Lui, François Archambault, elle, Gabrielle Chapdelaine. Un duo pour l’écriture d’un texte destiné à huit artistes de la relève théâtrale. Pour la mise en scène, Claude Poissant. Que peut-on ajouter de plus ?
Comme dénominateur commun aux huit interprètes, la comédienne Ève Landry, les laissant s’agiter dans une scène, dont le décor aux nombreux crayons (je suppose que je ne me trompe pas) émanant à l’envers du haut du plafond indique l’âge des personnages sans noms.Suite
Le texte du prolifique dramaturge espagnol Juan Mayorga, publié en 2000, demeure d’une audace percutante, pour ses mots, ses phrases à double sens prononcées lorsqu’on s’y attend le moins, sans s’annoncer, comme si elles étaient faites pour nous dissuader de réagir au moindre mot.
Faux raccords intentionnels, doubles-sens incendiaires, autant de paroles calamiteuses qui fâchent et émerveillent dans le même temps notre curiosité maladive de spectateurs. Et plus que tout, de la part de Claude, excellent Vincent Paquette, jouant à merveille le jeu de la morale indifférente, absente, comme si seule les caprices de l’intrusion chez une famille bourgeoise composait l’ultime enjeu de son travail de « recherche » bien particulier.
Puisqu’en fin de compte, il n’est pas question d’une simple composition pour cet étudiant en philo, le meilleur de la classe, et qui semble avoir réponse à tout, même s’il ne parle jamais, et puis, en apparence, plus apte aux mathématiques qu’aux études littéraires. On ne vous dira rien sur l’intrigue, car elle constitue, dans sa plénière forme, le point centrale d’une intrigue un peu compliquée.
Tout d’abord, la plume aiguisée de Maryse Warda. La langue québécoise est totalement assimilée à l’espagnole, toutes deux latines, romantiques, extravagantes, maintenant un côté acerbe et ironique des enjeux dont il est question. Il y a un humour partout, on rit jaune, on sourit, on plonge dans un univers presque irrationnel où l’irruption dans l’intimité « des autres », moyennant des prétextes acceptables, devient une sorte de jeu du « chat et des souris ».
Vincent Paquette (Claude) .Contrôler la situation en dépit des conséquences.
Germain (versatile à souhait Hughes Frenette, bien que maintenant un rapport permanent à la logique « institutionnalisée » de son personnage de professeur ) ne peut plus suivre, comme si son étudiant, qu’il trouve brillant comparé au reste de la classe, lui prenait sa place sans s’en rendre compte. Ou l’est-ce vraiment ? Le reste de la distribution est sans failles, contrôlant l’espace scénique au décor structuré et alambiqué comme les personnages, avec autant d’astuce que de précaution.
La langue québécoise est totalement assimilée à l’espagnole, toutes deux latines, romantiques, extravagantes, maintenant un côté acerbe et ironique des enjeux dont il est question.
Car Le garçon de la dernière rangée est surtout une pièce sur les apparences, la manipulation excessive qui émane de ce désir de tout savoir pour accomplir un texte à la mesure de son talent… ou peut-être aussi de sa curiosité et de tout ce que cela entraîne. Claude indique toujours à son prof… « à suivre »… jusqu’à l’éclatement final qui se termine sur un fond noir de la salle. Les problématiques, les questionnements et notamment les conséquences sont de taille, mais faut-il pour cela plus que simplement croire à ces personnages dramatiques d’une singularité et d’un réalisme exceptionnel ?
FICHE ARTISTIQUE
Texte Juan Mayorga
Adaptation québécoise de
Maryse Warda, tirée de El chico de la última fila
Mise en scène Marie-Josée Bastien, Christian Garon
Distribution Charles-Étienne Beaulne, Samuel Bouchard
Lorraine Côté, Hughes Frenette
Marie-Hélène Gendreau, Vincent Paquette
Décors : Marie-Renée Bourget Harvey Costumes : Sébastien Dionne Éclairages : Denis Guérette Musique : Sarah-Anne Arsenault, Dillon Hatcher Production : Théâtre Niveau Parking, en codiffusion avec La Manufacture
Durée 1 h 50 min [ Sans entracte ]
Public (suggéré) Déconseillé aux moins de 13 ans
Diffusion & Billets @ La Licorne Jusqu’au 14 septembre 2024
ÉTOILES FILANTES ★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★ Sans intérêt. 0 Nul. ½[ Entre-deux-cotes ]
Dernière pièce de la saison 2023-2024 au Segal, théâtre anglophone assez particulier de la métropole qui a l’habitude d’oser le tout pour le tout, et dans ce cas, où politique, salaceries verbales, tracasseries bureaucratiques et enjeux géopolitiques se soumettent aux codes d’une mise en scène gérée intentionnellement par le 360º pour chaque changement de scène, révélant par là-même ses possibilités; d’une certaine façon, une stratégie efficace dont l’économie et la fonctionnalité produisent, il faut le souligner, les effets voulus : le rire éclatant devant les situations aussi cocasses que sérieuses et ces « four-letter-words » – gros mots en français – qui sortent de la pensée et de la bouche des participantes (elles sont sept), à chaque phrase exprimée. C’est vulgaire, ou plutôt presque nécessaire, et c’est voulu.
Le verbe, issu de la plume de Selina Fillinger, jeune dramaturge américaine qui connaît bien son pays et forcément sa politique ambiante, quel que soit le parti au pouvoir, est une question de langage de la quotidienneté derrière les portes closes.Suite