Akram Khan Company

‘Xenos’

ou

Prométhée

réinventé

CRITIQUE
[ Danse ]

★★★★ ½

texe
Élie Castiel

Retour du grand Akram Khan après son remarquable Until the Lions, à Danse Danse en 2017. Et avec XENOS (du grec, étranger), raison de plus d’y assister puisque c’est la dernière prestation solo du chorégraphe-danseur. Salle complète pour la Première hier soir devant un public ébahi non seulement par la performance de l’artiste, mais également par le message qu’il implique, rendu encore plus pertinent grâce à un décor majestueux.

Pour Akram Khan, une pièce essentielle parce qu’intime, personnelle, complice de sa vision du monde et de la vie. Les guerres, de la Première Guerre mondiale jusqu’à, en filigrane, celles d’aujourd’hui. On comprendra que l’unique danseur sur scène se fait le narrateur en mouvement et le messager de ces erreurs humaines que sont les conflits armés. Dans les temps anciens, Prométhée avait décelé la dichotomie de l’humain, le bien et le mal.

Pour Akram Khan, une pièce essentielle parce qu’intime, personnelle, complice de sa vision du monde et de la vie.

Sur scène, chaînes en métal, cordes épaisses, autant d’objets qui emprisonnent, séquestrent, annihilent l’humain. Les gestes paraissent simples, mais nécessitent aussi un désir d’improvisation, quitte à ce que chaque soir, le moment soit différent. Qu’importe, puisqu’à la suite du spectacle, une rencontre avec les musiciens nous apprend qu’eux aussi improvisent, tout en conservant le contrôle d’une mise en scène et en mouvements bien établies.

La musique originale de Vincenzo Lamagna évoque un espace de champ d’action qui se désagrège, victime des fautes de l’humain, des Hommes plutôt. Il règle aussi le son, ici, d’une importance capitale, fait de vacarmes, de tonalités inquiétantes et de silences angoissants. Le khatak, danse traditionnelle du Pakistan, pays d’origine de Khan, subit des transformations bienvenues. Le danseur tombe, il s’appuie les mains à terre, se relève. Le temps que dure cette remarquable performance, les lois de la gravité sont mises à rude épreuve, Khan confirmant son rapport à l’espace et à la physicalité.

XENOS

Crédit : ©Jean-Louis Fernandez

Mais au-delà de ce que XENOS propose ouvertement, on constate, chez Akram Khan, le signe d’une réconciliation entre lui et l’art qu’il professe, la réalisation qu’il faut passer à autre chose tout en continuant de gérer sa compagnie. Ça lui permettra sans doute de créer avec encore plus qu’il ne l’a déjà fait. Khan évoque le grand Sidi Larbi Cherkaoui, avec qui il partage certains mouvements et thèmes abordés. La suite s’affirme fructueuse.

Mais lorsqu’il s’adresse à ceux et celles resté(es) dans la salle après la présentation, il nous rappelle que l’Histoire a été quasi exclusivement écrite par des Hommes blancs. Magnifique déclaration qui contribue à rendre les discours actuels sur l’immigration, l’islamophobie, l’homophobie, l’antisémitisme et autres ségrégations encore plus essentiels. L’Homme est simple, mais l’artiste en lui un véritable géant, vivement influencé par l’ancienne culture grecque, porteuse de valeurs universelles.

FICHE TECHNIQUE
Chorégraphie / Direction artistique / Interprétation Akram Khan
Collaboration artistique
  Jordan Tannahill
Dramaturgie Ruth Little
Musique originale / Création sonore Vincenzo Lamagna
Costumes Kimie Nakano
Éclairages Michael Hulls
Production Farooq Chaudhry
Diffusion DanseDanse
Représentations: Jusqu’au 16 février / 20 h, Théâtre Maisonneuve, (Place des Arts)
Durée 1 h 10 min
(Sans entracte)