Hot Docs
2022. I

ÉVÉNEMENT.
[Présentiel & En ligne]

texte
Luc Chaput

Parcours

Un éducateur d’une institution de la banlieue parisienne réussit, par des jeux et son empathie naturelle, à calmer les enfants qui doivent passer, durant la Seconde Guerre mondiale, la frontière pour être acceptés dans des refuges en Suisse. Ce jeune homme a déjà pris son pseudonyme de résistant Marceau qu’il portera au plus haut dans son immense carrière de mime. À l’opposé, un peintre norvégien meurt avant de connaître une première exposition et sa célébrité viendra environ soixante-dix ans plus tard. Voilà deux parcours artistiques différents qui sont présentés cette semaine à la 29e édition du renommé festival Hot Docs de Toronto.

The Art of Silence

Le réalisateur suisse-allemand Maurizius Staerkle Drux, dans The Art of Silence (L’Art du silence), retrace la vie de Marcel Marceau montrant l’importance de la Shoah dans le cheminement de Marcel Mangel. De nombreux extraits de ses spectacles (jusqu’à à 350 par an) sont insérés en contrepoint à des entrevues avec des membres de son entourage qui se livrent avec une réserve candide. Celle-ci permet de mieux apprécier la place de cette statue du Commandeur dans cette famille qui continue à œuvrer dans le même domaine. Cette présence d’une figure imposante était déjà l’objet de Concrete Love (Die Böhms Architektur einer Familie) vu en 2015 au FIFA.  Staerkle Drux y brossait un portrait complexe d’une famille d’architectes allemands au sein de laquelle Gottfried, le fondateur de la firme, continuait à travailler à 92 ans et à diriger de près ou de loin le travail de ses trois fils également architectes. Le témoignage de Georges Loinger, son cousin centenaire encore alerte, sert de contexte à la recréation des voyages décrits en introduction. La présence de Christoph, père sourd du réalisateur, et de Rob Mermin, un ancien élève Marceau, élargit le propos de ce cinéaste, par ailleurs concepteur sonore, sur la place du mime et de sa gestuelle calme dans un monde de plus en plus soumis à un arrosage incessant d’images tonitruantes.

Images of Nordic Drama

En 1990, un collectionneur norvégien découvre dans une grange de nombreuses peintures d’Aksel Waldemar Johannessen. Haakon Merken est sous le choc et entreprend de reconstituer la vie et l’œuvre de cet artiste placé dans les contrebas de l’Histoire. Le réalisateur norvégien Nils Gaup (Ofelaš / Pathfinder) présente de nombreux tableaux de cet artiste à plusieurs reprises et dans des circonstances différentes.  Cette mise en scène permet au spectateur de se former une opinion sur la technique, les sujets et la crudité assumée de cet artiste. Le combat de Merken pour faire reconnaître son compatriote par le Musée national d’Oslo donne lieu à des passes d’armes et à de nombreux retournements de situations. Des sentences définitives par des historiens d’art, des directeurs de musée et autres spécialistes plus ou moins connus sur la valeur de Johannessen. sont ainsi opposées au fil du temps. Cela illustre directement le sens de ce drame norvégien qui est le titre de ce long métrage Images of a Nordic Drama (Bilder fra et Nordisk Drama). L’apport de Johannssen en tant que décorateur et costumier aurait dû être plus souligné. Le cinéaste trouve dans ce cas un autre exemple de la mainmise d’une certaine idée du beau dans la création d’une histoire artistique et de la place de plus en plus grandissante des fondations dans cette narration internationale. Nous reviendrons dans un prochain article sur d’autres longs métrages offerts dans cette manifestation qui a bien pris sa place comme sa consœur le TIFF.

Hot Docs
2022. II ici