Achoura

 

P R I M E U R
[ Numérique ]
Sortie
Mardi 14 décembre 2021

SUCCINCTEMENT.
Quatre enfants jouent à se faire peur et se rendent dans une demeure condamnée, réputée maudite. L’un deux disparaît dans des circonstances mystérieuses. Les trois survivants refoulent le souvenir de ce qui a bien pu se passer, jusqu’à ce que Samir ne ressurgisse 25 ans plus tard. La bande recomposée va devoir se confronter à son passé.

CRITIQUE.

★★★

texte
Élie Castiel

Intentionnellement, nous ne parlons pas de l’intrigue. Notre résumé succinct est suffisant, vous permettant de découvrir vous-mêmes les arcanes, même compliquées, de l’intrigue.

   Effectivement, le court synopsis est une proposition exemplaire. Non seulement parce qu’il situe le cinéma marocain dans des sphères inexplorées, mais bien plus encore, l’ouvre à la modernité, le juxtaposant à celui occidental, ne faisant qu’un. Autrement dit, le folklore n’est plus une affaire intime à un peuple, mais ose s’aventurer dans des terrains parfois glissants, mais sans relâche, quitte à se casser la gueule. En vain, puisque Talal Selhami persiste et signe.

   Après un court sujet, Sinistra (2006), et un premier long, Mirages (2010) – peut-être Sarāb en arabe, le Français d’origine marocaine ouvre les voies vers un cinéma marocain de genre.

   Sans doute inspiré par le mystique Kandisha d’Alexandre Bustillo et Julien Maury ou celui de Jérôme Cohen-Olivar (2008) – curieux films d’horreur inspirés d’une légende marocaine visant à faire peur aux enfants non sages, notamment dans les couches musulmanes et juives de la population (je suis bien placé pour le savoir – On appelait cette gentille femme démoniaque Aisha Khandisha), le maintenant quarantenaire Selhami propose un second long métrage où la Kandisha d’inspiration est remplacée par Boughatate, lui de sexe masculin. À noter que Kandisha s’attaque aussi aux Hommes. Sans doute questionnant l’ordre patriarcal? Du moins, c’est ce qu’on raconte.

   Mais même emprise. Non seulement sur les enfants, même s’ils constituent l’ossature de l’intrigue, mais servant d’allégorie à un pays qui change, qui se métamorphose vers quelque chose d’inconnu, difficile à expliquer. Quelque chose qui a probablement à voir avec un nouveau départ souhaitable pour l’Islam moderne.

Poétiquement

inspiré de la tradition orale

Casablanca à l’horizon. Là où tout peut arriver.

   Une ouverture vers l’Occident, mais que Selhami, élevé en France, semble voir d’un regard hésitant, voyant planer une part de danger dans cette transformation un peu trop rapide, trop soudaine. D’où, tout le long du film, ce syndrome marocain que les concitoyens, autant Juifs que Musulmans, honorent, la nostalgie. Une sorte de mélancolie comme si ce peuple millénaire était voué à l’exil.

   Bizarrement, dans le Maroc de la fin des années 50, jusqu’au milieu des années 60, le Maroc urbain paraît, culturellement, une société libre, enchantée, presque ouvertes à toutes les manifestations sociales. Une parenthèse vite fermée.

   L’Achoura, fête des enfants, bien ancrée dans le souvenir des Marocains de différentes confessions, même si ses origines sont musulmanes, sert ici de toile de fond non seulement à un récit qui rend hommage au film de genre, mais bien plus, honore le folklore d’un pays principalement tributaire de la tradition orale, d’un privilège ancestral. Ces récits de nos aïeul(es) servant d’outils pédagogiques ou thérapeutiques; en fait, une façon d’élever les jeunes enfants vers l’âge adulte. Dernièrement, une fête annuelle que les autorités contestent inlassablement.

Aucun souci d’épater la galerie, mais la tentation d’être soi-même, d’avoir recours à ses origines autres pour non pas imiter l’Occident, mais s’en inspirer pour donner un souffle nouveau au cinéma marocain, déjà porteur, depuis des années, d’une image critique tout à fait honorable et amplement méritée. Même le cinéma d’horreur peut occasionnellement avoir des accents de poésie.

   Ce constat, dans Achoura, est illustré par des plans minutieusement soignés où l’horreur se manifeste dans l’indicible, dans le suggestif, sauf pour quelques plans, brefs et rapides où le visage du démon est montré – Nous sommes après tout dans un cinéma de genre.

Aucun souci d’épater la galerie, mais la tentation d’être soi-même, d’avoir recours à ses origines autres pour non pas imiter l’Occident, mais s’en inspirer pour donner un souffle nouveau au cinéma marocain, déjà porteur, depuis des années, d’une image critique tout à fait honorable et amplement méritée. Même le cinéma d’horreur peut occasionnellement avoir des accents de poésie.

FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Talal Selhami

Scénario
Jawad Lahlou, Talal Sehlami
David Villemain

D’après une idée de Tahlal Sehlami

Direction photo
Mathieu de Montgrand

Montage
Julien Foure
Sébastien Prangère

Richard Riffaud

Musique
Romain Paillot

Genre(s)
Drame d’horreur

Origine(s)
Maroc
France

Année :  2018 – Durée : 1 h 30 min

Langue(s)
V.o. : arabe, français; s.-t.a.
Achoura : La nuit des enfants

Dist. (Contact) @
[ Dark Star Pictures ]

Classement (suggéré)
Interdit aux moins de 16 ans

Diffusion @
Dark Star Pictures