Pour Danse Danse, un début de saison 2023-2024 avec une valeur sûre, tant sur le plan de la virtuosité des artistes de la compagnie invitée que de la faveur du public. Trois grandes chorégraphes pour un programme de 90 minutes où l’harmonie entre le geste et la musique ne connaît pas ses limites, optant pour une juxtaposition tenant du rituel.Suite
La formule traditionnelle en ce qui a trait aux costumes d’époque et à l’ensemble de la production est toujours gagnante. Il s’harmonise avec la musique du grand maître et mine de rien, attire l’attention, toujours grandissante, de ce classique de l’art lyrique.
Au pupitre, le (très) jeune Nicolas Ellis, dont la carrière artistique se déploie à une vitesse de croisière exceptionnelle, utilise le bâton et le mouvement avec un enthousiasme contagieux, optant pour une « mise en musique » aussi enchantée que mordante, dans le bon sens du terme.
Rien à lui reprocher sur ce plan; idem pour l’ensemble orchestral. Pour les voix, portantes, alimentées par un texte dissuasif de Da Ponte. Mais tout aussi bien d’ajouter que dans le mouvement, l’utilisation de l’espace scénique et les transitions, sans doute que des artistes trop pris par l’hyper-technicalité de la mise en scène de Stephen Lawless, une aventure à qui il manque une certaine « âme »; en quelques mots, ces moments où l’émotion l’emporte sur tout et nous extasie sans cesse.
Barbarina, Figaro et Marcelina – Un jeu de séduction Crédit : Vivien Gaumond
Certes, il y en a, deux ou trois de ces temps qui nous font chavirer, mais pas assez pour un Mozart ou n’importe quel autre auteur, des moments où le jeu des éclairages amplifie ce qui se passe sur scène.
Les portes, les fenêtres, tout ce qui se cache ou se révèle, s’ouvrent et se ferment sans arrêt ; on le comprend, c’est en accord avec un récit sur ce qu’on veut cacher ou découvrir. Un véritable jeu de l’amour et du hasard qui résonne encore de nos jours, même si à d’autres niveaux.
[ … ] l’affiche du spectacle qui circule un peu partout dans les rues de la métrople n’a rien à voir avec ce que vous verrez sur scène. Mais à bien y penser, renferme toute la quintessence moralement binaire de l’écrit de Da Ponte.
La Canadienne Kirsten MacKinnon (Comtesse Almaviva) déploie une sensualité aussi digne que combattant et promet quelques tours de chants inoubliables. Le Figaro de Leon Košavić tient bon, à tous les coups, face à une distribution-personnages qui circulent autour de lui, presqu’entièrement constituée de membres de l’Atelier lyrique de l’OdM. Place à une relève qui laisse paraître une ardeur et une faculté d’expression établies.
Et à propos, l’affiche du spectacle qui circule un peu partout dans les rues de la métrople n’a rien à voir avec ce que vous verrez sur scène. Mais à bien y penser, renferme toute la quintessence moralement binaire de l’écrit de Da Ponte.
FICHE ARTISTIQUE LE NOZZE DI FIGARO Les Noces de Figaro/ The Marriage of Figaro
Compositeur Mozart Livret Lorenzo da Ponte Pupitre Nicolas Ellis Mise en scène Steven Lawless
Distribution Leon Košavić (Figaro) Andrea Núñez (Susanna) Hugo Laporte (Comte Almaviva) Kirsten MacKinnon (Comtesse Almaviva) Katie Fernandez (Cherubino) Rachèle Tremblay (Marcellina) Ainsi que… Scott Brooks, Emma Fekete, Angelo Moretti, Mattew Li
Décors Leslie Travers Costumes Leslie Travers Éclairages Thomas C. Hase
Chorégraphie Eric Sean Fogel
Une distribution presqu’entièrement composée de comédiens d’Amérique latine. Les langues parlées : le français, la langue d’accueil, l’anglais, celle du pays dans sa globalité et l’espagnol, celle des origines, pour ne pas l’oublier, pour savoir d’où l’on vient. Une question d’éthique.
Message politique? Simple choix des créateurs? En tout cas, le message est clair et lancé à ceux et celles qui continuent avec tous ces débats sur l’avenir de la langue. Une chose est claire, et ça transperce tout le long de Providencia, encore une fois, titre espagnol qui revendique sa particularité ethnique et, par défaut, comédie dramatique où les sentiments les plus opposés ne cessent de se répercuter tout au long de ce sitcom à la fois émotif et drolatique, amusant, cocasse.
Pour la trame narrative : réunion de famille lors des funérailles, à Boston, de la grand-tante d’Adriana, celle par qui tout arrive, ce qui explique son côté sérieux. Et comme l’évènement a lieu deux jours avant le 80e anniversaire de la défunte, pourquoi ne pas déjouer les tours du destin? Le reste, on ne vous dira rien comme certains s’emploient à le faire.
Une dignité dans le geste et le regard.
La mise en scène de Marie Farsi affiche tout haut son côté populaire, tentant de ménager la chèvre et le chou pour laisser libre cours aux protagonistes d’établir leurs propres sensations. Et ils, surtout elles, ne reculent devant rien pour extérioriser leurs sentiments.
Bien entendu, tout cela est directement lié au texte bien senti de Mariane Tayler, très bonne observatrice de la dynamique latino-américaine, de surcroît, ici, la colombienne – d’où ces inside jokes et jeux de mots bien particuliers.
La mise en scène de Marie Farsi affiche tout haut son côté populaire, tentant de ménager la chèvre et le chou pour laisser libre cours aux protagonistes d’établir leurs propres sensations. Et ils, surtout elles, ne reculent devant rien pour extérioriser leurs sentiments.
Et on boit, on bouffe, beaucoup, sauf… Et comme toute bonne famille qui se respecte, un cousin gai (Oscar ou Oscarito, selon qui le nomme) qui en met trop – seul défaut (non pas le comédien, lui, très investi, mais le personnage). Le rendre masculin, comme la grande majorité des gais, aurait fait passer le message de tolérance encore plus fortement. Mais bon, les caricatures sont encore à l’ordre du jour à ce qu’il paraît.
Mais dans ce brouhaha de rires, de larmes, de pas de danses, d’une ou deux chansons brièvement entonnées, un regard tendre, savoureux et réaliste sur l’immigration en sol nord-américain (États-Unis et Canada) : la dispersion des familles qui transforme leur dynamique, leur regard sur le monde, sur la vie, sur leur dépendance, sur soi-même. Sans qu’elles s’en rendent compte, mais lorsque les rituels de vie et de mort viennent arracher le quotidien, les origines refont surface. Tel comme il se doit.
FICHE ARTISTIQUE PROVIDENCIA Comédie dramatique
Texte Mariane Tayler
Mise en scène Marie Farsi Assistance à la mise en scène Catherine Alpin
Interprètes Emmanuelle Lussier Martinez, Luz Tercero Leo Argüello, Ximena Ferrer