Pour entrer dans le vif du sujet, qu’importe le nom des interprètes, des chanteuses, de ceux et celles à l’orchestre, des incontournables clowns qui, de plus en plus, ne sont que la transition entre une grande attraction et l’autre.
C’est le rêve, ce que ne peut se permettre de faire le commun des mortels. Ce sont les émotions à l’état pur, le voyeurisme positif, car nous somme tous, d’une façon ou d’une autre, inscrits dans ce phénomène naturel.Suite
Une fin de saison éclatante au Prospero. Jamais mise en scène et performance ne furent aussi proches que dans ce texte intraitable, intransigeant, qui se cache malicieusement pour que personne ne puisse le saisir. Car il est propre à Sarah Kane et ne répond que d’elle. Intime, bouleversant, cryptique. Encore une fois, capricieusement insaisissable.
La traduction de Guillaume Corbeil rejoint admirablement une nouvelle langue, entre le franco-français et le québécois, une langue réinventée amoureuse des mots, des subtilités, des nuances de cette langue qui aime les sous-entendus. Pour sa part, Sophie Cadieux connaît bien les rudiments de l’art d’interprétation qui consiste à ce qu’à chaque fois, on habite un nouvel univers. Qu’à chaque fois, le corps s’approprie de nouvelles empreintes. La scène lui appartient, mais la scène se défend elle-même comme si elle tenait à rester pure, sans entraves. Mais grâce à un concept plus grand que nature, elle se laisse amadouer car le texte de Kane est littéraire et non pas théâtral. Le transposer dans l’espace scénique, c’est lui donner une seconde nature.
Extérioriser une force intérieure par la beauté initial du geste. Crédit : @ Nicolas Descôteaux
Nous sommes littéralement happés par cette scénographie qui, d’une part, exhibe ses extrêmes, de l’autre, succombe aux caprices de la comédienne, prise dans divers états de gravitation, de suspension, de liberté et d’emprisonnement. Elle dramatise, tâte le tragique, se permet des sautes d’humeur bien particulières. L’humour est du jamais vu auparavant. On sourit, on jubile aussi, intérieurement. On demeure curieux de ce que sera la suite. Cadieux domine la scène, comme celle-ci tentait de la surpasser. Peu à peu, s’opère un jeu de correspondances entre la mise en scène de Florent Siaud, contrôlée, furieusement intransigeante, immuable dans son existence, mais en même temps complice avec le jeu intrépide de Sophie Cadieux. Une symphonie (de la racine grecque qui veut dire « accord », « harmonie ») entre les intentions et les gestes, entre l’illusion et la parole.
Et le spectateur dans ce voyage hors du temps? Soit qu’il se démène sans cesse pour essayer de résoudre l’énigme d’un texte indécelable. Ou au contraire, finit par comprendre que ce voyage dans l’inconscient, dans les méandres de la psychanalyse ne sont après tout que les préparatifs immuables d’une mort annoncée. Lumineux, même à l’intérieur de ses ombres diaphanes.
Cadieux, ici la femme sans nom, saisit les moments, les contresens issus d’une âme désespérée, perdante, qui, de cris en chuchotements, anoblit le geste irréversible tout en lui imposant sa propre morale.
Et le spectateur dans ce voyage hors du temps? Soit qu’il se démène sans cesse pour essayer de résoudre l’énigme d’un texte indécelable. Ou au contraire, finit par comprendre que ce voyage dans l’inconscient, dans les méandres de la psychanalyse ne sont après tout que les préparatifs immuables d’une mort annoncée. Lumineux, même à l’intérieur de ses ombres diaphanes.
[ Voir entrevue avec Florent Siaud et Sophie Cadieux ici. ]
ÉQUIPE PARTIELLE DE CRÉATION Texte Sarah Kane
Traduction Guillaume Corbeil
Mise en scène Florent Siaud
Interprète Sophie Cadieux
Scénographie / Costumes Romain Fabre
Éclairages Nicolas Descôteaux Concept sonore Julien Éclancher
Vidéo David B. Ricard
Production Les songes turbulents
Durée Environ 1 h [ Sans entracte ]
Diffusion @ Prospero [ Scène principale ] Jusqu’au 22 mai 2022
ÉTOILES FILANTES ★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon. ★★ Moyen. ★Mauvais. 0 Nul. ½ [ Entre-deux-cotes ]
Étrange titre que La chair de Julia. Aussi bien parler de son corps, de son esprit, de son imagination, de son être en tant que femme et comédienne; un voyage dans le temps après une quinzaine d’années d’absence. Théâtre et télévision, et au cinéma, ne l’avions pas vue évoluer admirablement dans Les beaux souvenirs (1981) de Francis Mankiewicz, ou encore dans Mourir à tue-tête (1979) ou Salut Victor (1989), tous les deux d’Anne-Claire Poirier?
Dans ce projet théâtral d’une grande originalité, une tribune, comme s’il s’agissait d’une profession de foi. Comme si du coup, alors que les années passent, il fallait coûte que coûte renouer avec la scène, ces quelques dernières années secouée par un vent de « relève » et de « diversité » incontrôlable. Les hasards du facteur sociopolitique et culturel sont ainsi faits.Suite