Le Québécois Omar Sy… et les autres

TRIBUNE LIBRE.

texte
Sylvio Le Blanc

L’acteur français Omar Sy joue le rôle d’un Québécois dans le film L’appel de la forêt (The Call of the Wild), d’après d’œuvre de Jack London, avec Harrison Ford dans le rôle-titre. L’action se déroule au Yukon, à la fin du XIXe siècle. Il porte le patronyme de Perrault, typiquement français. Les Noirs étaient pourtant alors rarissimes au Québec (et ceux qui s’y trouvaient n’étaient pas aventuriers ou coureurs des bois) et inexistants dans le Nord canadien. Au moins, si on avait choisi un Inuit, dont le peuple a longtemps régné sur ces froides contrées, mais non. Drôle d’époque que la nôtre. Il faut à tout prix placer un acteur de couleur dans les films, même quand cela n’a aucun sens, historiquement parlant.

Djimon Hounsou.

Adrian Lester, à l’extrême gauche.

 Denzel Washington.

Ce n’est pas une première. L’acteur Djimon Hounsou joue le rôle de Bédivère dans le film de Guy Ritchie, King Arthur: Legend Of The Sword (Le roi Arthur : La légende d’Excalibur). L’histoire de ce roi légendaire du pays de Galles se situe à la fin du Ve siècle et au début du VIe. Y avait-il des Noirs à cette époque sur l’ancienne terre des Celtes ? Le doué acteur Denzel Washington a joué le rôle de Don Pedro d’Aragon dans le film de Kenneth Branagh, Much Ado About Nothing (Beaucoup de bruit pour rien) d’après William Shakespeare. Ressemble-t-il à un prince espagnol ? Un autre excellent acteur de couleur, Adrian Lester, a joué quant à lui le rôle de Dumaine dans un autre film de Branagh, Love’s Labour’s Lost (Peines d’amour perdues), de nouveau d’après le barde anglais. Était-il crédible en compagnon du roi de Navarre ?

Faire jouer des rôles de Blanc à des acteurs noirs est aussi ridicule aujourd’hui que de faire jouer Othello à un Blanc. Pourquoi donner un rôle de Blanc à un Noir dans un film ? Tout simplement parce qu’il faut convaincre les publics noir et mulâtre d’aller au cinéma, où le box-office est roi, surtout aux États-Unis.

 Le Macbeth théâtral noir
d’Orson Welles (1936)

En 1936, Orson Welles, alors âgé de 20 ans, a fait une chose extraordinaire qui a choqué plus d’un bien-pensant : adapter Macbeth (un roi d’Écosse ayant vécu au XIe siècle) avec des acteurs exclusivement noirs. Un Macbeth vaudou dont l’action se situait en Haïti, au début du XIXe siècle (les Français venaient d’y être vaincus et l’esclavage aboli). Ce genre d’adaptation révolutionnaire, dont la distribution est composée uniquement de Noirs, est tout à fait acceptable, mais une distribution multiraciale est parfaitement ridicule quand le contexte ne s’y prête pas.