Centenaire-Pasolini
Première partie

POUR VOTRE AGRÉMENT
[ « Accatone » Film complet sans sous-titres ]

 

Une œuvre

                         cinématographique

harmonieusement

                 hétéroclite

Pier Paolo Pasolini est un romancier, dramaturge, essayiste, poète, scénariste et réalisateur italien, né le dimanche 5 mars 1922 à Bologne, à 6 h 30 du matin, au 4 Via Borgonuovo, soit il y a exactement un siècle. Il meurt prématurément à 53 ans, dans la nuit du 1er au 2 novembre 1975 sur la plage d’Ostie, le port de Rome, dans des circonstances non toujours éclaircies, faisant de lui un personnage historique parmi la courte liste des assassinats sordides du XXe siècle; Mohandas Karanchand dit le Mahatma (« grande âme ») Gandhi, le 30 janvier 1948; John Fitzgerald Kennedy, le 22 novembre 1963; Martin Luther King, le 4 avril 1968; Robert Kennedy, le 6 juin 1968 et John Lennon, le 8 décembre 1980… tous morts pour leur convictions ou leur célébrité.

Bien que l’on ne puisse objectivement dissocier son activité d’écrivain de celle de cinéaste, je vais quand même, dans une première partie, consacrer un survol global de son œuvre cinématographique complète; puis, par la suite, il sera question de sa vie et de son œuvre d’écrivain éclectique et politiquement engagé. Pasolini était athée, marxiste et freudien (les deux grands auteurs qui ont influencé son siècle), homosexuel déclaré et assumé; force est de souligner qu’il a marqué de son empreinte profonde et durable, le monde occidental et la planète bleue, jusqu’à aujourd’hui, d’où la considérable bibliographie qui lui est consacrée (plus d’une centaine de livres) en plusieurs langues, faisant foi de manière incontestable.

texte
Mario Patry

LA FORCE DU PASSÉ

« L’œuvre d’art est une idée, et pas un objet. »
Sol Lewitt, sculpteur et dessinateur (1928-2007)

Bien qu’il arrive à percer le milieu du cinéma sur le tard, Pier Paolo Pasolini s’est découvert une passion précoce pour le 7e art dès ses études universitaires à Bologne, alors qu’il fréquente le Ciné-club et découvre un cycle de films de René Clair. J’ai placé en annexe la liste des dix films favoris du cinéaste qui l’ont le plus impressionné (supra). Pier Paolo Pasolini n’a pas suivi la filière traditionnelle et décervelante de l’assistanat de son ami Sergio Leone, ni celle encore plus aléatoire d’un Stanley Kubrick, qui aborde le cinéma par l’intermédiaire de la photo, puis par le tournage de quelques courts métrages de fiction avant de gravir les échelons et d’accéder de plein pied au titre de réalisateur de long métrage.

Accatone

Pasolini a débuté au cinéma en tant que coscénariste et dialoguiste, précédé d’une solide réputation en tant que critique, journaliste et écrivain, sans formation technique préalable, ce qui fait d’abord de lui un cinéaste naïf qui réalise au début de sa carrière, un cinéma pauvre. Cinéma qui bouleverse toutefois le néo-réalisme italien à l’agonie, dans la mouvance de la Nouvelle Vague française; Déjà,  son premier film, Accatone (Le mendiant, 1961) évoluera  vers un cinéma de poésie jusqu’à l’apothéose ritualiste et funèbre de Salò ou les 120 journées de Sodome (Salò o le 120 giornate di Sodoma, 1975), entouré d’une solide équipe professionnelle de collaborateurs éminents et précieux qui le suivront sa carrière durant, dont le directeur photo, Tonino Delli Colli [1] et le monteur Nino Baragli[2], tous deux ayant amorcé leur propre carrière avec  Luigi Comencini et Mauro Bolognini, pour lequel Pasolini coécrit le scénario du film Marisa (Marisa la civetta, 1956), auquel s’ajoute après 1965, celle du célèbre compositeur de trame sonore, Ennio Morricone[3]. Il est permis de distinguer deux périodes essentielles dans la carrière cinématographique de Pasolini, celle couvrant les années de formation avec son premier producteur, Alfredo Bini[4], et de 1968 à 1975, alors qu’Alberto Grimaldi[5], complète sa filmographie avec des moyens plus adaptés à sa fantaisie, à partir de la «Trilogie de la vie» avec Le décaméron (Il decameron, 1970).

Son premier travail pour le cinéma débute en 1954 avec l’écriture du scénario de La fille du fleuve (La donna del fiume, 1956) réalisé par Mario Soldati, un autre intellectuel comme lui, ayant réussi à s’imposer en tant que cinéaste, mais plus jeune. Ce qui est moins connu, c’est sa participation aux dialogues en dialecte Furbesco pour deux films de Federico Fellini, Les nuits de Cabiria (Le notti di Cabiria, 1957) et La douceur de vivre (La dolce vita, 1960) – voir en Annexe la liste des films auxquels Pasolini a participé en tant que coscénariste (une vingtaine) ou acteur (supra). Ce qui impressionne le plus le lectorat contemporain, c’est l’intense et féconde activité cinématographique à laquelle Pasolini s’est livré, malgré un état de santé parfois chancelante; douze longs métrages de fiction, sept documentaires (dont trois de long métrage) et six courts sujets de films à sketches en seulement une quinzaine d’années d’activité professionnelle. – voir la liste en Annexe de la filmographie complète de Pasolini (supra).

Avant de passer à la réalisation, Pasolini avait déjà écrit quelques romans qui le rendirent célèbres – Les ragazzi (Ragazzi di vita, 1955), Une vie violente (Una vita violenta, 1959), dans lesquels il décrivait ses thèmes de prédilection[6] qu’il développe dans Accatone (1961) et Mamma Roma (1962). Il écrit le scénario d’Accatone durant l’été 1960 avec Sergio Citti, qui lui apprit le dialecte romain (Furbesco). Il ne tournera que plus tard pour des problèmes de production et de choix de l’acteur principal qui sera Franco Citti, frère de Sergio Citti, comme il le désirait. Le film ne sortira qu’à la fin de 1961. Le personnage principal du film est la «banlieue» de Rome, décor permanent avec la Via del Pigneto, non loin de la Via Casalina, Via Fanfulla da Lodi, Via Baccina et à San Lorenzo, ainsi que les dernières séquences au Testaccio (Via Franklin et au Ponte Testaccio). En somme, l’univers des borgate (banlieues), les terrains herbeux, désolés. Le regard de Pasolini sur ces lieux est empreint de curiosité et de nostalgie. Dès son premier film, le cinéaste a l’ambition de créer un nouveau langage cinématographique. Fellini critiquera durement sa mise en scène. Il lui fait part de ses réserves concernant sa technique : présence de mauvais cadrages, mouvements de caméra, omniprésence du travelling. Toutes ces critiques toucheront Pasolini mais ne lui feront pas changer d’avis. La bande-son est souvent en décalage avec les images. Par cette utilisation qui peut sembler paradoxale en ce qui a trait à la musique, Pasolini tient à transcender les scènes triviales de la vie populaire au rang du religieux (sacré). Bach exprime la fatalité du destin et l’aspect inéluctable de  la tragédie se jouant devant nous.  Ce sera Vivaldi dans Mamma Roma puis  Mozart dans Théorème (Teorema, 1968). L’accueil parmi la nouvelle génération de cinéastes italiens s’avère mitigé : «Accatone est un chef d’œuvre. J’aime aussi La ricotta (1963) et Uccellacci e uccellini (1966), un peu moins Il Vangelo secondo Matteo (1964). «Ce qu’il fait par la suite (Décaméron, 1971, etc.) montre qu’il s’est laissé prendre par une fièvre mortelle de vivre, de faire, de consumer, de brûler. C’est une grande personnalité, mais il est dommage qu’il ait abandonné la littérature : le cinéma n’est pas le domaine où il se soit le mieux exprimé, à mon avis. Ce n’est que l’un des piliers sur lesquels s’est appuyée son imagination, émouvante, déchirante, d’homme et de poète maudit».[7]

Mamma Roma

Après avoir évoqué les déboires d’un proxénète qui s’attache finalement à une jeune fille vierge pour laquelle il se résout à travailler et qui finit tragiquement dans un accident de bicyclette, Pasolini cette fois, nous présente une ancienne prostituée (Sylvana Mangano) qui aspire à offrir un meilleur avenir à son fils en s’installant dans un quartier moins défavorisé de la métropole mais qui finit mal, par le désœuvrement. «De fait, quand j’ai entrepris Mamma Roma, je n’avais réfléchi qu’assez superficiellement sur Accatone. Mamma Roma est l’œuvre où pour la première fois de ma vie je me suis répété. Je me suis répété, et j’ai commis cette erreur, par ingénuité. Dans la vie il faut être ingénu, mais l’être dans le domaine de l’esthétique est une faute».[8] Par la suite, Pasolini amorce un période de transition avec quelques films à sketch et deux documentaires de long métrage, qui le mèneront à son premier film d’envergure internationale, L’Évangile selon Saint-Matthieu (Il vangelo secondo Matteo, 1964). Il signe d’abord avec La ricotta (Le fromage blanc, 1963) un épisode de Rogopag de l’acronyme des quatre réalisateurs : Roberto Rossellini, La pureté (Illibatezza), Jean-Luc Godard, Le nouveau monde (Il mondo nuovo), Pier Paolo Pasolini, La ricotta et Ugo Gregoretti, Le poulet de grain (Il pollo ruspante). Le sketch de Pasolini qui porte sur le tournage de la crucifixion du bon larron par un réalisateur marxiste incarné par Orson Welles, provoqua la mise sous séquestre du film par la censure italienne pour offense à la religion d’État. Le film fut alors exploité en Italie sans l’épisode de Pasolini, sous le titre : Laviamoci il cervello (Lavons-nous le cerveau). La rabbia (La rage, 1963) Pasolini signe la première partie (à gauche sur le plan idéologique) et Giovanni Guarreschi réalise la seconde partie (à droite) qui se présente comme un montage d’archives d’actualités des années 1950 et 1960 afin d’offrir une vision globale de l’évolution de l’Italie d’après-guerre, mais Pasolini récusa ce film, par la suite.

Avec Comizi d’amore (Enquête sur la sexualité, 1964), Pasolini se prête au jeu du cinéma vérité en interrogeant des gens de toutes les régions de l’Italie et de différentes régions et horizons politiques ou religieux en abordant des sujets aussi divers que l’homosexualité, la virginité, la fidélité conjugale, l’adultère; en somme, une idée générale de l’évolution des mœurs sur la sexualité dans l’Italie de Vatican II, celle du milieu des années 60. Pasolini nous présente enfin un carnet de voyage et un documentaire de repérage en Israël et en Jordanie avec le père Andrea Carraro, s’étalant du 27 juin au 11 juillet 1963, dans son Repérages en Palestine pour l’Évangile selon Saint-Matthieu (Sopraluoghi in Palestina per Il Vangelo secondo Matteo) qui sortira en 1965; le cinéaste est déçu de constater la modernisation des décors (lieux) de l’antiquité hébraïque et cananéenne ou les événements des Évangiles et la prédiction de Jésus se sont déroulés. Il se tournera vers les Pouilles et la Calabre en Italie, par dépit.

L’Évangile selon Saint-Mathieu

Sa marginalité artistique et ses origines littéraires lui procurent une extraordinaire liberté de style pour porter à l’écran L’Évangile selon Saint-Matthieu, qu’il tourne comme «un film manifeste de ce cinéma de poésie», un reportage sur le plus révolutionnaire des évangélistes, selon le cinéaste, «parce qu’il est le plus «réaliste», le plus proche de la réalité humaine du monde ou le Christ apparaît»[9], ce qui ne lui évite pas de sombrer dans la seconde partie dans la «chausse-trappe sulpicienne»[10], qui plaira à l’Église catholique, après une brève réprobation de forme pour «l’audace» de l’approche, et lui vaudra d’ailleurs le Grand prix de l’Office Catholique du cinéma![11] D’après la tradition ecclésiastique, «Saint-Matthieu écrivit, le premier, en Palestine, pour les chrétiens convertis du judaïsme, et son ouvrage, composé en «langue hébraïque», c’est-à-dire en araméen, fut par la suite traduit en grec»[12], puis plus tard, en latin. Il est à noter que Matthieu ou Lévi, un des douze premiers apôtres, était à l’origine collecteurs d’impôts, donc parfaitement lettré. «Aussi, Matthieu, écrivant parmi les juifs ou pour les juifs, s’attache-t-il particulièrement à montrer dans la personne de Jésus, l’accomplissement des Écritures»[13] (soit, la Bible juive ou la Torah, qui est devenue pour les chrétiens, l’Ancien Testament).

Sa marginalité artistique et ses origines littéraires lui procurent une extraordinaire liberté de style pour porter à l’écran L’Évangile selon Saint-Matthieu, qu’il tourne comme «un film manifeste de ce cinéma de poésie», un reportage sur le plus révolutionnaire des évangélistes, selon le cinéaste…

Pasolini dû cependant retrancher beaucoup de pellicule (sur les 100 000 mètres impressionnés en noir et blanc très contrasté) et se résoudre à contrecœur, à ramener les 131 scènes prévues du scénario original à seulement 44. Pour la première fois de sa carrière, il eut recours au procédé du zoom avant (21 dans tout le film) mais ne peut toutefois prétendre à un «drame historique» en sept Actes, parce qu’il n’y a aucune allusion à Jésus Ben Pantera, suivant la référence décrite dans le Talmud. Le Nouveau testament, dont fait partie l’Évangile selon Saint-Matthieu (dont il ne nous soit rien parvenu de la version originale) est un texte théologique et non pas historique. Mais c’est Pasolini qui a porté au grand écran la version la plus «hébraïsante» du personnage de Jésus[14], qui durant sa prédiction, n’aspirait nullement à créer une «nouvelle religion» hors de l’esprit Essénien du judaïsme auquel il appartenait, selon les exégètes. Pour plus d’information sur les sources non chrétiennes de Jésus, le lectorat profitera de la consultation de Flavius Josêph vers l’an 94, in Testimonium flaviorum, 18, 63-64; Antiquités judaïques, 20, 200. Il s’agit du premier auteur, en dehors des Évangiles canoniques ou apocryphes, à faire une allusion directe à un certain Christos et à sa secte. Pline le Jeune, Lettre 96 (97) à Trajan du livre X, dans sa correspondance, en 111 ou 112. Tacite, Annales, vers l’an 116, découvert en 1429 par le secrétaire pontifical Poggio Bracciolini. Suétone, Vies des douze Césars, vers l’an 120, dans La vie de Claude, XXV, 11, Vie de Néron, XVI, 3. Mara Ba Sérapion, lettre, vers 73. Celse, Discours véritables contre les chrétiens, vers 178, livre 1, III, 37. Origène contre Celse, vers 248 qui répondit contre cette controverse et qui est un auteur majeur pour les premiers chrétiens.  Lucien de Samosate, vers le IIe  siècle, La mort de Peregrinos. Talmud, Yeshu Hanotsri (le Nazaréen). Et enfin le Talmud de Babylone, Sanhedrin, 43 a.

Pour la petite histoire, on a découvert une sépulture à Bingerbrück, un quartier de Bingen am Rhein[15] (située en Rhénanie-Palatinat, en Allemagne) en 1859, d’un certain Tiberius Iulius Abdes Pantera, né à Sidon en l’an 34 avant J-C et décédé en l’an 29 après J-C, à l’âge de 62 ans, ayant servi pendant 40 ans comme porte enseigne dans la cohorte des archers. Il s’agit du père biologique présomptif de Jésus, selon le Talmud de Babylonie, ainsi décrit dans l’Encyclopedia Britannica. Denys Arcand fait explicitement allusion directe à Ieshua Ben Pantera dans son film remarquable, Jésus de  Montréal, 1989[16]. Mais dans tous les cas, les origines juives et ou chaldéennes de Jésus exclu qu’il puisse avoir eu les cheveux bruns presque châtains et les yeux bleus comme dans le Jésus de Nazareth (Jesus of Nazareth), 27 mars au 24 avril 1977, de Franco Zeffirelli, une mini-série produite pour la télévision de 376 minutes qui a couté 18 millions de dollars et a été vu par 2,5 milliards de spectateurs, soit deux fois la population mondiale de catholiques, estimée à 1,2 milliards de baptisés !

Des oiseaux petits et gros

Avec Des oiseaux petits et gros (Uccellacci e uccellini) sorti le 4 mai 1966, débute la collaboration avec Ennio Morricone, dont les génériques de début et de fin ont la particularité d’être chanté. Totò et son fils Ninetto (Ninetto Davoli, l’amant de Pasolini, avec son plus grand rôle au cinéma) errent dans la périphérie et les campagnes qui entourent Rome. Chemin faisant, ils rencontrent un corbeau avec cette inscription sur un écriteau, pour aviser le spectateur : «Pour qui aurait des doutes ou aurait été distrait, nous rappelons que le corbeau est un intellectuel de gauche, disons ainsi, d’avant la mort de Palmiro Togliati»[17].

Il s’agit donc d’une fable, d’un film métaphorique. Selon les déclarations de Pasolini, le film reflète une crise personnelle, crise de l’idéologie marxiste des années 50. Mais la fin «des grandes idéologies, des grandes espérances», et aussi une crise historique emblématiquement représentée par l’insertion des funérailles de Togliati. «Des oiseaux petits et gros signe le passage de l’œuvre de type nationale-populaire des origines gramsciennes de Pasolini à un type d’œuvre plus problématique, ambigüe, difficile, plus pour les élites[18], qui trouve son issue dans Théorème». (in Cineforum, nº 18, 25 mai 1969).

«Dans un moment dans lequel  la plupart du temps, il ne m’ait pas venu dans l’esprit nullement de raconter, soit littérairement, soit cinématographiquement – quant au roman je pensais à un remaniement de l’Enfer de Dante, qui est en réalité un poème, et quant au film, je pensais à un film de simple direction, comme l’Évangile». (in Uccellacci e uccellini, Milan Garzanti, 1966, p. 54.). «Le thème vraiment concret de mon œuvre est le rapport du tiers-monde avec le monde industriel» («Il cinema in forma di poesia», Cinemagero, Pordenone, 1979, p. 131). Roberto Rossellini est intervenu en louangeant le film lors de la conférence de presse tenue à Cannes où l’œuvre a été présentée avec succès le 13 mai 1966.

Pendant cette période «difficile» que traverse le cinéaste, il signe deux épisodes de films à sketch, le premier pour Les sorcières (Le streghe, 1967) avec le titre La terre vue de la lune (La terra vista dalla luna), dont il s’agit du premier film couleur de Pasolini. Les autres épisodes sont signés par Luchino Visconti (La strega brucciata viva), Mauro Bolognini (Senso civico), Franco Rosi (La siciliana) et Vittorio de Sica (Una sera comme le altre). Le second, dans le cadre d’un film  intitulé Caprice à l’italienne (Cappricio all’italiano, 1967) pour lequel Pasolini introduit Qu’est-ce que les nuages? (Che cosa sono le nuvole?) qui vaut en tant que document d’exception parce qu’il s’agit de la dernière interprétation de Totò[19]. Les autres épisodes sont signés par Steno (Il mostro della domenica), Mauro Bolognini (Perchè?), Pino Zach (Viaggio di lavoro) et Mario Monicelli (La bambina).

Œdipe roi

Avec Œdipe roi[20] (Œdipe re, 1967), Pasolini renoue avec bonheur dans le long métrage, mais avec une œuvre qui décontenance quelque peu le public par sa complexité apparente d’une mise en abyme de la pièce originale de Sophocle[21] à l’intérieur du  complexe d’œdipe freudien[22] vécu par Pasolini dans son enfance particulièrement malheureuse (supra), tiraillé entre un père autoritaire (militaire) et une mère courage (enseignante dans le frioulan) dont il prit la défense. Freud lui-même n’était pas peu fier de sa découverte et la portait comme un concept phare de la psychanalyse, dont le mot apparaît en français pour la première fois, en 1896 : «Je m’autorise à penser que si la psychanalyse n’avait à son actif que la seule découverte du complexe d’Œdipe refoulé, cela suffirait à la faire ranger parmi les précieuses acquisitions nouvelles du genre humain»[23]. Jean-Louis Bory ne  tarit pas d’éloges en considérant cette œuvre comme (…) «un film admirable. Grâce à l’irréalisme rêvé du prologue et de l’épilogue contemporains, et au réalisme primitif de la légende, Pasolini amenuise la distance qui sépare les époques, et qui distingue légende et réalité, réalisme et symbolisme (…).» (Le Nouvel Observateur, Paris, 14 octobre 1969).

Avec Théorème, Pasolini met en scène une figure christique en le plongeant dans le monde contemporain. Un jeune homme mystérieux fait irruption dans la vie apparemment tranquille d’une riche famille milanaise. Il noue avec chacun des membres de la famille des relations très fortes. Quand il s’en va, chacun se retrouve face à lui-même et la famille «implose»… Marc Gervais, défendant l’œuvre du Jury dont il  préside et qui est un admirateur inconditionnel de Pasolini (le film reçoit encore une fois le Grand Prix de l’Office Catholique international du cinéma), déclare à Télérama : «Évidemment, l’atmosphère érotique et surtout une certaine sensibilité homosexuelle, rendent le film suspect. Mais son caractère mystique est incontestable. C’est une interrogation sur la condition humaine. C’est une œuvre sur l’exigence de l’absolue et sur un refus de l’embourgeoisement qui aliène l’homme. C’est un film d’une grande valeur humaine et spirituelle, d’une intensité et d’une grande qualité artistique» (cité in Le Nouvel Observateur, 23 décembre 1968).

Avec Théorème, Pasolini met en scène une figure christique en le plongeant dans le monde contemporain.

Encore une fois, Pasolini, se retrouve sous «le feu de la controverse», avec tout le poids fructueux de ses contradictions cachées, et aussi toujours courageusement exhibées. Celui-ci s’en explique ainsi : « Dans le monde d’aujourd’hui, l’individu, en proie à l’aliénation, vit avec une fausse idée de soi, sur un mode inauthentique. Le rapport entre authenticité et inauthenticité est impossible sur le plan de la communication linguistique. En effet, le jeune invité ne parle pas avec les autres personnages, il ne cherche pas à les convaincre par la parole, mais établit avec tous un rapport d’amour. Et c’est pourquoi, tout le film  est symbolique (…)» (in «Corriere della sera», 10 novembre 1968). Pour sa part, Michel Ciment, remarque avec admiration que «les ambiances et les paysages, admirablement photographiés par Giuseppe Ruzzolini, sont le témoignage de la brusque intrusion des images mystérieuses du désert gagné sur l’ombre où vole la poussière, ajoutant à cette parabole une résonnance biblique (…)» (Positif, Paris, 100-101, décembre-janvier 1968-1969).

Porcile

Entre temps, Pasolini participe de nouveau à un film à sketch avec La séquence de la fleur de papier (La sequenza del fiore di carta), dans un film intitulé La contestation (Amore & rabbia, 1969), dont l’épisode porte sur la parabole évangélique du figuier stérile. Les autres épisodes sont signés par Carlo Lizzani (L’indiferrenza), Bernardo Bertolucci qui vient tout juste de quitter le scénario d’Il était une fois dans l’Ouest de Sergio Leone pour un documentaire sur le Living Theatre (Agonia), Jean-Luc Godard (L’amore) et enfin Marco Bellocchio (Discutiamo). Avec Porcherie (Porcile, 1969), Pasolini nous présente deux histoires entrelacées dans un montage parallèle : 1. Sur l’Etna, à une période inconnue, un jeune homme affamé devient meurtrier et cannibale. 2. Dans l’Allemagne contemporaine, un jeune homme connaît un étrange amour… Après l’inquiétant Théorème sur la bourgeoisie qui a perdu la réalité (et avec lui le sens du sacré), le cinéma «difficile» de Pasolini touche peut-être à son nadir avec Porcherie. Une difficulté sentie davantage par le public que pas la critique, partie de laquelle a trouvé «très clair» le sens des deux apologies entrelacées, probablement grâce aussi aux préoccupations de Pasolini qui explique que ce film se voulait être dans ses intentions.

La difficulté elle-même était une proposition consciente par l’auteur, ainsi prime encore le contenu (explicite de Pasolini) de Porcherie, mais il faut comprendre les raisons de sa forme et de son langage, programmatiquement  «élitaire». Pasolini s’en explique ainsi : «Aujourd’hui, cette illusion gramscienne est objectivement caduque, plus que jamais. Parce que  le monde m’apparaît objectivement changé. Du temps de Gramsci et au temps dans lequel je pensais mes premières oeuvres et que je ruminais ma première idéologie avec une distinction classique entre classe populaire et classe bourgeoise était encore possible, mais aujourd’hui cela n’est plus le cas, objectivement (…) parce que l’Italie est entrée dans une nouvelle phase historique (…), les temps sont différents dans lesquels se présente les destinataires de l’œuvre». (Dans un débat sur Théorème le 27 février 1969 à Rome avec un groupe d’étudiants, cité par A. Bernardini, Cineforum, 18, no 85, mai 1969, p. 313.).

Medea

Médée (Medea, 1969) est une tragédie d’Euripide[24], dont le sujet  est la fille du roi de l’île de Colchide. Jason, à la tête des Argonautes, débarque sur l’île pour  s’emparer de la Toison d’or. Médée s’éprend de Jason et, grâce à ses dons de magicienne, parvient à obtenir le trophée, après avoir tué le frère de celui-ci… Selon Pasolini, «Médée est le mélange un peu monstrueux d’un récit philosophique et d’une intrigue d’amour, et dans les  formes de ces deux types de film, on peut saisir, en simplifiant, une structure abstraite : entre un vieux monde religieux et un nouveau monde laïc se produit par nécessité un heurt dramatique». (in Jeune Cinéma, nº 45, Paris, mars 1970). Pour le critique Jean-Louis Bory «la rencontre Jason-Médée est le conflit de la Grèce contre l’Asie, de la civilisation contre la barbarie, du procédé logique contre le rite, du jour contre la nuit» (…). (Le Nouvel Observateur, Paris, 23 février 1970). De son côté, Pasolini précise : «Je suis athée. Mais, par contre, mes rapports avec les choses sont remplis de mystère et de sacré. Pour moi, rien n’est naturel, pas même la nature.» (rapporté in «Cineforum», nº 85, mai 1969, p. 318). Pasolini pensait déjà à Médée depuis un certain temps. La chose devint plus concrète une fois trouvé le producteur, Franco Rossellini, qui lui suggéra le nom de Maria Callas pour le rôle de la protagoniste. Pasolini, de son côté, raconte que penser à concevoir le film interprété par la Callas fut comme un «coup de foudre». «J’ai pensé immédiatement à Médée sachant que le personnage serait tenu par elle. La plupart du temps, j’écris le scénario sans connaître l’acteur. Dans ce cas je savais qu’il serait incarné par elle, et aussi, j’ai toujours calibré le scénario en fonction de la Callas. Ceci m’a beaucoup aidé dans la création du personnage. (…). Je me suis tout de suite investi par une espèce de lumière importante, particulière, qui est la meilleure remarque pour définir le sacré. Et ceci détermine mon style, ma technique.» (rapporté par A, Bernardini in «Cineforum», op. cit. p. 311).

Le Décaméron est d’abord un recueil  de Giovanni Boccaccio, dit en français Boccace[25] ou «les dix journées galantes», comportant dix histoires de dupes de l’œuvre originale, revue et corrigée par Pasolini. Le film est une adaptation libre de l’œuvre écrite au XIVe siècle par l’auteur Boccacce, le Décaméron, qui collecte en dix jours (d’où le titre) «decameron», une centaine d’histoires que se racontent dix jeunes florentins, sept jeunes filles et trois jeunes garçons tenus à l’écart de leur ville par un épisode de la peste. Les sketches que compose le film se situent à la fin du Moyen Âge, à Naples, et comportent des scènes particulièrement libératrices et immorales pour cette époque (hétérosexualité, homosexualité, pédophilie, etc.). Pasolini y tient lui-même un rôle d’un disciple  du peintre Giotto, dans une sorte de fil conducteur qui relie les différents sketches. «J’ai choisi Naples pour le Décaméron parce que Naples a une histoire sacrée : les Napolitains ont décidé de rester ce qu’ils sont, et ainsi, de se laisser mourir» (entrevue de Dario Bellenza, «Expresso/Colore», no. 47, 22 novembre 1970).

Après la «Trilogie de la vie», ou Pasolini exaltait une sexualité affranchie et épanouie (libérée de tous tabous), le cinéaste s’est-il senti repenti en administrant au public un véritable électrochoc, en exhibant une sexualité cette-fois placée sous la tutelle de l’obscénité, sous le spectre répugnant de la terreur et de l’abjection, face au pouvoir de la société «consumériste» contre laquelle il s’est opposé sa vie durant.

D’après Pasolini, le Décaméron est la première partie d’une œuvre cinématographique plus vaste, la «Trilogie de la vie» constituée, outre du Décaméron, des Contes de Canterbury (1972) et des Mille et une nuits (1974). La genèse d’un film chez Pasolini provient d’une idée formelle, l’intuition de ce que le film doit être. Tel fut le cas pour le Décaméron dont l’illumination l’eut «brusquement saisi, avec une espèce de force, d’évidence, sur l’avion qui le portait en Turquie pour le tournage de Médée» (Cinéma 72, no. 164, mars 1972). Pour ce «cycle mythique» dans une entrevue, Pasolini déclare : «Avec Médée, j’avais touché le fond d’une recherche commencée avec Théorème et qui se poursuivit avec Porcherie, mais les racines morales et allégoriques étaient déjà présentes dans mon Œdipe et dans Les oiseaux petits et gros. Quoi faire lorsque l’on atteint le fond du baril? On se relève et on recommence si on a la force de le faire» (La Galerie, no. 111, décembre 1971). Ce film a reçu l’Ours d’argent (Prix spécial du jury) avec la mention : «Pour la rigueur artistique, la maturité cinématographique et le corpus humoristique avec lequel Pasolini a recréé l’ironie irrévérencieuse de Boccacce et non seulement a reconstitué l’authenticité pittoresque du Moyen-Âge à travers nous, mais avec une saine vitalité, une imagerie du monde d’aujourd’hui». Il s’agit, il faut bien le noter, du seul film de Pasolini, à avoir obtenu plus de 10 millions d’entrées en Italie. Ce qui est tout à fait remarquable pour un film d’auteur et un cinéaste à la réputation d’être «élitiste» et hermétique. Du reste, l’ensemble de l’accueil critique est dithyrambique. Jean Delmas écrit que «le mélange d’amour fou et de verve populaire plairait bien aux surréalistes» («Jeune Cinéma», no 58, novembre 1971). Mais singulière, demeure l’appréhension avancée par Lino Miccichè (Cf. «Cinema sessanta», no 21, mai-juin 1978) affirmant que la «trilogie» de la vie conclue et regardée à la lumière de Salò, démontre la continuité sous le signe de Thanatos, assimilant cette dernière œuvre aux trois précédentes dans un discours critique qu’il désigne comme la «trilogie de la mort» Dixit.

Les contes de Canterbury (I racconti di Canterbury, 1972) permet à Pasolini d’enchaîner le deuxième volet de sa «Trilogie de la vie» à partir de l’œuvre de Geoffrey Chaucer (1340-1400) dont la publication posthume (1526) a connu un immense succès. Le film est une adaptation libre de huit des vingt-quatre contes de Canterbury qui sont les suivants : Le conte du marchand ; le conte du frère mendiant, le conte du menuisier, le conte du meunier, le prologue de conte de la Bourgoisie de Bath (mais pas le conte lui-même) ; le conte du régisseur, le conte du vendeur d’indulgences et enfin  le conte de l’Huissier d’église. Contrairement au texte original, le lien entre les contes n’est pas assuré par les interactions entre les pèlerins, mais par la seule personne de Chaucer (interprété par Pasolini), que l’on voit occupé à leur rédaction.

Le décaméron

Le film consiste en huit épisodes, introduits par un prologue. Avec d’autres pèlerins, Chaucer est en route pour Canterbury. Tout en marchand, ces hommes et ces femmes, à l’invitation de l’écrivain, racontent les histoires habituelles d’adultères, de querelles familiales, de désirs lubriques et de querelles entre prêtres rusés et religieuses cloîtrées naïves. Pasolini a écrit le scénario des Contes de Canterbury au printemps de 1971, en Roumanie, où il était à la recherche pour le «Gerovital», accompagné de Moravia et de son amant, Ninetto. C’est une date décisive dans la biographie de la vie de Pasolini d’Enzo Siciliano («Le Monde», 31 mai 1973). «Le rêve nostalgique et régressif du passé doit être l’antidote à la folie du présent (…). Le symbole de la réalité corporelle est en effet le corps nu ; et de façon plus synthétique, le sexe». (Testis, in «Erotismo, eversione, merce», Bologne, Capelli, 1974, pp. 100-101). Pasolini va plus loin encore dans sa réflexion. «Et bien sûr, chaque confession est aussi un défi, contenu dans mon dernier cinéma qui est aussi une provocation. Une provocation sur plusieurs fronts. Provocation envers le public bourgeois et bien-pensant (…)». (op. cit., p. 101).

The Canterbury Tales

Par contre, Pasolini considère que les Contes de Canterbury, le moment le moins réussi de la trilogie malgré son immense succès public, soit plus de 4,600 000 entrées. Gérard Langlois, dans un colloque, précise : «Les Contes de Canterbury ont été écrits quarante ans après le Décaméron, mais les rapports entre réalisme et la dimension fantastique sont les mêmes, seul Chaucer est plus grossier que Boccace; d’autre part il était plus moderne» (…). (in «Lettres françaises», Paris, 1 mars 1972). Un autre critique constate que «La vertu curative et didactique de la farce et du rire sont peut-être les dernières armes de l’intelligence polémique qui nous restent? (Henry Chapier, Combat, Paris, 30 novembre 1972). Pasolini résume assez bien sa propre démarche artistique : «J’ai raconté ces histoires purement pour le plaisir de les raconter. Le plaisir de raconter des histoires implique un jeu avec ce que l’on raconte et ce jeu implique une certaine liberté de regard avec le matériau (…)». (Lors de la conférence de presse au Festival de Berlin 1972, in «Jeune cinéma», no. 68, février 1973).

Les millet et une nuits

Les mille et une nuits (Il fiore delle Mille e una notte[26], 1974), porté à l’écran par Pasolini d’après les nouvelles orientales en arabe «Alf Laylah walaylah». Le film a été accueilli de façon assez tiède par le public, si l’on compare au Décaméron et aux Contes de Canterbury, avec des recettes bien inférieures, bien qu’il s’agisse de l’opus le plus ambitieux de la «Trilogie de la vie». Il a, en revanche, remporté le grand prix spécial du Jury au Festival de Cannes en 1974. Ce film est une adaptation libre de l’ancienne anthologie Les mille et une nuits. Il s’agit du dernier volet de la «Trilogie de la vie», après le Décaméron et les Contes de Canterbury (1972). Le personnage principal est joué par le jeune Franco Merli qui a été découvert à cette occasion par Pasolini. Le film contient beaucoup de nudité, de sexe et de comique visuel. Il préserve l’érotisme et l’emboîtement des récits des Mille et une Nuits. L’écrivain Robert Irwin le décrit comme «sans nul doute, la meilleure et la plus intelligente adaptation des Mille et une Nuits»[27]. Barthélemy Amengual a beaucoup apprécié cette œuvre : «Les enlacements sont très longs,  très lents, presque contemplatifs, et nous découvrons les amants aux sourires tranquilles et infantiles. (…) C’est la preuve de leur sacralisation». (Études  cinématographiques, 112-114, Paris, 1977). Selon Pasolini «Chaque récit des Mille et une nuits commencent avec une «apparition» du destin, qui se manifeste à travers une anomalie. (…) La chaîne des anomalies tendent toujours à se retrouver à la normalité (…)». (Il tempo, Roman, 28 avril 1974).

Salò ou les 120 jours de Sodome
(Salò, o le 120 giornate di Sodoma)

En 1943, dans la République fasciste fantoche de Salò, quatre riches notables scélérats enlèvent neuf garçons et neuf jeunes filles de la région pour les emprisonner dans un somptueux palais afin de corrompre leur innocence par une série progressive d’abus de trois cycles[28] dantesques[29] d’invalidation de leur humanité. Il s’agit du dernier film du cinéaste, assassiné moins de deux mois avant sa sortie en salle à Rome. Il n’a d’ailleurs pas eu le temps d’en compléter le montage, d’où une dernière partie coupée (à la suite d’une disparition ou de vol de bobines). Il s’agit d’une libre adaptation, transposée au XXe siècle, de la grande œuvre du marquis de Sade (1740-1814)[30], les «Cent vingt journées de Sodome ou l’école du libertinage»[31], composée en 1785, dont l’action se passait, il faut bien le noter, à la fin du règne de Louis XIV. Il s’agit donc d’un roman (inachevé) historique et érotique dont l’action précède la naissance de l’auteur dans le genre sadomasochisme. Il se compose de 33 feuillets de 11.5 cm par 12 mètres de long enroulés mais remplis des deux côtés, pendant sa réclusion à la Bastille. Il entreprend la mise au net des brouillons des 120 jours (et 602 châtiments), commencé le 22 octobre 1785 et fini en trente-sept jours! La date de la première parution remonte à 1904[32]. Le rouleau est finalement acquis par l’État français le 9 juillet 2021 pour une somme de 4,55 millions d’Euros.

Salò

Georges Bataille considère que ce livre paroxystique nous place devant l’excès absolu, l’insupportable[33], ce qu’Annie Le Brun considérera comme «un bloc d’abîme» au milieu du paysage des lumières[34]. Pier Paolo Pasolini prit la peine d’offrir aux spectateurs quelques titres de livres en références durant le générique du début (Titoli di testa) afin de lui donner quelques pistes de réflexion, sans chercher toutefois à se justifier :

Roland Barthes, «Sade, Fourier, Loyola», Paris, Éditions du Seuil, 1971.

Maurice Blanchot, «Lautréamont et Sade», Paris, Éditions de Minuit, 1963.

Simone de Beauvoir, «Faut-il brûler Sade?», Paris, Éditions Gallimard, 1972, collection «Idées».

Pierre Klossowski «Sade, mon prochain. Le philosophe scélérat», Paris, Éditions du Seuil, 1967.

Philippe Sollers, «L’écriture et l’expérience des limites», Paris, Éditions du Seuil, 1968.

Il précise même que «Certains extraits de Roland Barthes et Pierre Klossowski sont cités dans le film».[35] À noter qu’il s’agit tous d’auteurs français, et que tout comme son ami Sergio Leone, Pier Paolo Pasolini accorda sa principale entrevue pour l’ensemble de son œuvre à un auteur français et qu’il considérait la version postsynchronisée française comme étant la seule version originale de son dernier opus. Pour étayer le propos du cinéaste et d’éclairer un peu mieux le lectorat, il est souhaitable aussi de lire ou consulter Paul Hazard, La crise de la conscience européenne (1680-1715), Paris, Librairie Arthème Fayard, 1961, 443 p., dont la première édition remonte à 1935, donc contemporaine de l’édition critique de l’œuvre de Sade et qui se réfère à son propre cadre historique. Enfin, l’incontournable Pierre Chaunu, Histoire et décadence, Paris, Librairie Académique Perrin, 9 février 1982, 367 p.

Après la «Trilogie de la vie», ou Pasolini exaltait une sexualité affranchie et épanouie (libérée de tous tabous), le cinéaste s’est-il senti repenti en administrant au public un véritable électrochoc, en exhibant une sexualité cette-fois placée sous la tutelle de l’obscénité, sous le spectre répugnant de la terreur et de l’abjection, face au pouvoir de la société «consumériste» contre laquelle il s’est opposé sa vie durant. Nul spectateur, à ma connaissance, n’ait déclaré s’être «délecté» de ce film lors de sa première vision. Mais tel était peut-être le but précis du cinéaste de créer un «malaise», surtout parmi la petite et grande bourgeoisie, bien-pensante, repue dans ses préjugés et ses idées préconçues. À preuve, les «fascistes» détestent unanimement  ce film, y compris la démocratie chrétienne qui a placé ce film sous la censure – destiné à un public  averti, adulte et consentant. Et malgré son sujet scatologique et profondément macabre jusqu’au sordide, (il y a des scènes simulées de coprophilie bien dérangeantes), mais même Pasolini ne pouvait s’offrir la liberté totale de mettre en scène la pédophilie du roman de Sade, et ce même en 1975. Il existe donc un énorme décalage historique et esthétique[36] entre les deux œuvres, dont celle de Pasolini, s’avère, malgré tout le dégoût qu’elle puisse susciter, un film qui demeure une œuvre puissante quoiqu’édulcorée, en plaçant le spectateur au pied du mur, et le force à la réflexion qu’elle occasionne au-delà  de l’insupportable et de l’insoutenable, par rapport à notre sensibilité, face à la condition humaine et de notre mauvaise conscience, devant la «Shoah» pour ne citer qu’un exemple de l’excès et l’ignominieux de l’Histoire, qui demeure un chapelet de récits et d’anecdotes répugnants et révoltants, bien plus que l’œuvre de Sade lui-même.

«Parmi les derniers films italiens, un qui m’ait plu est Salò, de Pasolini.  La critique l’a massacré. Confondant le film et la vie de Pasolini; la chronique et Von Kraft-Ebing, un fait qui relève précisément de la psychanalyse. Pour moi, Salò est un film pur, rempli de confessions déchirantes sur les rapports corrupteurs du vieillard au jeune innocent, c’est-à-dire entre le pouvoir et ses victimes. Se boucher le nez devant les merdes en chocolat de Pasolini sans réfléchir à la quantité de merde qu’on a mangée dans sa propre vie, à faire des films, des journaux, etc., je trouve que c’est de la schizophrénie[37] Il s’agit bel et bien d’un testament cinématographique dont on ne peut nier la sincérité, le courage et la noblesse, puisque Pasolini paiera de sa propre vie pour avoir osé aller trop loin. Mais son œuvre littéraire s’avère encore plus fascinante et compromettante!

[ Suite et fin en novembre 2025 (50e anniversaire de la mort de Pasolini) ]

ANNEXE I
L’œuvre cinématographique intégrale de Pier Paolo Pasolini[38]

Accatone (Le mendiant)
Sortie : 31 août 1961 à la Mostra de Venise
22 novembre 1961 (sortie générale)
Durée : 1 h 56 min
Box-office italien : 2 270 000 entrées

Mamma Roma
Sortie : 31 août 1962 à la Mostra de Venise
22 septembre 1962 (sortie générale)
Durée : 1 h 45 min
Box-office : 1 000 000 entrées environ

La ricotta (Fromage blanc, segment inédit de Rogopag)
Sortie en exclusivité : 19 février 1963. Sortie générale : 1 mars 1963
Durée : 35 min
Box-office : 250 000 entrées

La rabbia (La rage). Documentaire
Sortie : 13 avril 1963 (Rome, Milan et Florence) pendant deux jours…
Durée : 53 min
Box-office : 30 000 entrées

Enquête sur la sexualité (Comizi d’Amore). Documentaire
Sortie : 5 mai 1965
Durée : 1 h 32 min
Box-office : 100 000 entrées

Repérages en Palestine pour l’Évangile selon Saint-Matthieu (Sopraluoghi in Palestina per Il Vangelo secondo Matteo). Documentaire
Sortie : 11 juillet 1965
Durée : 52 min

L’Évangile selon Saint-Matthieu (Il Vangelo secondo Matteo)
Dédié au «glorieux Jean XXIII»
Sortie : 2 octobre 1964 (Rome et Milan)
Durée : 2 h 17 min
Prix : Lion d’argent au 25e Festival de Venise
Grand prix de l’Office Catholique du cinéma
Prix Cineforum
Prix de l’Union internationale de la critique
Nastro d’argento
Version non censurée de 2 h 27 min sur DVD (Water Beaver Films, 2003)
Box-office : 1 700 000 entrées

Des oiseaux petits et gros (Uccellacci e uccellini)
Sortie : 4 mai 1966
Durée : 1 h 26 min ou 1 h 29 min
Box-office : 660 000 entrées
13 mai 1966 : Sélection en compétition officielle au Festival de Cannes
Mention spéciale au Festival de Cannes pour son interprétation : Totò
1967 : Nastro d’argento : meilleur acteur principal : Totò
1967 : Nastro d’argento : meilleur sujet original : Pier Paolo Pasolini

Totò al circo
Sortie : 23 janvier 1966
Durée : 8 min
Box-office : pas d’information

Les sorcières (Le streghe)
(épisode : La terre vue de la lune, La terra vista dell aluna)
Sortie : 22 février 1967
Durée : 31 min
Box-office : 1 300 000 entrées

Caprice à l’italienne (Capriccio all’Italiana)
(Épisode : Qu’est-ce que les nuages? (Che cosa sono le nuvole?)
Sortie : 13 avril 1968
Durée : 22 min
Box-office : 650 000 entrées

Œdipe roi (Edipo Re)
Sortie : 3 septembre 1967
Durée : 1 h 44 min
Box-office : 1 900 000 entrées

Appunti per un film sull’India (Notes  pour un film sur l’Inde)
Sortie : 5 juillet 1968
Durée : 34 min
Box-office : aucune information

Teorema

Théorème (Teorema)
Sortie : 7 septembre 1968
Durée : 1 h 38 min
Box-office : 3 000 000 entrées
Grand prix de l’Office Catholique international du cinéma

La contestation (Amore e rabbia)
(Épisode : La séquence de la fleur de papier (La sequenza del fiore di carta)
Sortie : 29 mai 1969
Durée : 10 min
Box-office  : 80 000 entrées

Porcherie (Porcile)
Sortie : 10 octobre 1969
Durée : 1 h 38 min
Box-office : 900 000 entrées

Carnet de  notes pour une Orestie africaine (Appunti per un’Orestiade africana)
1968-1973

Médée (Medea)
27 décembre 1969
Durée : 1 h 50 min
Box-office : 1 000 000 entrées

Le Décaméron (Il Decameron)
Sortie : 29 juin 1971 (Festival international de Berlin)
Durée : 1 h 51 min
Box-office :  10 917 000 entrées
Berlinade le 28 juin 1971 : Ours d’argent (Prix spécial du jury)

Set di Sana’a (Les murs de Sanaa (Le mure di Sana’a)
1970-1974
Durée : 13 min

12 décembre (Dodici dicembre)
Réalisateur : Giovanni Bonfanti
Sortie : 20 mai 1972
Durée : 1 h 44 min
Box-office : Aucune information
Il s’agit d’une œuvre collective qu’a supervisé Pasolini sans être crédité

Les Contes de Canterbury (I raconti di Canterbury)
D’après Geoffrey Chaucer (1340-1400), publication posthume vers 1526
Sortie : 2 septembre 1972
Durée : 1 h 50 min
Box-office : 4 665 000 entrées
Berlinade : Ours d’Or du meilleur réalisateur

Les  mille et une nuits (Il fiore della mille e una notte)
Nouvelles orientales en arabe : Alf Laylah Walaylah
Sortie : 20 juin 1974 (Rome) 14 août 1974 (Paris)
Durée : 2 h 09 min
Box-office : 1 500 000 entrées (Il s’agit du film le moins populaire de la «trilogie de la vie»)
Interdit aux moins de 16 ans
Grand prix spécial du jury (Festival de Cannes, 1974)

(Prologo alla storia di Nur-ed-Din-Dunja et Tadji)
Deux séquences inédites
Durée : 21 min

Salò ou les 120 journées de Sodome (Salò o le 120 giornate di Sodoma)
Sortie en primeur à Paris, le 23 novembre 1975
À Rome, le 10 janvier 1976
Durée : 1 h 52 min  ou 1 h 56 min
En France, le 19 mai 1976 (il s’agit de la version originale selon l’auteur)
Box-office en France : 1 001 012 entrées (pas d’information pour l’Italie)

Le film ne fut primé à aucun Festival. Mais les réhabilitations postérieures font que ce long métrage est récompensé du Prix Venezia Classici du meilleur film restauré à la Mostra de Venise 2015

ANNEXE II
Liste des films coscénarisés par Pasolini[39]

 

La fille du fleuve (La donna del Fiume)
Sortie : 29 décembre 1955
Durée : 1 h 45 min
Mario Soldati

Le prisonnier de la montagne (Il prigioniero della montagna)
Sortie : 1955
Durée : 1 h 41 min
Luis Trenker

Marisa (Marisa la civetta)
Sortie : 1957
Durée : 1 h 27 min
Mauro Bolognini

Les nuits de Cabiria (Le notti di Cabiria)
Sortie : 26 mai 1957
Durée : 1 h 57 min
Federico Fellini

Les jeunes maris (Giovanni mariti)
Sortie : 12 mars 1958
Durée : 1 h 38 min
Mauro Bolognini

Ignoti alla città
Sortie : 1958
Durée : 11 min
Cecilia Mangini

La mort d’un ami (Morte di un amico)
Sortie : 1959; 27 mai 1960 (Berlin)
Durée : 1 h 35 min
Franco Rossi

Les garçons (La notte brava)
Sortie : 12 novembre 1959
Durée : 1 h 35 min
Mauro Bolognini

Stendali – Suonano ancora
Sortie : 1959 ou 1960
Durée : 11 min
Cecilia Mangini

La longue nuit de 43 (La lunga notte del 43)
Sortie : 13 septembre 1960
Durée : 1 h 50 min
Florestano Vancini

Le bel Antonio

Le tank du huit septembre (Il carro armato dell’ 8 settembre)
Sortie : 24 septembre 1960
Durée : 1 h 49 min
Gianni Pucini

La douceur de vivre (La dolce vita)
Sortie : 3 février 1960
Durée : 2 h 54 min
Federico Fellini

Le bel Antonio (Il bell’Antonio)
Sortie : 4 mars 1960
Durée : 1 h 45 min
Mauro Bolognini

Ҫa s’est passé à Rome (La giornata balorda)
Sortie : 16 octobre 1960
Durée : 1 h 24 min
Mauro Bolognini

Milano nera
Scénario : 1961 – Sortie : 1963
Durée : 1 h 42 min
Gian Andrea Rocco

La fille dans la vitrine (La ragazza in Vetrina)
Sortie : 14 avril 1961
Durée : 1 h 23 min
Luciano Emmer

La canta delle marane
Sortie : 1960
Durée : 10 min
Cecilia Mangini

Une vie violente (Una vita violenta)
Sortie : 29 mars 1962
Durée : 1 h 46 min
Paolo Heusch et Brunello Rondi
D’après le roman éponyme de Pasolini publié en 1959

Les recrues (La commare secca)
Sortie : 19 septembre 1962
Durée : 1 h 28 min
Bernardo Bertolucci

La commare secca

Tue et fais ta prière (Requiscant)
Sortie : 10 mars 1967
Durée : 1 h 32 min
Carlo Lizzani

Histoires  scélérates (Storie scellerate)
Sortie : 12 octobre 1973
Durée : 1 h 32
Sergio Citti

Pasolini e…la forma della città
Sortie : 7 février 1974
Durée : 20 min
Paolo Brunetto

Porno-Theo-Kolossal
(1966-1975) avec Sergio Citti
Non tourné
Lu par Jeanne Moreau au festival Premiers Plans d’Angers en 2007[40]

ANNEXE III
Liste des 10 films favoris de Pasolini[41]

 

La harpe de Birmanie (Birumo no tategoto / L’arpadi  Birmania)
Version internationale, durée de la première partie : 63 min
Première projection le 21 janvier 1956. Durée de la seconde partie : 81 min, deuxième projection le 12 février 1956
Kon Ichikawa

La passion de Jeanne d’Arc (La passione di Giovanna d’Arco)
Durée : 1 h 25 min
Première mondiale à Copenhague (Danemark) le 21 avril 1928
Carl T. Dreyer

Un condamné à mort s’est échappé (Un comdamnato a morte è fuggito)
Durée : 1 h 35 min
Sortie à Paris : 11 novembre 1956
Robert Bresson

Les contes de la lune vague après la pluie (Ugetsu Monogatari / I racconti dell aluna d’agosto)
Durée : 1 h 36 min ou 2 647 m. (10 bobines)
Sortie à Tokyo : 26 mars 1953. À Paris : 18 mars 1959.
Kenji Mizoguchi

Monsieur Verdoux,
Durée : 2 h 02 min
Sortie à New York : 11 avril 1947
Charles Chaplin (d’après une idée d’Orson Welles)

Le dernier des hommes (Der letze Mann / L’ultima risata)
Durée : 1 h 38 min ou 1 h 26 min ou 2 036 m. (8 bobines) en 6 actes et 390 plans.
Première mondiale aux Etats-Unis à Ufa-Palast am zoo : 23 décembre 1924
Friedrich Wilhelm Murnau

Le mécano de la Générale (The General) (Il Generale – Come vinsi la guerra)
Durée : 1 h 24 min ou 1 h 37 min
Première à Londres (Royaume-Uni)  : 17 janvier 1926
New York (version écourtée) : 5 février 1927
Buster Keaton, Clyde Bruchman

Playtime (Tempo di divertimento)
Durée intégrale : 2 h 32 min, durée de la version abrégée :  2 h 17 min
Sortie à Paris : 16 décembre 1968
Jacques Tati

La Règle du jeu (La regola del gioco)
Durée : 1 h 53 min en Italie, 1 h 38 min (en France lors de sa sortie) et 1 h 46 min (depuis 1958)
Première à Paris aux cinémas Aubert-Palace et Colisée : 7 juillet 1939. Sortie nationale : 8 juillet 1939.
Jean Renoir

Les onze Fioretti de François d’Assise (Francesco Giullare di Dio)
Durée : 1 h 15 min.
Sortie : 14 décembre 1950 à Rome, 6 mars 1951 à Paris.
Roberto Rossellini

Pier Paolo Pasolini admirait en outre, Ingmar Bergman, Orson Welles, Jean-Luc Godard et Serguei Mikhaïlovitch Eisenstein, etc. – Selon Bernardo Bertolucci[42], la culture cinématographique de Pier Paolo Pasolini s’avérait mince en regard à sa culture picturale, musicale et surtout littéraire.

 

Note aux lecteurs
Je souhaite vivement recommander la lecture de l’ouvrage de Luciano De Giusti, I film di Pier Paolo Pasolini, prefazione di Enzo Siciliano, dans la collection Effeto cinema, vol. 6, collona diretta da Orio Caldiron e Claudio G. Fava, Rome, Gremese  Editore, septembre 1990, première édition en 1983 et la dernière le 17 mars 1998, 158 p. Il s’agit, de loin, de la plus complète et principale étude de fond sur l’œuvre cinématographique du cinéaste. Toutes les références, sauf exception, entre parenthèses y sont puisées.

 

NOTES BIBLIOGRAPHIQUES

[1] Tonino Delli Colli est né à Rome, le 20 novembre 1923 et est décédé le 15 ou 17 août 2005 dans la même ville. Il débute à Cinecittà à  l’âge précoce de 15 ans comme assistant opérateur avec Ubaldo Arata, Anchise Brizzi et Mario Albertelli. Chef opérateur à 21 ans, il signe la photographie du premier film en couleur italien, Totò a colori (1952), et fait une rencontre déterminante avec Pier Paolo Pasolini en 1961. Delli Colli travaille également avec les plus grands réalisateurs italiens, outre Mauro Bolognini et Luigi Comencini, dont les trois principaux films de Sergio Leone, Le bon, la brute et le truand (1966), Il était une fois dans l’Ouest (1968) et Il était une fois en Amérique (1984). Il a aussi collaboré avec Federico Fellini sur ses trois derniers films, Ginger et Fred (1986), Intervista (1987) et La Voce della luna (1990). Il complète une brillante carrière avec Roberto Benigni, La vie est belle (1997), qui reçois l’Oscar du meilleur film étranger.

[2] Nino Baragli est le neveu du monteur Eraldo Da Roma, est né à Rome, le 1 octobre 1925 et décédé le 29 mai 2013 dans la même ville. Il a travaillé avec la plupart des plus grands réalisateurs italiens, tels que Sergio Leone, Pier Paolo Pasolini, Federico Fellini, Roberto Benigni, Luigi Comencini et  Mauro Bolognini et même avec Bernardo Bertolucci en début de carrière.

[3] Ennio Morricone est né à Rome, le 10 novembre 1928 et décédé le 6 juillet 2020 dans la même ville. Mondialement connu comme étant le plus important compositeur de trames sonores de la deuxième moitié du XXe siècle, il a composé plus de 500 musiques de films, 600 opus en tout, dont les trames sonores célèbres de son ami Sergio Leone. En 2007, il est  récompensé avec l’Oscar d’honneur pour l’ensemble de sa carrière. Six fois nommé pour l’Oscar de la meilleure musique de film, il remporte une seule fois cette récompense en 2016 à l’âge de 87 ans, pour le film de Quentin Tarantino,  Les huit salopards. KinoCulture Montréal a publié déjà un dossier de fond en deux parties, à l’occasion de sa mort en 2020, intitulé «La furia dell’Arte».

[4] Alfredo Bini a produit 32 films entre 1958 et 1979. Il est né le 12 décembre 1926 à Livourne (Italie) et mort le 16 octobre 2010 à Tarquini (Italie).

[5] Alberto Grimaldi, né le  28 mars 1925 à Naples et mort le 23 janvier 2021 à Miami (États-Unis), est un producteur de cinéma italien principalement par l’intermédiaire de sa société de production qu’il fonde en 1961, Produzioni Europee Associati (PEA), dont les deux derniers opus de la «trilogie des dollars» ou de «l’Homme sans nom» de Sergio Leone avec laquelle il établit sa «fortune». Il a produit la même année en 1975, entre autres, Novecento de Bernardo Bertolucci, Le Casanova de Federico Fellini, et Salò de Pasolini qui l’ont ruiné.

[6] Voir la seconde partie pour les péripéties rocambolesques entourant la publication de son premier roman. (supra).

[7] Propos de Valerio Zurlini, in Le cinéma italien parle, par Aldo Tassone, Paris, Edilig, mars 1982, collection Cinégraphies dirigée par François Chevassu. La traduction a été assurée par Cecilia et Françoise Pieri, Brigitte Branche et Patricia Festa.

[8] Jean Duflot, Entretiens avec Pier Paolo Pasolini, Paris, Éditions Pierre Belfond, 1970, p. 104.

[9] Source à vérifier que je ne trouve plus.

[10] «La chausse trappe sulpicienne», article non signé consacré à Pier Paolo Pasolini in L’encyclopédie Roger Boussinot du cinéma, Vol. 3, N-Z, Paris, Bordas, septembre 1989, p. 1296, deuxième colonne. Date de la première parution, 1967 en un seul tome.

[11] «Bien que ma vision du monde soit religieuse, je ne crois pas à la divinité du Christ. (…) Pour ma part, je le regrette, je n’y crois pas». Pour lui, le prix de l’OCIC est le résultat d’un profond malentendu. Jean Duflot, op. cit. p. 26.

[12] Bible de Jérusalem, Paris, Éditions du Cerf pour le texte, 23 janvier 1973, Éditions du Zodiaque pour les illustrations, 24 mars 1978, p. 1407.

[13] Idem, p. 1412.

[14] Le rôle de Jésus était en premier lieu destiné à être incarné par un poète. Pasolini proposa le rôle à Evgueri Evtouchenko, Allen Ginsberg, Jack Kirouac puis Louis Goytisolo, mais ils se désistèrent l’un après l’autre. Il rencontra par la suite Enrique Irazoqui, un jeune étudiant espagnol de 19 ans, (de père espagnol et de mère italienne), né le 5 juillet 1944 à Barcelone en Catalogne, et décédé le 16 septembre 2020, dans la même ville.

[15]  Bingium : «trou dans le rocher».

[16] Jésus de Montréal, durée : 119 minutes et 25 secondes, sorti à Paris le 17 mai 1989. Voir le scénario de Denys Arcand, cinéaste canadien et québécois, Montréal, Boréal, 1989, pp. 59-60

[17] Palmiro Michele Nicola Tagliati, né le 26 mars 1893 à Gênes, et décédé le 21 août 1964 à Yalta (71 ans), est un homme politique italien qui a fondé le Parti socialiste italien (1914-1921) et le Parti communiste italien (1921-1964).

[18] En français dans le texte.

[19] Totò ou Antonio Grifo Focas Flavio Angelo Ducas Commeno Porfirogenito Gagliardi De Curtis… Il est né le 15 février 1898 près de Naples (à Rionne Sanita plus exactement, en Campanie), et mort le 15 avril 1967 à Rome (69 ans) est un acteur comique italien. D’abord actif au théâtre, il devient après la guerre l’une des plus grandes vedettes du cinéma italien avec plus de cent films à son actif. Il était affligé cependant de plusieurs handicaps à la mâchoire et à la jambe, d’où le fait qu’il portait toujours une canne.

[20] Œdipe. Étymologie en grec : Oidipous «Celui qui a les pieds enflés» de Oidein «s’enfler, se gonfler» et pous (gén. podos) «pied». De la trilogie que lui consacre Eschyle (étymologie en grec. Aiskulos), il ne subsiste que «Sept contre Thèbes», évocation de la rivalité meurtrière d’Étéocle et de Polynice, fils d’Œdipe. (Hepta epi Thêbas, en l’an 467 avant J.C.). «Justement considéré comme le fondateur de la tragédie grecque, Eschyle a donné au drame théâtral ses lois rigoureuses, en la dégageant du lyrisme choral dont il est issu, en y introduisant le dialogue et l’action» (…). Robert II, Paris, 2018, p. 735.

[21] Sophocle, né à Colone en 496 avant J.C., et décédé à Athènes en 406 avant J.C. Sophoklês, de sophos «habile, sage» et kleos, «bruit, rumeur». Son œuvre majeure (Oidipous toiranos) a été écrite vers l’an 430 avant J.C.

[22] Le complexe d’Œdipe chez Sigmund Freud, psychanalyste viennois né le 6 mai 1856, à Freiberg (Autriche) et décédé le 23 septembre 1939 à Londres (Royaume-Uni). La lettre à Wilhelm Fliess du 15 octobre 1897 permet de dater le début de la conceptualisation du complexe. Mais sa lettre destinée à sa fiancée Martha Bernays, du 19 juillet 1883, dans son «carnet de notes personnelles  sur les rêves»  en offre le premier jet. Voir le livre L’interprétation des rêves, 4 novembre 1899 (quoique la date éditoriale soit de 1900), Vienne, éditeur Deuticke, tiré à 600 exemplaires. La première traduction en français à Paris date de 1929 (traduction Meyerson), 634 p.

[23] Sigmund Freud, dans l’Abrégé de psychanalyse, 1938, publié en 1940, œuvre posthume inachevée sous le titre original allemand : Abriss der Psychoanalyse, rédigé le 22 juillet 1938 à Vienne, à la veille de son exil.  L’Éditeur allemand  était International Zeitschrift für Psychoanalyse & Imago, 1940. En septembre 1938, il en a rédigé les trois quarts. L’ouvrage inachevé ne comporte que trois parties, in L’Œdipe : un complexe universel, Paris, Laffont/Tchou, 1977, 335 p. Cité en préface. Collection ; «Les grandes découvertes de la psychanalyse», dirigée par Jeanine Chassuguet-Smirgel et Bela Grunberger, 22 tomes.

[24] Euripide. Étymologiquement, en grec ancien, Euripidês «originaire de l’Euripe». En grec moderne, Euripos, vient d’euripos «détroit ou courant violent». Il est né vers l’an 480 avant J.C., à Salamine et décédé vers l’an 406 avant J.C., en Macédoine. Son œuvre, Médée, date de l’an 431 avant J.C.

[25] Rédigée entre 1349 et 1353, durant la peste de 1348 qui sévit à Florence. Boccacce est né  en 1313 à Firenze, Toscane, et décédé en 1375 à Cortaldo. Étymologiquement, «boccacia» en italien signifie «mauvaise bouche» [haleine].

[26] Littéralement : «La fleur des Mille et une nuits».

[27] Référence nécessaire.

[28] Il s’agit des cycles des manies, de la merde et du sang.

[29] Dante Alighieri, La Comédie : Enfer – Purgatoire – Paradis (Première édition titrée : «La Divine Comédie» par Boccacce en 1555), né à la mi-mai et la mi-juin 1265 à Florence et mort le 14 septembre 1321
Ravenne (Italie). Il est considéré comme «le Père de la langue italienne» c’est-à-dire, le Toscan qui s’est imposé seulement comme langue nationale après la seconde guerre mondiale selon Pasolini. Édition bilingue, présentation et traduction de Jean-Charles Vegliante, à partir du texte original relu sur l’édition Petrocchi, Paris, Gallimard, Coll. «Poésie», 15 avril 2016, 1248 p. Composée selon la critique, entre 1303 et 1321. Première édition imprimée en 1472.

[30] Donatien Alphonse François, Marquis de Sade, né le 2 juin 1740 à Paris et décédé le 2 décembre 1784 (74 ans) à l’asile de Charenton – Saint-Maurice, France. Il meurt apparemment d’un œdème aigu  du poumon d’une très probable origine cardiaque. Il a marié Renée Pélagie Cordier de Launay de Montreuil le 17 mai 1763, née le 2 décembre 1741 (France) et décédée le 7 juillet 1810 (68 ans) à Echauffour. Ils étaient séparés officiellement depuis le 4 juillet 1790, au moment où son mari est retiré de la Bastille pour être interné à Charenton.

[31] Édition de référence (critique) établie sur le manuscrit original autographe par  Maurice Heine, Paris, Stendhal et Compagnie, 1931-1935, «aux dépens des bibliophiles souscripteurs» pour éviter la censure, en 360 exemplaires. Préfacé par Gilbert Lely qui publia sa propre édition en 1962-1963.

[32] Par le psychiatre Iwan Bloch, sous le pseudonyme d’Eugène  Dühren.

[33] Georges Bataille, La littérature et le mal, Paris Gallimard, coll. «Folio Essais», 1990, pp. 92-93.

[34] Annie Le Brun, Soudain un bloc d’abîme, Sade, Paris. Jean-Jacques Pauvert, 1986. p. ?

[35] Hervé Joubert-Laurencin, Salò ou les 120 journées de Sodome de Pier Paolo Pasolini, Pars, Les Éditions de la Transparence, mars 2012, p. 121. Alcuni brani di testi di Roland Barthes e Pierre Klossowski sono citati nel film.

[36] Dans le film, dont les événements se déroulent dans la ville de Marzabotto, l’action se passe pendant trois journées seulement.

[37] Elio Petri in Aldo Tassone, op. cit., p. 181.

[38] Pour la liste de «l’œuvre cinématographique complète de Pier Paolo Pasolini», voir l’ouvrage collectif suivant : Pier Paolo Pasolini, un poeta d’opposizione, par l’Associazione «Fondo Pier Paolo Pasolini» sous la direction de Laura Betti, exposition tenue à Rome d’octobre 1995 à mai 1996, Milan, Skira Editore, pp. 37-53.

[39] Pour la liste des films scénarisés et coscénarisés par Pier Paolo Pasolini, consulter le site Wikipédia français consacré au réalisateur qui est fort copieux.

[40] Il s’agit d’un scenario rédigé sur 75 fiches dactylographiées à partir d’une diction au magnétophone. Il existe une édition papier de Porno-Theo-Kolossal : suivi de Le cinéma, Paris, Mimesis, Coll. «Altera», 24 novembre 2016, 125 p. Voir en bibliographie, Julie Paquette, «Du développement du capitalisme à l’infini plan-séquence : Les quatre «utopies» de Porno-Theo-Kolossal», in Cinémas, vol. 27, no 1, 2016, pp. 96-117.

[41] Pour la liste des dix films favoris de Pier Paolo Pasolini, consulter l’ouvrage collectif précédemment cité, sous la direction de Laura Betti, pp. 65-75.

[42] Bernardo Bertolucci, Mon obsession magnifique, Écrits, souvenirs, interventions : 1962-2010, textes choisis et édités par Fabio Francione et Piero Spila. Traduits et préfacés par René Marx. Paris, Seuil, octobre 2014.  Pour la traduction française, la préface du traducteur, l’avant-propos des éditeurs italiens, la filmographie, la bibliographie, la mise à jour des index et de la composition du volume. Titre original : La mia magnifica ossessione, Éditeur original : Milan, Garzanti, 2010. Voir le chapitre «Pier Paolo Pasolini : l’homme des vallées perdues», pp 135-140.

© KinoCulture Montréal,  03 avril 2022, MP/mp