P R I M E U R [ En ligne ] Sortie Mardi 21 septembre 2021
SUCCINCTEMENT. D’après l’histoire vraie de Joe Bell et de son fils de 15 ans, Jadin, qui s’est suicidé en 2013 après avoir été victime d’homophobie
CRITIQUE. [ Sphère LGBT ]
★★ ½
texte Élie Castiel
Chemin de croix
Avant le succès probable de King Richard, fiction sur l’ascension des joueuses de tennis incontournables Venus et particulièrement Serena Williams, Reinaldo Marcus Green signe un film sur l’acceptation, la tolérance, l’ouverture à ce qui est différent de la « surfaite » normalité. L’année, 2013, mais encore assujettie aux lois d’un conservatisme encore résistant malgré les avancées dans le domaine de l’orientation sexuelle. Et point de départ de ce récit.
Ici, un fait vécu, propice à une proposition fort intéressante, mais trop écrite, un peu trop, suscitant ainsi des faux pas dans l’écriture, des instants qui auraient pu s’écourter, un dialogue parfois chargé, sans véritable raison.
Wahlberg oublie du coup ses rôles de machos qui ont fait son succès pour endosser un personnage sensible, ouvert à la différence, faisant de sa mission quasi religieusement un cheval de bataille social totalement assumé.
P R I M E U R [ En salle ] Sortie Vendredi 24 septembre 2021
SUCCINCTEMENT. Né garçon, Sasha se comporte comme une petite fille dès l’âge de trois ans. Le film suit son quotidien auprès de sa famille et à l’école.
CRITIQUE.
[ Sphère LGBT ]
★★★ ½
texte Élie Castiel
Des 14 films de Sébastien Lifshitz, tous métrages confondus, les quelques fictions du début, comme le beau Presque rien (2000), le subtilement sulfureux Wild Side (2004) ou encore l’abouti Plein sud (2009), laissent la place aux documentaires, comme si ce passage au réel représentait, pour le cinéaste, l’aboutissement d’une longue recherche personnelle à sa propre orientation. Certes, avec Les invisibles, il n’était que normal que Lifschitz s’adresse à des générations plus âgées de gais et de lesbiennes ayant survécu aux nombreux préjugés et diatribes d’une société intolérante. La boucle est bouclée et le cinéaste peut ainsi continuer à tourner comme bon lui semble.
Libre arbitre
Aujourd’hui, où dans la sphère LGBT, la revendication du genre est contextualisée, le cinéaste a son mot à dire. Homme, Femme et les autres, quels que soient les nombres. Non seulement une question d’identité, mais de présence dans le monde, de réaffirmation d’une entité jadis perdue, occultée, ne signifiant rien. Au péril de compromettre les lois des puristes, qui existent encore nombreux.
Face à la psychologue (hors-champ), droit dans les yeux, un revendication lucide de son identité.
Sasha se sent fille depuis les quatre ans. Quand même, assez tôt pour que sa particularité rejoignent le commun des mortels. Combats, souffrances (surtout des parents qui, à voir dans le film, semblent étrangement assez ouverts d’esprit, surtout le père).
Lifschitz se retire du plan, laissant le cadre aux principaux intéressés, Sasha, évidemment, la mère, le père, le milieu scolaire, l’école de ballet, la psychologue… et de courtes séquences d’extérieurs qui laisse entrer le soleil et sont comme des bouffées d’air frais. Façon de parler puisque Petite filleest une revendication – le titre l’indique – une mise en perspective des différentes façons de s’adapter à la vie.
Après deux décennies, le 21e siècle, particulièrement en Occident, le libre, le démocratique, annonce un futur quasi immédiat irréversible sur la condition du genre.
Oui, dysphorie ou dans un langage moins scientifique, mécontentement, tristesse, chagrin, dans ce cas-ci, de ne pas être né se qu’on l’en aurait voulu être. Les nouveaux temps permettent une transformation.
Dans la mise en scène de Lifschitz, le droit à l’enfance d’affirmer sa présence, son point de vue, aussi inoffensif soit-il.
Pour le meilleur ou pour le pire. Car en ces temps incertains, le présent manifeste farouchement son droit de cité, le passé carrément oublié et le futur, relégué aux calendes grecques.
Dans la mise en scène de Lifschitz, le droit à l’enfance d’affirmer sa présence, son point de vue, aussi inoffensif soit-il. La mère souffre et comprend. Le père est résilient. La psychologue ne suit que les codes de sa profession. Sasha, elle, a totalement appris à se connaître.
Quitte à ce qu’une fois adulte, elle choisisse son sexe de naissance. La société, on s’en fout.
P R I M E U R [ En salle ] Sortie Vendredi 24 septembre 2021
SUCCINCTEMENT. Au décès de sa grand-mère, qui l’avait élevé, Dominic trouve des lettres qui lui confirment que sa mère, Béatrice, qu’il croyait morte en couches, est toujours de ce monde. Il décide de la chercher.
CRITIQUE.
[ Sphère LGBT ]
★★★★
texte Élie Castiel
Le titre du film trahit en quelque sorte la proposition, à moins, comme c’est bien le cas, que le cinéaste culte Bruce La Bruce ne cherche qu’à provoquer la bien-pensance contemporaine, une époque où le politiquement correct semble dominer le discours social et l’Occident se tourne de plus en plus vers la droite, ne succombant pas aux effets chocs de certaines publicités, aux ébats de toutes sortes d’Internet et à certains films qui osent affronter la pudibonderie en matière de sexe.
En fait, si l’on réfléchit comme il faut et on observe de prêt, la guerre des sexes est devenue en quelque sorte la « guerre contre le sexe ». La société, telle qu’elle est conçue dans les pays de l’Occident libre, n’osera jamais se l’avouer. Toujours est-il que La Bruce déconstruit les codes de conduite et par pure stratégie, se dédouane en situant le récit dans les années (19)70, ère, comme tout le monde le sait, d’expérimentations massives en ce qui a trait à la sexualité et dont on soulignera les mouvements féministe et gai.
Saint-Narcisse, c’est avant tout le lieu où Dominic, l’anti-héros en question, se rend suite à le découverte de mystérieuses lettres après la mort de sa grand-mère. Point central : la mère du jeune homme ne serait pas morte en couches, mais elle est bien vivante et s’est terrée à Saint-Narcisse, quelque part au Québec.
Près de cet endroit, une institution de (jeunes) séminaristes qui jouissent, au sens propre comme au figuré, des lieux et que le Père Andrew dirige selon des méthodes, parfois, pour ne pas dire souvent, peu orthodoxes. Pour le cinéaste hétéroclite, qui aime bien transformer, voire mener ses récits dans des voies biscornues, où l’homoérotisme règne maître, une façon comme une autre d’affirmer sa condition, la sienne et celle d’une culture qui lui est propre.
Impudique miroir aux alouettes
Un homoérotisme assumé qui ne répond de rien.
Justement, ne faut-il pas rappeler qu’à mesure que la dynamique LGBT (re)prend ses droits sociaux, comme par hasard, ou l’est-ce vraiment ?, la mouvance majoritaire, donc l’hétérosexuelle, se confirme de plus en plus, très souvent de façon appuyée et évidente. Une nouvelle guerre des sexualités en quelque sorte.
Pour le film, une histoire abracadabrante lorsqu’on découvre que les habitants de la petite localité ont toujours pensé que la mère de Dominic est une sorcière. On ne dira pas plus. Rencontre donc avec sa génitrice et point important, une période de notre histoire où les nouvelles technologies n’existent pas et par conséquent, le discours passe par l’écrit, l’instinct, les relations sociales, la collectivité, la pensée, le conscient et l’inconscient. L’engouement pour la psychanalyse se fait maître.
Et pour rendre le récit encore plus miroitant, la découverte de Daniel, qui vit dans le couvent et qui est le propre frère de Dominic. Freud prend rendez-vous dans ce scénario intentionnellement alambiqué où la famille se présente comme un sanctuaire pouvant, et je dis bien « pouvant » engendrer des tensions d’ordre sexuel.
Une chose est certaine : Andreas Apergis campe ici un rôle inusité, exigeant, l’intéressé plus connu dans le milieu du théâtre anglophone en tant que metteur en scène (et comédien). Ses origines helléniques lui confèrent probablement cet engouement dans le jeu qui consiste à se donner corps (surtout) et âme, en proie à des aspirations homoérotiques qu’il a du mal à assumer, et à contrôler, succombant néanmoins aux appels de la chair. Quelque chose que Bruce La Bruce ne rencontre absolument aucune difficulté à endosser.
Le scénario, co-signé avec Martin Girard – Angle mort de Dominic James (2011) – pèse lourdement sur les épaules autant du cinéaste que sur celles des spectateurs, la narration oscillant entre le drame familial, la « fausse » sorcellerie qu’on nous annonce et nous ne voyons jamais venir, sans compter la forme volontairement bancale de l’ensemble. Seules les séquences avec les séminaristes nous paraissent sorties d’un film du Canadien John Greyson (Lilies / Les feluettes – 1996), un homme de cinéma intègre, fidèle à ses idéaux cinématographiques, homme de gauche, voyant dans son métier une sorte d’effet-miroir de la sexualité, comme d’un discours politique de la représentation. Manifeste dans ses atmosphères, la caméra de notre Michel La Veaux national se veut aussi intègre ; certains plans intérieurs, particulièrement dans le couvent, impressionnent par leur côté volontaire surréalistes, brefs, mais inoubliables. L’aspect chromatique étant aussi pour quelque chose d’estimable.
Bien entendu, Bruce La Bruce favorise ici le camp dans son esthétique la plus élégante, affirme quasi politiquement son cinéma LGBT, est conscient qu’il ne s’adresse qu’à un certain type de spectateurs – même s’il aurait voulu que son auditoire soit plus vaste – et, mine de rien, impose sa signature même si son film joue avec les notions de temporalité, d’effets dramatiques discutables, de refus de contemporanéité et plus que tout, adressant un je-m’en-foutisme délirant, comme un miroir aux alouettes déformant, dévergondé.
Bien entendu, Bruce La Bruce favorise ici le camp dans son esthétique la plus élégante, affirme quasi politiquement son cinéma LGBT, est conscient qu’il ne s’adresse qu’à un certain type de spectateurs – même s’il aurait voulu que son auditoire soit plus vaste – et, mine de rien, impose sa signature même si son film joue avec les notions de temporalité, d’effets dramatiques discutables, de refus de contemporanéité et plus que tout, adressant un je-m’en-foutisme délirant, comme un miroir aux alouettes déformant, dévergondé.
On soulignera la présence de la comédienne gréco-québécoise Tania Kontayani (très efficace) que l’on voit très peu souvent au théâtre ou au cinéma d’ici. Mais bon, ça c’est une autre histoire.
FICHE TECHNIQUE PARTIELLE Réalisation Bruce La Bruce
Scénario Martin Girard Bruce La Bruce
Direction photo Michel La Veaux
Montage Hubert Hayaud
Musique Christophe Lamarche-Ledoux
En avant-plan, Bruce La Bruce, extrémité droite.
Genre(s) Fantaisie de mœurs
Origine(s) Canada [Québec]
Année : 2020 – Durée : 1 h 41 min
Langue(s) V.o. : anglais; s.-t.f. Saint-Narcisse
Dist. [ Contact ] A-Z Films
Classement Interdit aux moins de 13 ans [ Érotisme ]