L’enclos de Wabush

SUCCINCTEMENT.
Wabush, la quarantaine, sans enfants, sans emploi, tout bonnement, perdu parmi les siens. Mais ayant causé un scandale au sein de sa communauté. La cause : une crise existentielle qu’il traverse depuis qu’il est conscient de ses propres névroses. Et autour de lui, des personnages aussi complexes que simplement humains. Ça se passe à Kitchike, un lieu autochtone inventé par l’auteur pour raconter un Peuple.

CRITIQUE.
[ SCÈNE. En ligne ]

★★★★

texte
Élie Castiel

Échos

réverbérants

La scénographie de Max-Otto Fauteux situe l’environnement de Wabush, celui par qui le scandale arrive, dans un lieu presque surréaliste. En plus, un décor qui sied parfaitement à la langue utilisée, du québécois autochtonisé, ce qui donne une écriture limpide, ludique, corrosive, doublement ironique, cynique le plus souvent, allant droit au but, faisant fi de toutes tournures grammaticales erronées, s’en tenant aux personnages, ce qui veut simplement dire l’Humain, pour s’y tenir proche, accentuer ses démarches, comprendre ses complexités, ses indignations.

Et bien encore, et surtout, essayer de comprendre une culture. Car L’enclos de Wabush, ce n’est pas seulement la clôture qui enferme le personnage principal, mais cette prison où, à travers les siècles, les peuples autochtones s’y sont retrouvés, plus pour le mal que pour le bien. On les a christianisés, mais sans leur enlever leurs rituels ancestraux, sans leur faire oublier leur(s) langue(s). Ils ont assimilé le français, certes, mais tout en préservant des dialectes qui se perdent dans la nuit des temps.

Cette initiative ne peut s’évérer que plus concluante et enrichissante, voire favorablement contagieuse.

C’est de cela que parle aussi le très beau texte de Louis-Karl Picard-Sioui, un nom si long qui affirme sa pluralité identitaire. Et mine de rien, se soumet à un examen de conscience qui non seulement l’affranchi, mais plus encore, le situe comme citoyen du monde. C’est un  peu vulgaire, intentionnellement, direct, par honnêteté, touchant, selon une poétique de la théâtralité, subversif, comme doit l’être tout mouvement de la scène dramatique.

Une tendance à réconcilier le moment, à rétablir l’équilibre entre le paraître et
l’être, entre réalité et onirisme, cette spécificité qui relève de la spiritualité.

Crédit : @ Marlène Gélineau-Payette.

Et assez pour convaincre une bande de comédiennes et de comédiens de s’en donner à cœur joie dans cet exercice presque expérimental qui, en passant, les rend conscients de toute la complexité des situations. Car, encore une fois, L’enclos de Wabush, tout en idéalisant le thème abordé, n’en demeure pas moins actuel à un moment de notre 21e siècle, deux décennies après son amorce, n’en continuant pas moins de se repositionner, se remettre sans cesse en question, ne sachant comment envisager sa suite, particulièrement du côté « humain », car comme tout dramaturge qui se respecte, c’est bien ce côté qui interpelle Picard-Sioui.

Il y a surtout, dans L’enclos de Wabush, cette tendance à réconcilier le moment, à rétablir l’équilibre entre le paraître et l’être, entre réalité et onirisme, cette spécificité qui relève de la spiritualité. En quelque sorte, l’homme de théâtre, subrepticement, ne propose-t-il pas une nouvelle québécitude, cette fois-ci non seulement fondée sur les origines franco-françaises du territoire, mais sur la prise de conscience d’un injuste abandon, celui des peuples autochtones délaissés, colonisés en termes de religion, de foi, mais abandonnés à leur sort social et politique.

Proposition subversive s’il en est une, mais d’autant plus courageuse et incitative qu’elle se manifeste par le biais d’un récit intime, d’amours et de déceptions, de famille et d’affirmation de soi. Comme des échos que laisse passer la lumière. Cette initiative ne peut s’évérer que plus concluante et enrichissante, voire favorablement contagieuse.

FICHE ARTISTIQUE PARTIELLE
Texte
Louis-Karl Picard-Sioui

Mise en scène
Daniel Brière
Dave Jenniss

Assistance à la Mise en scène & Régie
Marilou Huberdeau

Interprètes
Marie-Josée Bastien, Charles Bender
Joanie Guérin, Marco Poulin
René Rousseau, Émily Séguin

Scénographie
Max-Otto Fauteux

Éclairages
Renaud Pettigrew

Conception sonore
Alexander MacSweeen

Conception vidéo
Lionel Arnould

Réalisation à la captation vidéo
Daniel Brière

Montage
Sylvio Arriola

Costumes
Claire Geoffrion

Musique
Black Bear

Production
NTE / les Productions Ondinnok

Codiffusion
Festival international Présence autochtone

Durée
1 h 39 min

Diffusion gratuite @
Nouveau Théâtre Expérimental
Jusqu’au 04 juillet 2021

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]