Un « Bye bye » nombriliste

TRIBUNE
l  i  b  r  e

texte
Sylvio Le Blanc

J’ai vu le Bye bye 2023 à Radio-Canada. Les producteurs nous avaient avertis qu’il n’y aurait pas de sketches sur les guerres impliquant l’Ukraine et Israël : « On n’a pas eu de flash pour rendre ça drôle; il n’y aura pas de sketches directement là-dessus. »[1] La belle affaire! Si les auteurs n’ont « pas eu de flash », comme ils disent, c’est qu’ils n’ont pas assez travaillé. Ils ont préféré se concentrer sur Michel Barrette et le vélo électrique.

Pour Charlie Chaplin, cela n’a pas été une sinécure que de produire et réaliser Le dictateur, son chef-d’œuvre sur le régime hitlérien. Et pourtant, il l’a fait. Il a bossé fort pour trouver de bonnes scènes (« Œuvre d’une invention prodigieuse. » Mediafilm[2]). Il faut souligner ici que lorsque le film est sorti, la guerre faisait rage en Europe, ce qui ne l’a pas empêché d’être « le plus grand succès commercial »[3] du réalisateur.

Pour rester dans l’esprit de ce film, les auteurs du Bye bye auraient pu donner les mauvais rôles à Bottine (Poutine), LaMorve (Lavrov) et Ploukàleau (Loukachenko), fiers représentants de la Roussie et de la Belleroussie? Souvenons-nous de l’intervention de Volodymyr Zelensky au gala d’ouverture du 75e Festival de Cannes : « Il nous faut un nouveau Chaplin qui prouvera que le cinéma n’est pas muet » face à la guerre en Ukraine. Il a ajouté : « Je suis persuadé que le “dictateur” va perdre »[4], faisant allusion à la fois au président russe Vladimir Poutine et au film éponyme de Chaplin. Le président ukrainien étant lui-même un humoriste, un acteur, un réalisateur et un homme d’État, il sait de quoi il parle.

Le sujet de La vie est belle, le film de Roberto Benigni sur l’internement des Juifs durant la Deuxième Guerre mondiale, n’est pas drôle du tout. Et pourtant, il a trouvé de bonnes idées (« Œuvre farcie de trouvailles comiques, tout en atteignant une grande humanité. » Mediafilm[5]). Son film est fort bien considéré par la critique; en outre, il a été un succès populaire[6].

Idem pour La grande vadrouille, de Gérard Oury, avec Louis de Funès et Bourvil, toujours sur la Deuxième Guerre mondiale. Non seulement le film est-il très drôle (« Gags visuels très réussis. » Mediafilm[7]), mais il est en plus l’un des plus grands succès du cinéma français[8].

Bref, il est possible de traiter de sujets graves sous l’angle humoristique et de contenter en même temps son auditoire. Pour y parvenir, il faut aller à l’école des classiques dans le domaine, non seulement au cinéma, mais aussi à la télévision (les Monty Python[9]).

Pour conclure, je pense que c’est une grande erreur que de n’avoir pas parlé des deux guerres qui ont occupé tous les esprits en 2023. C’est comme si, pour les auteurs du Bye bye, le monde s’arrêtait à nos (longues mais courtes) frontières. Et, comme d’habitude, ils ont beaucoup parlé du petit monde de la télévision québécoise. Ce qui a provoqué chez moi, comme d’habitude, un petit haut-le-coeur.

RÉFÉRENCES

[1] https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2038141/bye-bye-2023-simon-olivier-fecteau-claude-legault

[2] https://mediafilm.ca/1940/le-dictateur

[3] https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Dictateur

[4] https://www.ledevoir.com/monde/712098/265-combattants-ukrainiens-d-azovstal-se-sont-rendus-selon-moscou

[5] https://mediafilm.ca/1997/la-vie-est-belle

[6] https://fr.wikipedia.org/wiki/La_vie_est_belle_(film,_1997)

[7] https://mediafilm.ca/1966/la-grande-vadrouille

[8] https://fr.wikipedia.org/wiki/La_Grande_Vadrouille

[9] https://fr.wikipedia.org/wiki/Monty_Python