 ans ». Au Québec, les examinateurs semblent être beaucoup plus laxistes. C’est toujours le cas.

Et Jigsaw dans toute cela ? Seuls le fans de la série sauront établir les liens.

FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Darren Lynn Bousman

Scénario
Josh Stolberg,
Pete Goldfinger

Photo
Jordan Oram

Montage
Dev Singh

Musique
Charlie Clouser

Darren Lynn Bousman

Genre(s)
Suspense policier

Origine(s)
États-Unis

Année : 2020 – Durée : 1 h 33 min

Langue(s)
V.o. : anglais

Spiral: From the Book of Saw

Dist. [ Contact ] @
Métropole Films

Classement
Interdit aux moins de 16 ans
[ Violence / Horreur ]

En salle(s) @
Cineplex

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]

The Killing of Two Lovers

P R I M E U R
Sortie
Vendredi 14 mai 2021

SUCCINCTEMENT
David tente désespérément de garder sa famille unie alors que sa femme Nikki et lui se séparent.

LE FILM
de la semaine

CRITIQUE.

texte
Élie Castiel

★★★★

Quelque chose de concrètement mystique traverse le premier long métrage de Robert Machoian, cosignataire de plusieurs courts sujets et documentaires avec, particulièrement Rodrigo Ojeda-Beck, et certains dans ces formats, composés en solo. En effet, quelque chose du domaine du destin, comme si on était incapable de changer le tournant des choses.

Avec The Killing of Two Lovers, dont le titre apparaît en très grande dimension à l’intérieur de l’image, faisant du rapport de cadre 4 :3 le digne nouvel ambassadeur d’une reprise du tournage dans cette dimension d’écran, le cinéaste américain fait une entrée remarquable dans le long métrage. Une histoire simple et en même temps compliquée, un lieu perdu dans une Amérique dont on entend peu parler, éloignée des centres urbains, dans un Utah désertique, où l’on constate les montagnes pas si loin. Mais un terrain d’humanité tout aussi portée par les sentiments, les vives émotions et tout ce qui touche à l’âme, notamment lorsqu’elle paraît écorchée.

Territoires

évanescents

À une époque où une partie des hommes, les hétéronormatifs, subissent des attaques de tout côté, en ce qui a trait à leur rapport aux femmes, et le plus souvent à juste titre, le film de Machoian parle surtout d’obsession, de hantise, d’idée fixe d’un (faux) ours mal léché qui tente de reprendre la femme de sa vie, prise dans une relation adultère avec un autre homme du coin. Adultère n’est pas vraiment le mot puisque David et Nikki (Sepideh Moafi, bonne comédienne) ont signé un étrange pacte.

Une première séquence où ce qui ressemble à un meurtre ne semble pas se concrétiser en raison du magnifique travail de son de Drake Withers et de ses acolytes, réunit les ingrédients du drame intime qui suit.

Brisant pour ainsi dire les codes de la narration traditionnelle voulant, le plus souvent, tout montrer. Car The Killing of Two Lovers traverse les territoires autant de l’instinct que de l’affect et de ses intentions.

Le dernier plan montre le couple et leurs enfants sortir d’un magasin où dans le terrain de stationnement, une enseigne indique que « tout doit être vendu » pour cause de fermeture. Pure image voulant que ces territoires éloignés de l’Amérique sont peut-être destinés à disparaître. Dans cette perspective dramatique, le film de Machoian dissèque l’image d’une Amérique évanescente, peuplée d’anti-héros, de gens ordinaires qui ont beaucoup à perdre et peu à gagner.

Il y a même des moments où David ne semble pas souffrir, et le cache admirablement bien en amenant ses enfants au Parc local, éloigné. Il y a sa fille qui lui annoncera bien avant cela que « maman te trompe ». À la réaction du père, antidramatique, ce moment fondamental dans la continuation du récit, fait de larmes intérieures qui n’affichent pas leur teneur, le film de Machoian projette ses couleurs, une narration qui sait filtrer les contours de la douleur et montre l’inévitable dans ses habits les plus inattendus. C’est un film typiquement américain, objet-Sundance dans sa spécificité la plus surprenante, obsédé par ces personnages oubliés de l’Amérique profonde, ceux dont on ne parle pas et qui constituent la majorité silencieuse.

L’austérité de l’ensemble apporte une certain qualité au film, grâce aux images d’Oscar Ingnacio Jiménez (cantonné surtout aux courts), captant les contours des lieux, les intérieurs inquiétants, les comportements incertains. Les moments en voiture sont fréquents, comme si l’automobile constituait un sanctuaire de décompression mentale.

Mais surtout, il y a une musique qui n’en est pas vraiment une, presque omniprésente, dont le compositeur n’est que le monteur Peter Albrechtsen. Le résultat sonore, en fin de compte, annonce, par sa litanie inquiétante, le drame, situant le spectateur dans une pesanteur insoutenable même si concrètement discrète.

Comme si l’automobile constituait un sanctuaire de décompression mentale.

Le dernier plan montre le couple et leurs enfants sortir d’un magasin où dans le terrain de stationnement, une enseigne indique que « tout doit être vendu » pour cause de fermeture. Pure image voulant que ces territoires éloignés de l’Amérique sont peut-être destinés à disparaître. Dans cette perspective dramatique, le film de Machoian dissèque l’image d’une Amérique évanescente, peuplée d’anti-héros, de gens ordinaires qui ont beaucoup à perdre et peu à gagner.

Mais tout compte fait, que s’est-il vraiment passé dans cette étrange histoire? Une réponse à la question empêcherait de nous prononcer objectivement sur l’ambigüité du film, élément radical, mais au demeurant, le plus important. Brillant… bouleversant.

FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Robert Machoian

Scénario
Robert Machoian

Photo
Oscar Ignacio Jiménez

Montage
Robert Machoian

Robert Machoian

Genre(s)
Drame

Origine(s)
États-Unis

Année : 2020 – Durée : 1 h 25 min

Langue(s)
V.o. : anglais

The Killing of Two Lovers

Dist. [ Contact ] @
Entract Films

Classement
Interdit aux moins de 13 ans

En salle(s) @
Cinéma du Parc

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]

1 551 552 553 554 555 689