Frère et sœur

P R I M E U R
[ En salle ]
Sortie
Vendredi 04 novembre 2022

SUCCINCTEMENT.
Un frère et une sœur à l’orée de la cinquantaine. Alice est actrice, Louis fut professeur et poète. Alice hait son frère depuis plus de vingt ans. Ils ne se sont pas vus depuis tout ce temps.

Le FILM
de la semaine.

CRITIQUE.

★★★★ 

texte
Élie Castiel

La

parenthèse

endormie

À Cannes, cette année, Arnaud Desplechin sort
bredouille, comme si son cinéma n’avait jamais
existé. C’est bien dans « l’heure » du temps,
d’autant plus que les critiques se sont mêlé de la
partie, créant un accueil mitigé, la plupart ouvrant
plutôt grand les portes aux nouvelles voies,
qu’elles soient dissonantes ou incongrues.

Pourtant, Frère et sœur est admirablement construit dans la continuité de l’œuvre du réalisateur. Il fut un temps où, justement, la linéarité, l’horizontalité d’un projet de longue vie était un signe de réconfort, de reconnaissance d’un talent certain – Godard, Angelopoulos, Fellini, Antonioni, Pasolini… – temps révolus qui emboîtent le pas à ce royaume de nouvelles écritures, diverses, pour le meilleur ou pour le pire.

Mais arrêtons de nous plaindre. Si quelque chose souligne avec ferveur le film d’Arnaud Desplechin, c’est bien cette particularité à arrêter le temps, à le circonscrire dans une réalité autre, comme dans un sanctuaire protégé où tout se passerait de façon fantomatique, même si au fond, ce qui se advient entre ce frère indigne et cette sœur qui n’a jamais pardonné, voire même jusqu’à la névrose et l’épuisement, est de l’ordre de la sémiotique freudienne – agissements incompréhensibles, digressions inopportunes et autres découvertes narratives.

Ici, à Montréal, est-ce un pur hasard si ce film et Tromperie, tourné plus tôt, sortent en même temps après leur passage dans un très récent évènement cinématographique montréalais? Et dans une seule salle, et non pas quotidiennement.

Nous n’aurons jamais de réponse.

Entre l’affect et le vécu.

En attendant, Marion Cotillard et Melvin Poupaud dominent le film. Tous deux s’enlisent dans une sorte de pirouette à la fois vertigineuse et dans le même temps cathartique puisque chacun de son côté, la contrôle.

Un grave accident de la route est le point d’attache à un drame familial qui subit les foudres du temps, de la maladie, de la mort et dans tout ce brouhaha d’incompréhensions, une tentative de survivre, une envie de renouer avec ce qui, à un moment, a changé une relation fusionnelle en un état végétatif d’abandon.

Mais pour rendre cet étrange état d’esprit plausible, une direction photo, ici, celle d’Irina Lubtchansky, parfaite pour harmoniser atmosphère, lieux, champs/contrechamps, passages d’un état à l’autre. Couleurs où le brun domine, la clarté blanche, qui s’invite (très) provisoirement sans crier gare, faisant état d’intruse.

Les sentiments sont-ils filmables lorsque le récit se présente aussi périlleusement alternant d’une phase à l’autre?

Entre frères, tout se passe bien

Puis, sans nous avertir, la rencontre finale se passe dans un des endroits les plus inattendus, comme si pris par le mouvement du réel, Desplechin se donnait la permission de changer de registre. Pour d’aucuns, séquence admirable, pour d’autres, bâclée.

Les sentiments sont-ils filmables lorsque le récit se présente aussi périlleusement alternant d’une phase à l’autre? Et à l’instar de Tromperie, le thème de la judaïcité se profile instinctivement. Car faut-il le souligner, la mouvance juive dans le cinéma hexagonal d’auteur a toujours manifesté cet intense besoin, voire même d’exigence d’assimilation, d’intégration à un système républicain. Sur ce point, que se passe-t-il dans la tête du cinéaste?

Bizarrement, dans une des séquences clé du film ayant lieu à la synagogue le jour de Yom Kippour, le personnage de Zwy (très solide Patrick Timsit) traduit quelques passages de l’hébreu au français à Louis (excellent Melvin Poupaud) selon lesquelles « tu ne verras pas le nudité de ton père ou de ta mère… ou de ta sœur… » Commandement dirigé, bien entendu, à l’Homme. Et qui dans Frère et sœur, souligne la métaphore d’une parenthèse fraternelle en état d’hibernation.

Et Marion Cotillard, soulignant avec attention, grâce et une absence calculée, le goût du risque et de la faconde.

FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Arnaud Desplechin

Scénario
Arnaud Desplechin
Julie Peyr

Images
Irina Lubtchansky

Montage
Laurence Briaud

Musique
Grégoire Hetzel

Arnaud Desplechin.
Filmer la dérive des sentiments.

Genre(s)
Drame

Origine(s)
France

Année : 2022 – Durée : 1 h 48 min

Langue(s)
V.o. : français; s.-t.a.

Brother and Sister

Dist. [ Contact ] @
Axia Films

Classement
Visa GÉNÉRAL

Diffusion @
Cinéma du Musée

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]