Fantasia 2021
Deuxième partie

Bande-annonce v.o.
Acto de violencia en un joven periodista

ÉVÈNEMENT
[ Documentaires de la marge ]
texte
Luc Chaput

Des lieux et des humains

            Un concours compliqué de circonstances m’a empêché de voir autant de films que d’habitude à ce festival. J’ai ainsi raté les Fantastiques Weekends qui constituent habituellement un bilan à mi-parcours des courts de l’année. Je compte me remettre à jour durant l’automne. On trouvera ici ma critique de The Suicide Squad qui était projeté en avant-première ainsi que celle ici de Cryptozoo, étonnant gagnant du prix Satoshi Kon en animation.

Ce très grand cinéaste nippon était d’ailleurs le sujet d’un long métrage laudatif Satoshi Kon, l’illusionniste, du Français Pascal-Alex Vincent qui revenait sur sa vie et sa carrière. Des connaissances japonaises étaient filmées in situ et des spécialistes européens rajoutaient des éléments de compréhension à l’originalité de la démarche du réalisateur de Perfect Blue (Pâfetuko burû), mort jeune en pleine gloire. Le film produit pour la télé constitue donc une bonne première approche à cette œuvre qui frappa de plein fouet les festivaliers de Fantasia dans ses premières années.

Satoshi Kon, l’illusionniste

Le récipiendaire du meilleur film d’animation aux Weekends fut Chroniques du Centre-Sud du bédéiste Richard Suicide, partie des Chroniques du 9e Art de l’ONF. Un univers est rapidement crée par de nombreux coups de crayon et la relation entre l’artiste et son voisin Piton donne lieu à de nombreux gags où  l’humanité des deux protagonistes se distille  en quelques minutes.

Une jeune femme revient sur la carrière de sa mère qu’elle a peu connue. L’auteure-interprète Poly Styrene retrouve dans ce portrait complexe la place dans la musique rock britannique qu’elle aurait dû avoir. Celeste Bell, en tant que narratrice et coréalisatrice avec Paul Sng, réussit à garder un équilibre entre les informations brutes et nécessaires sur la vie de sa mère et les moments plus intimes par lesquels les deux se sont réunies à intervalles plus ou moins réguliers.
Les extraits musicaux et filmiques soulignent l’allant de Marianne Joan Elliott-Said devenue la chanteuse du groupe X-Ray Spex qu’elle avait mise sur pied et mené à des sommets incertains. Les problèmes du racisme ordinaire auxquels cette jeune femme métisse, dodue et donc hors des codes assumés de la beauté d’alors sont soulignés à la fois par les commentaires de certains intervenants que par les extraits de son journal lues par l’actrice Ruth Negga. Celeste a donc réussi cet hommage tardif et élaboré à sa mère qu’est Poly Styrene: I Am a Cliché.

Poly Styren: I Am a Cliché

Les lutteurs masqués spécialement mexicains ont connu leurs heures de gloire dans les premières années de Fantasia à l’Impérial avec la présentation de plusieurs longs métrages  de fiction de qualité variée. La lucha libre  connaît depuis un essor certain aux États-Unis et la relation de David Arquette avec ce sport-spectacle en est un bel exemple. C’est  donc à un hommage détourné à ces héros populaires que le cinéaste québécois Alain Vézina s’est amusé dans Operation Luchador. Les férus d’histoires de la Seconde Guerre mondiale y trouveront leur comptes même si certains éléments  sont très tirés par les cheveux. Le mélange d’archives filmiques et photographiques et les entrevues sourire en coin avec des personnes pleines de bagout est bien construit même si on s’étonne de l’absence de Nelson Rockefeller, responsable alors de la lutte antinazie en Amérique latine et d’Orson Welles. Le personnage de l’Ange doré pourrait ainsi connaître d’autre beaux combats après ce documenteur fantasque.

Operation Luchador

Straight to VHS

Un film uruguayen rare de 1989, Act of Violence in a Young Journalist (Acto de violencia en un joven periodista) de Manuel Lamas était présenté en première nord-américain. Il était accompagné du premier long métrage  d’Emilio Silva Torres Straight to VHS (Directamente para video). Le réalisateur compatriote y ausculte l’impact de ce film devenu culte dans son pays d’origine ainsi que dans les contrées limitrophes. Il tente de cerner par le moyen des réseaux sociaux et de recherches en archives la carrière de Lamas, cinéaste autodidacte qui produisit, réalisa, monta et donc mit au monde cet Acto de violencia… Le personnage apparaît de plus en plus bizarre à la suite d’entrevues et d’autres extraits de films tournés par Lama, mort en 2004 et dont plusieurs œuvres semblent avoir complètement disparues. La mise en scène de Silva Torres est influencée par la recherche mortuaire du sujet dans laquelle les incongruités, la parapsychologie et les phénomènes paranormaux s’immiscent.

Encore une fois, la section « Documentaires de la marge » portait bien son titre par l’éventail d’œuvres pertinentes par leur sujet ou leur approche qu’on y proposait.