All Light, Everywhere

P R I M E U R
Sortie
Vendredi 11 juin 2021

SUCCINCTEMENT.
Alors que les technologies de surveillance deviennent incontournables dans la vie quotidienne, le film interroge la complexité d’un point de vue objectif, sondant les biais inhérents à la perception humaine.

CRITIQUE.

★★★ ½

texte
Élie Castiel

Le regard camouflé

À la rigueur, on pourrait choisir un autre adjectif dans le titre de notre article, mais selon la thèse de Theo Anthony, le regard, à chaque moment, change selon notre perception des choses. Proposition d’autant plus judicieuse qu’elle englobe toute une série de démonstrations sur la notion d’objectivité.

Voir ce qu’on a envie de voir. Sentir les choses en accord avec nos convictions. Pour dialoguer avec le spectateur, Anthony signe après Rat Film (2016), son premier long métrage documentaire, un essai où la complexité s’allie aux écrits de trois grands noms de la pensée pour élucider sa thèse : William Blake, poète et intellectuel du 18e siècle; Donna Haraway, professeure en Histoire de l’inconscient, au Département d’études féministes de l’Université de Californie ; et Frederick Douglass, à l’avant-garde de l’abolitionnisme, homme de lettres afro-américain, très vite affranchi de son ancien statut de sous-privilégié.

Dans le premier chapitre, « As the eye, such the object / L’objet, tel que le voit l’œil nu » introduit la proposition selon des mots de Blake.

Suivi de « What is a science where the self is held intact? » / Qu’est-ce qu’une science où le moi est maintenu intact » – Haraway. Persistence of Vision. Une entrée surprenante à l’intérieur de Axon Enterprise, Inc., une société spécialisée dans les appareils de sécurité individuels non létaux. Détient aussi la plus grande part dans la  fabrication des controversés Taser. Colonne vertébrale du film qui se situe, sans vraiment le montrer, à l’orée des récents évènements chez nos voisins du sud, remettant la question à l’ordre du jour.

[ Le film ] soulève la question de savoir que devient le cinéma.
Doit-il muter vers quelque chose proche de notre inconscient?

Et finalement « We all feel that there is something more that the curtain has not yet been lifted. There is a prophet within us, forever whispering that behind the seen lies the immeasurable unseen » / Nous avons tous le sentiment qu’il y a quelque chose de caché derrière le rideau. En chacun de nous, ce cache sans doute un prophète, chuchotant sans cesse que derrière le vu se cache l’incommensurable imperceptible. – Douglass. Age of Pictures. C’est sur le terrain, dans la formation des policiers que le film braque son objectif. Les femmes semblent plus impressionnées, les hommes, les plus vieux, s’en balancent ou font semblant.

Qu’importe, ces trois formes de mise en scène sont la preuve que le documentaire d’enquête social peut prendre plusieurs formes à la fois, tout en mesurant son impact sur les individus. Theo Anthony étonne, pousse à la réflexion et plus que tous conçoit le cinéma comme un abécédaire de conscientisation. D’où cette approche parfois philosophique (au passage, on cite, par exemple, le Français, l’incontournable Henri Bergson), la philosophie comme science du savoir.La diction de Keaver Brenai, narratrice, est claire, mais le ton monotone, en parfait accord avec la musique, dommage, omniprésente, de Dan Deacon, également de Rat Film. Quelques images en silence auraient produit un meilleur effet.

Voir ce qu’on a envie de voir. Sentir les choses en accord avec nos convictions. Pour dialoguer avec le spectateur, Anthony signe après Rat Film (2016), son premier long métrage documentaire, un essai où la complexité s’allie aux écrits de trois grands noms de la pensée pour élucider sa thèse

Reste cependant un brillant essai sur les images en mouvement qui, dans la quatrième partie, « Épilogue », soulève ingénieusement la question de savoir que devient le cinéma. Doit-il muter vers quelque chose proche de notre inconscient, imprévisible, surprenante, multiple ou, au contraire, poursuivre avec acharnement son chemin sécuritaire et douillet. Même si c’est au prix d’une dissimulation de la réalité.

FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Theo Anthony

Scénario
Theo Anthony

Direction photo
Corey Hughes

Montage
Theo Anthony

Musique
Dan Deacon

Le directeur photo et le réalisateur
Moment pendant le tournage.

Genre(s)
Documentaire

Origine(s)
États-Unis

Année : 2021 – Durée : 1 h 49 min

Langue(s)
V.o. : anglais

All Light, Everywhere

Dist. [ Contact ] @
Entract Films

Classement
Tous publics

En salle(s) @
Cinéma du Parc

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]