The Killing of Two Lovers

P R I M E U R
Sortie
Vendredi 14 mai 2021

SUCCINCTEMENT
David tente désespérément de garder sa famille unie alors que sa femme Nikki et lui se séparent.

LE FILM
de la semaine

CRITIQUE.

texte
Élie Castiel

★★★★

Quelque chose de concrètement mystique traverse le premier long métrage de Robert Machoian, cosignataire de plusieurs courts sujets et documentaires avec, particulièrement Rodrigo Ojeda-Beck, et certains dans ces formats, composés en solo. En effet, quelque chose du domaine du destin, comme si on était incapable de changer le tournant des choses.

Avec The Killing of Two Lovers, dont le titre apparaît en très grande dimension à l’intérieur de l’image, faisant du rapport de cadre 4 :3 le digne nouvel ambassadeur d’une reprise du tournage dans cette dimension d’écran, le cinéaste américain fait une entrée remarquable dans le long métrage. Une histoire simple et en même temps compliquée, un lieu perdu dans une Amérique dont on entend peu parler, éloignée des centres urbains, dans un Utah désertique, où l’on constate les montagnes pas si loin. Mais un terrain d’humanité tout aussi portée par les sentiments, les vives émotions et tout ce qui touche à l’âme, notamment lorsqu’elle paraît écorchée.

Territoires

évanescents

À une époque où une partie des hommes, les hétéronormatifs, subissent des attaques de tout côté, en ce qui a trait à leur rapport aux femmes, et le plus souvent à juste titre, le film de Machoian parle surtout d’obsession, de hantise, d’idée fixe d’un (faux) ours mal léché qui tente de reprendre la femme de sa vie, prise dans une relation adultère avec un autre homme du coin. Adultère n’est pas vraiment le mot puisque David et Nikki (Sepideh Moafi, bonne comédienne) ont signé un étrange pacte.

Une première séquence où ce qui ressemble à un meurtre ne semble pas se concrétiser en raison du magnifique travail de son de Drake Withers et de ses acolytes, réunit les ingrédients du drame intime qui suit.

Brisant pour ainsi dire les codes de la narration traditionnelle voulant, le plus souvent, tout montrer. Car The Killing of Two Lovers traverse les territoires autant de l’instinct que de l’affect et de ses intentions.

Le dernier plan montre le couple et leurs enfants sortir d’un magasin où dans le terrain de stationnement, une enseigne indique que « tout doit être vendu » pour cause de fermeture. Pure image voulant que ces territoires éloignés de l’Amérique sont peut-être destinés à disparaître. Dans cette perspective dramatique, le film de Machoian dissèque l’image d’une Amérique évanescente, peuplée d’anti-héros, de gens ordinaires qui ont beaucoup à perdre et peu à gagner.

Il y a même des moments où David ne semble pas souffrir, et le cache admirablement bien en amenant ses enfants au Parc local, éloigné. Il y a sa fille qui lui annoncera bien avant cela que « maman te trompe ». À la réaction du père, antidramatique, ce moment fondamental dans la continuation du récit, fait de larmes intérieures qui n’affichent pas leur teneur, le film de Machoian projette ses couleurs, une narration qui sait filtrer les contours de la douleur et montre l’inévitable dans ses habits les plus inattendus. C’est un film typiquement américain, objet-Sundance dans sa spécificité la plus surprenante, obsédé par ces personnages oubliés de l’Amérique profonde, ceux dont on ne parle pas et qui constituent la majorité silencieuse.

L’austérité de l’ensemble apporte une certain qualité au film, grâce aux images d’Oscar Ingnacio Jiménez (cantonné surtout aux courts), captant les contours des lieux, les intérieurs inquiétants, les comportements incertains. Les moments en voiture sont fréquents, comme si l’automobile constituait un sanctuaire de décompression mentale.

Mais surtout, il y a une musique qui n’en est pas vraiment une, presque omniprésente, dont le compositeur n’est que le monteur Peter Albrechtsen. Le résultat sonore, en fin de compte, annonce, par sa litanie inquiétante, le drame, situant le spectateur dans une pesanteur insoutenable même si concrètement discrète.

Comme si l’automobile constituait un sanctuaire de décompression mentale.

Le dernier plan montre le couple et leurs enfants sortir d’un magasin où dans le terrain de stationnement, une enseigne indique que « tout doit être vendu » pour cause de fermeture. Pure image voulant que ces territoires éloignés de l’Amérique sont peut-être destinés à disparaître. Dans cette perspective dramatique, le film de Machoian dissèque l’image d’une Amérique évanescente, peuplée d’anti-héros, de gens ordinaires qui ont beaucoup à perdre et peu à gagner.

Mais tout compte fait, que s’est-il vraiment passé dans cette étrange histoire? Une réponse à la question empêcherait de nous prononcer objectivement sur l’ambigüité du film, élément radical, mais au demeurant, le plus important. Brillant… bouleversant.

FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Robert Machoian

Scénario
Robert Machoian

Photo
Oscar Ignacio Jiménez

Montage
Robert Machoian

Robert Machoian

Genre(s)
Drame

Origine(s)
États-Unis

Année : 2020 – Durée : 1 h 25 min

Langue(s)
V.o. : anglais

The Killing of Two Lovers

Dist. [ Contact ] @
Entract Films

Classement
Interdit aux moins de 13 ans

En salle(s) @
Cinéma du Parc

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]