Halka

CRITIQUE

ART CIRCASSIEN

Élie Castiel

★★★★

Le pamphlet publicitaire nous montre un acrobate habillé d’une chemise et d’un pantalon blancs, une main sur le sol, le corps à l’envers, flottant dans les airs. Jeune, bien entendu, comme rêvant d’un espace neutre qui n’a rien à voir avec la réalité.

La douceur indulgente des
saltimbanques marocains

Et du coup, dès que le spectacle commence sur la grande scène accueillante de la Tohu, c’est la magie qui prend le relais – cette candeur innocente des visages de ces garçons et des deux filles qui performent avec sincérité, ardeur, ne s’inquiétant pas une seule seconde de faire des erreurs, des petits faux pas, sachant que les spectateurs seront toujours prêts à tout pardonner.

La halka (en français, cela veut dire cercle); oui, je l’ai connue, cette fameuse Halka. Au Maroc, même à Tanger où j’ai vécu une partie de mon enfance, une époque où malgré quelques fugitives tensions entre les trois confessions monothéistes, l’harmonie régnait en maître des lieux; car il faut l’avouer, et personne ne pourra me faire changer du contraire, « Les Marocains sont les architectes émérites du vivre-ensemble ».

Crédit photo @ Richard Haughton

Le spectacle le confirme par la simplicité du geste, par cette prise de conscience des artistes selon laquelle les spectateurs, ici, placés dans les gradins, comme d’habitude, ne sont que la métaphore venue d’ailleurs de cette foule agglomérée dans les marchés et places publiques des petites villes du Maroc, admirant les saltimbanques et autres artistes en leur offrant à la fin, s’ils en ont, quelque sous. Effectivement, ma mémoire cinématographique me renvoie à La strada, un des chefs-d’œuvre de Federico Fellini.

C’est le sentiment d’avoir partagé avec ces jeunes hommes et filles d’où se dégage – et ils/elles n’ont rien perdu de génération en génération – une innocence sensuelle qui réconcilie l’âme et importune innocemment nos sens sans que nous protestions. Au contraire! Ou est-ce fait exprès? Non, c’est le sable marocain, la terre chaude et colorée d’une contrée antique se perdant dans la nuit des temps, qui reprend vie quotidiennement et ensoleille les corps et les esprits qui l’habitent.

Cette Halka demeure un véritable chant d’amour grâce aussi aux percussions des musiciens de la troupe, prêts à toujours recommencer pour que la fête ne s’arrête jamais.

Acrobates du divertissement, mais aussi de l’oralité, comme si l’Histoire du monde était celle de la parole. Les quelques chants qui ressemblent à des litanies douces-amères sur l’existence sonnent à nos oreilles comme des onomatopées qui éveillent les bruits et les saveurs de notre enfance.

J’ai été bouleversé par ce spectacle, sain, sans prétention, souvent bercé par l’agressivité bien intentionnée des jeux d’enfants. Comme par magie, j’ai pensé à l’Atlantique et à la Méditerranée. J’ai rêvé du Tanger que j’ai connu et j’ai, encore une fois, réalisé, que malgré nos différences socialement et injustement construites, il nous est impossible de se départir de la terre-mère qui nous a donné le jour. cette Halka demeure un véritable chant d’amour grâce aussi aux percussions des musiciens de la troupe, prêts à toujours recommencer pour que la fête ne s’arrête jamais.

ÉQUIPE PARTIELLE DE CRÉATION
Collectif
Mohammed Hammich, Mohamed Achraf Châaban
Mounir Châaban, Abdelaziz El Haddad
Younes Yemlahi, Mohammed Reda El Garrab

Abdelali Bahechar, Rim Belhamri
Youssef Karim, Rahima Boughdad
Soufyane Labib, Mustapha Ait
Ourakmane Mhand Hamdan, Youssef El Kanfoudi

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Acrobatie marocaine
Mohammed Hammich

Éclairages
Laure Andurand
Cécile Hérault

Création musicale
Xavier Collet

Son
Edouard Heneman, Anthony Biscarat
Joël Abriac

Costumes
Ayda Diouri

Durée
1 h
[ Sans entracte ]

Production & Diffusion
Jean-François Pyka

Représentations
Jusqu’au 9 février 2020
La Tohu

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]

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