16e Festival du cinéma israélien de Montréal

ÉVÈNEMENT
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texte
Élie Castiel

Trois sections, Longs métrages de fiction, Documentaires et Courts métrages, agrémentées de deux films de précédentes éditions, pour ceux qui les auraient rater. Cinéma grand public et réalisations pointues donnant un aperçu équilibré du cinéma israélien. Un festival inclusif où les thèmes abordés reflètent la dynamique de la société israélienne d’aujourd’hui. Nous n’aborderons pas tous les films programmés, préférant mettre une certaine emphase sur ceux qui se démarquent tant par leur narration que par leur côté formel.

Ce que l’on retient des films que nous couvrons ici (et des autres programmés, dont les courts métrages que nous laissons le soin aux spectateurs de découvrir), est sans doute cette vitalité que nourrissent les Israéliens, se référant à une Histoire ancienne, ne cessant de questionner le présent en essayant, contre vents et marées, de contribuer à la mouvance mondiale sociopolitique.

Les rêves contemporains

                    de la terre promise

Incitement

Nul doute que Incitement (Yamim Noraim), le titre hébreu veut dire « Jours terribles », plus proche de la réalité, demeure la pièce de résistance du festival. L’assassinat de Yitzhak Rabin (1922-1995), mettant fin aux accords de paix entre Israël et l’Autorité palestinienne est présenté selon les codes d’un cinéma entre le genre thriller et le politique. Si l’Israélien Yaron Zilberman signe ici son œuvre la plus engagée, il ne s’embarrasse guère de cibler autant le grand public que les cinéphiles avertis en agrémentant le film de joutes formelles, lui donnant ainsi une touche personnelle. L’interprétation à la fois glaciale et emportée de Yehuda Nahari Halevi (présent au Webinaire du 11 mai  – voir ici), dans le rôle qu’on devine, apporte au film une aura mystique, presque messianique. Mais au fond, ce que l’on retiendra, c’est que les cinéastes israéliens, dans l’ensemble, ne cessent de remettre en cause un présent incertain, toutes idéologies politiques confondues.

The Human Factor (non programmé au FCIM)

À titre de complément avec Incitement, le vendredi 7 mai sort à Montréal (au Cineplex Forum) le documentaire de l’Israélien Dror Moreh, The Human Factor (Ha-Gorem Ha-Enoshi) que nous couvrirons dans nos pages, bien entendu. Une façon de comparer la fiction et le documentaire. Mais plus que tout, de découvrir que la corruption et les enjeux politiques ne varient pas d’un pays à l’autre. Et surtout que la politique, à vrai dire, est un « plat qui se sert froid ».

Il y aussi Golden Voices (Kolot Reka’a) d’Evgeny Ruman, né à Minsk, en Biélorussie, installé en Israël. Dans ce film tout à fait impeccable, on sent l’influence des cinémas de l’Est, notamment de la Russie : les rapports entre les personnages, leur psychologie intérieure, le lien qui les unit à l’art, expression importante dans ce film. Mais aussi un rapport entre la caméra et le filmé. Quelque chose de mystérieux difficile à expliquer. Dans le cas des deux principaux protagonistes (elle autant que lui, excellents), se retrouver dans un pays dont le seul dénominateur commun est d’appartenir au judaïsme, est une aventure en soi. Les règles qui régissent l’adaptation à la nouvelle terre d’accueil ne sont pas les mêmes pour tout le monde et, plus que tout, Israël est devenu un état multiculturel où chacun semble le seul maître de son territoire. Un film pour les amateurs d’art qui veulent découvrir quelque chose de différent.

Golden Voices

Et finalement, en ce qui concerne les longs métrages de fiction dans cet article, Asia, de Ruth Pribar, ayant récolté de nombreux prix au Festival du cinéma de Jérusalem et de l’Israeli Academy of Film and Television, notamment pour le jeu habité des deux principales protagonistes. Le film, un drame humain, une aventure directe avec la douleur, les rapports mère/fille et surtout une avancée des voies et des voix des femmes dans un cinéma majoritairement centré sur les hommes. On ne vous dit pas plus…

Asia

Côté documentaire, Raymonde El-Bidaouia (Raymonde la Casablancaise) est avant tout un hommage, un regard sur la femme, un premier long métrage de la comédienne Yaël Abecassis, remarquée dans des films français et, bien entendu, dans des productions israéliennes, dont Kadosh et Alila, toutes deux d’Amos Gitaï. On aurait pu s’attendre à un film folklorique. Ce n’est pas le cas. L’aventure humaine devient une juxtaposition adroite entre le portrait de cette icône fascinante, belle et courageuse, du patrimoine judéo-marocain, une des reines du Chaâbi maghrébin, et l’essai intime, où certains secrets de famille sont dévoilés en demi-teinte, sans faire mal, tout en nuances, pour finalement atteindre un équilibre sain et rassembleur. On s’entretient avec Raymonde et Yaël Abecassis lors d’un Webinaire, le dimanche 9 mai, Fête des mères, à 12 h – Ça se passe en français (voir ici), avec traduction simultanée en anglais.
La deuxième partie de ce Webinaire sera consacrée à une rencontre virtuelle avec les consuls du Maroc et d’Israël à Montréal, suite aux accords diplomatiques récents entre les deux pays. La questions abordées seront de l’ordre de la bonne entente et de ce que ces affinités bilatérales pourraient produire de positif dans un proche avenir. Cette seconde partie se passe également en français, bien entendu avec traduction simultanée en anglais.

Toujours dans le domaine de la musique, The Pianist of Ramallah (Hapsantran Me Ramallah) d’Avida Livny, qu’on vous laisse le soin de découvrir. Un véritable bijou, une métaphore sur l’entente entre les peuples par le biais de la musique classique, un film de tous les possibles… et un Webinaire, entre autres, avec le jeune et talentueux pianiste dont il est question (voir ici).

Du même réalisateur, Murder at Cinema North (Retzah BeKolnoa Tzafon), une surprise pour cinéphile. Justement par le souci du cinéaste à établir le lien, bien caché, certes, entre Un condamné à mort s’est échappé, un des chefs-d’œuvre de Robert Bresson et l’intrigue dont il est question, formule stratégique entre la fiction et le documentaire. En quelque sorte, une métaphore sur le mensonge et la vérité, entre le réel et l’imaginé, entre l’exultation et l’apathie. Livny nous montre dans un même festival toute l’originalité de son registre.

Et finalement, Marry Me However (Hatuna Hafucha), en français, le titre hébreu veut dire « Mariage inversé », où, en Israël, des homosexuel(les) se marient traditionnellement pour suivre les préceptes ancrés de la religion, les pressions familiales et tous ces désagréments qui font que… Et pourtant, Israël est le seul pays du Moyen-Orient où les droits des LGBT sont les plus favorisés. Mais ce n’est qu’une politique gouvernementale et ça se passe surtout dans les centres urbains où la liberté de s’affranchir est plus prisée. Mais cette ouverture à la différence est-elle vraiment évidente chez la population dans son ensemble? Pas certain. Des cinéastes israéliens, dont Amos Guttman (1954-1993), Tomer Heymann et Eytan Fox, d’autres bien sûr, se sont penchés sur la question, obtenant un certain succès dans les festivals internationaux. Mais toute initiative dans ce chapitre demeure, pour l’instant, à l’état embryonnaire, même si parfois confirmant le contraire grâce à ces réalisateurs qui bravent toutes les tempêtes.

Tout compte fait, la terre promise ou encore « la terre de la grande promesse », grand idéal biblique, ne doit-il pas s’adapter aux attentes des sociétés contemporaines? Les rêves des uns, les aspirations ou les chimères des autres. Quoi qu’il en soit, les cinéastes israéliens se veulent les porte-paroles d’une société en mutation. Et contre toute attente, ils réussissent souvent de façon lumineusement étonnante.