Ma Railey’s Black Bottom

PRIMEUR
Sortie
Vendredi 12 mars 2021

SUCCINCTEMENT
Dans un studio d’enregistrement, tous attendent la venue de Ma Rainey, celle qu’on appelle dans le Chicago de 1927, la « mère du blues ». Elle tarde cependant à venir.

CRITIQUE.

★★★★

texte
Élie Castiel

Viola Davis et le regretté Chadwick Boseman (Black Panther / La panthère noire) illuminent l’écran. De leur présence, leur totale adhésion à une proposition qui leur tient à cœur. Un récit fascinant qui donne à la Black Culture sa raison d’être, son influence dans la scène musicale des États-Unis. Mais aussi en raison de leur jeu, habité, contrôlé, conscients des origines théâtrales de l’œuvre en question.

George C. Wolfe a surtout travaillé pour la télévision, signé deux longs métrages. Ma Rainey’s Black Bottom marque son premier long métrage avec des interprètes principaux afro-américains. Les origines théâtrales sont évidentes, mais le cinéaste sexagénaire réussit un tour de force équilibré entre le théâtre et le cinéma. La caméra de l’Américain d’origine allemande Tobias A. Schliesser rejoint tous les recoins d’un récit pris entre le huis clos d’un sous-sol où on enregistre ses partitions et les extérieurs, en apparence, créés en studio.

The lady sings the blues

La bande sonore originale de l’inégalé Branford Marsalis résonne dans nos oreilles comme une réinvention du monde.

Comme dans la belle époque, rejoignant ainsi ce Chicago des années 20, là où pouvoir musical des Noirs et racisme des Blancs semblent s’accommoder tant mal que bien. Et un studio d’enregistrement quasi miteux, tenu par des producteurs Blancs, comptant seulement sur le talent des artistes et sur ce qu’ils pourront rapporter. Une sorte de cachot où la chanteuse et ses musiciens sont comme des détenus, et pourtant voués à leur art. Sauf pour les prises de bec parfois agressives, les moments de tension, de vedettariat de la dame en question.

Mais Ma Rainey’s Black Bottom est aussi autre chose. Un regard sur une époque lointaine qui pose son regard sur le monde d’aujourd’hui, sur le racisme ordinaire revenu sur l’échiquier social, sur la présence de la femme dans le milieu de la culture ; et pas n’importe quelle femme. Celle qui n’est plus jeune, celle par qui le regard ne se pose plus. Et sur une société qui ne compte plus ses idoles pour les laisser tomber du jour au lendemain.

Plutôt partir que de ne pas être reconnu.

Deux parties bien distinctes, la première qui expose les personnages. La seconde, celle où le drame éclate. Un drame auquel on ne s’attend pas puisqu’il est surtout question de destin, de bassesse, de la condition humaine, et plus que tout, d’une finalité difficile à contrôler. En fait, semble dire l’auteur de la pièce (et le cinéaste qui lui reste fidèle) personne ne peut contrôler son chemin à suivre. Cette voie s’intègre à nous sans crier gare. Et le film de Wolfe explique tragiquement bien cette fin d’une beauté radieuse malgré sa gravité. Plutôt partir que de ne pas être reconnu. Tel peut être le choix de ceux et celles qui ne parviennent pas à se résoudre aux lois cruelles de l’indifférence.

Et bien entendu, dans ce film à la fois divertissant et ambitieux, la partition musicale demeure, pour les adeptes du genre, constamment impeccable. La bande sonore originale de l’inégalé Branford Marsalis résonne dans nos oreilles comme une réinvention du monde.

FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
George C. Wolfe

Scénario
Ruben Santiago-Hudson
D’après la pièce d’August Wilson

Images : Tobias Schliesler

Montage : Andrew Monsheim

Musique : Branford Marsalis

Genre(s) : Chronique

Origine(s) : États-Unis

Année : 2020 – Durée : 1 h 34 min

Langue(s)
V.o. : anglais

Ma Rainey’s Black Bottom

Dist. @
Netflix
[ Equinoxe Films ]

Classement
Tous publics

En salle(s) @
Dollar Cinéma

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]

Slalom

PRIMEUR
Sortie
Vendredi 12 mars 2021

SUCCINCTEMENT
La jeune Lyz Lopez, 15 ans, vient d’être admise au sein d’une équipe de ski. Fred, le directeur de l’établissement s’assure qu’elle reçoit un entraînement rigoureux. Mais un jour, contre toute attente…

CRITIQUE.

★★★ ½

texte
Élie Castiel

Pas craintifs

Quelques courts, un moyen métrage documentaire et ce premier long, un film casse-gueule du fait de son sujet intemporel, traité à toutes les sauces ces derniers temps. Dans le cas de Charlène Favier, grâce aussi à ses partenaires dans l’écriture, Antoine Lacomblez et Marie Talon, une rigueur, une subtilité à aller vers l’essentiel, voire même se permettre la litote, si difficile à exprimer au cinéma.

Et pourtant, ici, la faute est commise suite sans doute à un désir qui nous paraît non prémédité. Ou est-ce bien le cas? La réalisatrice, intentionnellement ou pas, manipule allègrement le spectateur. Et c’est bien ainsi, le situant dans une situation de témoin complice à ce qui va se passer, comme ça, du coup, sans qu’on s’y attende, ou du moins pas à ce moment. En fait, ce n’est jamais le moment.

Espérer que le moment sera consensuel.

La mise en scène de Favier demeure clinique, distanciée, et pourtant teintée d’une sorte d’attrait aussi sensuel que rigide, donnant la possibilité à la cinéaste de parfaire son projet. Sans doute que ses expériences dans le court métrage et son regard particulier sur le sujet ont été des influences honorables.                                             

Il y a d’abord l’entraînement de l’adolescente, que Favier montre déjà presque femme – Noée Abita, la nouvelle venue dans le remarqué Ava (2017) de Léa Mysius, ainsi, entre autres, dans Genèse (2018) le très beau film québécois de Philippe Lesage, est totalement consciente de sa physicalité qui change de film en film – mais comme si cette maturité bienvenue n’était pas non plus un appel au désir. Encore une fois, est-ce vraiment le cas? D’où le caractère ambigu d’un film qui ose revendiquer le droit à autant la controverse que l’analyse freudienne. Les intentions, dans le cas de Fred – Jérémie Renier, impeccable dans sa béatitude, son désir soudain, résultat de pulsions du moment incontrôlables – dépassent-elles la morale, l’éthique, les tourments inconscients et, oserons-nous dire exigeants, d’une certaine libération des sens?

Serait-il prudent de souligner que Charlène Favier interroge les démons intérieurs, une certaine sexualité de l’Homme, un penchant vers la transgression, espérant que le moment sera consensuel?

Et pourtant, Fred est agressif dans l’entraînement sportif qu’il accorde à Lyz. Pour le spectateur, il n’y a que leur relation professionnelle; la seconde, osée, cruelle, se dirige vers un no man’s land découpé du monde, irréel, désordonné.

La mise en scène de Favier demeure clinique, distanciée, et pourtant teintée d’une sorte d’attrait aussi sensuel que rigide, donnant la possibilité à la cinéaste de parfaire son projet. Sans doute que ses expériences dans le court métrage et son regard particulier sur le sujet ont été des influences honorables.

Slalom est filmé discrètement, par le petit bout de la lorgnette, sans grandes éclaboussures, sans rituels codifiés. Et c’est peut-être ainsi pour que le récit nous paraisse encore plus violent. Dans son silence, son non-dit, son cynisme sournois, ses moins bonnes intentions, dans un sens, à notre insu, aussi complexe, étonnant et jouissivement déroutant.

FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Charlène Favier

Scénario
Charlène Favier, Marie Talon
Avec la collaboration d”Antoine Lacomblez

Images : Yann Maritaud

Montage : Maxime Pozzi-Garcia

Musique
Alexandre Lier, Sylvain Ohrel

Nicolas Weil

Charlène Favier en tournage

Genre(s) : Drame psychologique

Origine(s)
France
Belgique

Année : 2020 – Durée : 1 h 33 min

Langue(s)
V.o. : français

Slalom

Dist. @
K-Films Amérique

Classement
Interdit aux moins de 13 ans

En salle(s) @
Cinéma Beaubien
Cineplex

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]

Stray

PRIMEUR
Sortie
Vendredi 12 mars 2021

SUCCINCTEMENT
La Turquie a adopté, après une vague d’indignation populaire, une loi qui interdit de garder en captivité ou d’euthanasier les chiens errants. La documentariste Elizabeth Lo dresse un portrait saisissant de cette situation.

CRITIQUE.

★★★ ½

texte
Luc Chaput

Turquerie canine

Un éboueur, dans une rue commerçante d’Istanbul, distribue les os venant des poubelles de restaurants et engueule un chien qui ne veut pas partager avec son congénère.

La réalisatrice américaine d’origine chinoise Elisabeth Lo a suivi pendant plus de cent jours en 2018 et 2019 certains chiens errant sur les venelles, rues, trottoirs et artères de cette métropole du Proche-Orient. Les séquences qu’elle en tire et monte avec doigté redonnent leur dignité à ces êtres à quatre pattes que nous pouvons aussi croiser dans nos cités et campagnes, pour la plupart affublés du collier d’un propriétaire.

La réalisatrice donne la part belle à Zeytin (Olive), femelle au pelage beige, vive, indépendante…

La réalisatrice donne la part belle à Zeytin (Olive), femelle au pelage beige, vive, indépendante qui arpente ces lieux dont elle semble connaître de multiples recoins. Mme Lo, avec sa très petite équipe, avait trouvé un moyen de retrouver les chiens à chaque matin et aussi de les filmer en gardant le plus souvent une bonne distance. Les caméras, munies d’un système audio, captent donc aussi les sons et les paroles des passants et des clients des commerces de proximité. Des bribes de conversations intimes, de commentaires en lien ou non avec les canidés, forment ainsi une autre strate de cette visite différente de la capitale historique de l ‘empire ottoman. La composition complexe de la bande son par Ernst Karel participe grandement à cette immersion.

En débutant chaque chapitre de ce long métrage par une citation d’écrivains grecs de l’Antiquité, la réalisatrice inscrit naturellement son documentaire dans une ancienne lignée écologique. Stray a d’ailleurs remporté avec raison pour ses qualités le Prix du meilleur documentaire international aux Hot Docs 2020.

La rencontre avec de jeunes immigrés syriens Jamil, Halil et Ali, pose alors la question de l’accueil de ces réfugiés d’une guerre civile, laissés pour compte dans certains lieux. Des scènes souvent nocturnes captent magistralement la relation fortement amicale entre ces deux types d’errants où les plus jeunes sont aidés par leurs aînés. En débutant chaque chapitre de ce long métrage par une citation d’écrivains grecs de l’Antiquité, la réalisatrice inscrit naturellement son documentaire dans une ancienne lignée écologique. Stray a d’ailleurs remporté avec raison pour ses qualités le Prix du meilleur documentaire international aux Hot Docs 2020.

 

FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Elizabeth Lo

Scénario : Elizabeth Lo

Images : Elizabeth Lo

Montage : Elizabeth Lo

Musique : Ali Helnwein

Photo de tournage

Genre(s) : Documentaire

Origine(s) : États-Unis

Année : 2020 – Durée : 1 h 13 min
Langue(s)
V.o. : turc; s.-t.f. ou s.-t.a.

Le monde des chiens errants

Dist. @
Métropole Films

Classement
Tous publics

En salle(s) @
Cinéma du Parc

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]

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