Les « dimanches » argentiques

ÉVÉNEMENT.
[ CINÉMA ]

texte
Élie Castiel

La Cinéclub Film Society : une mission, celle de présenter des films qu’on croyait perdus, et en pellicule, soit le 16 mm ou le 35 mm, passage du temps oblige, selon les disponibilités. Voyage nostalgique? Pas vraiment, plutôt une façon comme une autre de reproduire la durée, le années qui passent, mais plus que tout, de redonner au plus jeune Art, le 7e, ses titres de noblesse. Unique discipline de la représentation qui a sans doute subi les plus bouleversantes transformations. À bien y penser, en peu de temps. Sans doute parce que trop « populaire » et que le « populaire » ne cesse de  prescrire des changements constants. Les gens s’ennuient vite. Ils ont, pas toujours bien fondé, un goût effréné de renouveau.
La CFS, c’est aussi préserver ces films, et par adéquation, la mémoire. Engouement que partagent les organisateurs en voulant le transmette au plus large public. Films , comme on dit, mainstream (pour un large auditoire) ou d’auteurs, telle est la devise des programmateurs.  Suivons-les dans cette aventure du regard.
Les très brefs propos émis sur chaque film sont signés par l’auteur de ces lignes.
Image carrée, CinémaScope, différents formats sur pellicule, bruit inégalable pour ceux et celles assis près de la salle de projection… Un monde à découvrir ou à revoir, loin de la dictature pandémique de plus en plus gnome, malheureusement mondiale, de nos écrans d’ordinateur, nonobstant leurs dimensions.

Dimanches – @ 19 h – Cinéma du Musée

20 février
Casablanca
16 mm – ÉU 1942 / VOA / 1 h 42 min – Michael Curtiz
Un essentiel, une merveilleuse aventure du regard, celui du spectateur. Pour ses affinités politiques, sa vision un peu sommaire des événements, mais surtout pour les visages magnifiquement cadrés d’Ingrid Bergman et de l’imbattable Humphrey Bogart. Sans oublier l’inégalée one-liner (phrase – ou mot – accrocheuse) finale.

06 mars
Mona Lisa
35 mm – Grande-Bretagne 1986 / VOA / 1 h 44 min – Neil Jordan
À sa sortie, le film d’un cinéaste qu’on se devait de suivre. Pour sa mise en scène glauque, sensuellement inquiétante. Et aussi pour Cathy Tyson, une révélation qui n’a pas vraiment fait son chemin et un inoubliable Bob Hoskins, dans un de ses meilleurs rôles, simplement parce que lui-même.

 

13 mars
Starship Troopers
35 mm – ÉU 1997 / VOA / 2 h 09 min – Paul Verhoeven
Si nous nous étions précipité pour voir le film, c’est avant tout sur ce que le réalisateur du puissant (et partiellement LGBT) Le quatrième homme / The Fourth Man / De vierde man pouvait faire avec un produit de consommation. Résultat : un essai cinématographique sur la fascination du regard face à l’action et à la violence. Sans oublier, l’acte héroïque, si essentiel dans l’idéologie dominante. Et la science-fiction aux effets spéciaux, ici, modérés selon une recette bien précise.

03 avril
Aparajito (The Unvanquished)
16 mm – Inde 1956 / Hindi, s.-t.a. / 1 h 50 min – Satyajit Ray
Une cinématographie nationale qu’on découvre, mais pour ceux, comme moi, qui ont vécu en Afrique du Nord, une autre facette du cinéma indien, principalement connu pour ses frivolités musicales (le plus souvent, de fascinants morceaux d’anthologie). Les disciples de Ray, aujourd’hui, reconnaissent son esthétique particulière, mais n’en demeurent pas moins fidèles à la tradition. Parmi ces fervents admirateurs, l’excellent Sanjay Leela Bhansali. Quant à Aparajito, volet d’une trilogie, un chef-d’œuvre du genre.

17 avril
The Swimmer
16 mm – ÉU 1968 / VOA / 1 h 35 min – Frank Perry & Sydney Pollack
Lors de sa sortie, une curiosité, quelque chose d’inusité. Présentation discrète, essentiellement suivie grâce à la présence de Burt Lancaster, ailleurs, dans des projets plus éclatants. On peut se rappeler de l’image lumineuse et dans le même temps retirée d’un David L. Quaid soucieuse de filmer le non-lieu, cet espace vide entre le réel et l’imaginé. Et Lancaster épouse admirablement ce néant existentiel.

1er mai
La noire de… (Black Girl)
16 mm – Sénégal – France 1966 / VO – s.-t.a. / Ousmane Sembene
Je serai le conférencier à cette représentation.

15 mai
The Day of the Locust
16 mm – ÉU 1975 / VOA / 2 h 24 min – John Schlesinger
Sorti un an après The Great Gatsby de Jack Clayton. C’est sans doute les mêmes époques filmées qui ont influencé notre intérêt. Mais pour nombreux critiques et cinéphiles, parce que les années 70 ont été un âge d’or du cinéma américain. John Schlesinger, grand ethnographe des classes sociales.

Ven 20 et Sam 21 mai – CINÉ-CONCERT
Black Pirate (Le pirate noir)
16 mm – ÉU 1926 / Intertitres anglais et français / 1 h 28 min – Albert Parker
Consulter le site de la CFS pour détails.
Je le découvre avec vous.

29 mai
Kiss Me Deadly
16 mm – ÉU 1955 / VOA / 1 h 46 min – Robert Aldrich
Ces années où les enquêteurs/inspecteurs attiraient les foules. Les femmes fatales inondaient les affiches et c’est pour ces raisons qu’on allait voir ces films. Pour nombreux, sans se rendre compte qu’ils comptaient sur des mises en scène intentionnellement alambiquées, sournoises, au diapason, ici, du scénario du gréco-américain Albert Isaac Bezzerides. Et Sean se démène avec une extase insoupçonnable.

Dim 12 juin
You Only Live Twice
35 mm – ÉU 1967 / VOA / 1 h 57 min – Lewis Gilbert
Peut-être pas le meilleur James Bond, mais la présence de Sean Connery est suffisante pour retracer l’histoire du célèbre agent. Mise en scène misogyne? Peut-être. Virilité assumée? Sans aucun doute. Distanciation avec le réel? Définitivement. Mais un rendez-vous avec l’art du spectacle cinématographique quel que soit son idéologie politique ou son agenda social (s’il existe vraiment). Et une vision de l’héroïsme viril qui s’assume sans se poser de questions, trouvant ses racines profondes dans la guerre des sexes et le patriarcat.
À ce sujet, voir ici.