Cinémiracles,
l’émerveillement religieux à l’écran

Thimothée Gérardin

RECENSION
[ Essai ]

texte
Luc Chaput

Champs et contrechamps

de l’éblouissement chrétien

En juin 1990, le premier congrès de Domitor, l’Association internationale de recherche sur le cinéma des premiers temps, eut lieu au Musée de la civilisation à Québec et j’y assistai. Le titre de cette réunion savante était Une invention du diable? Cinéma des premiers temps et religion. Une bonne part des présentations étudiaient les diverses représentations des figures de Dieu, Jésus et des saints dans ces premières bobines filmées. Une des conférences montrait le lien entre la série de peintures de James Tissot1  sur la vie de Jésus et le film From the Manger to the Cross; or, Jesus of Nazareth (1912), de Sydney Olcott. Herbert Reynolds confirmait cette inspiration, au moyen de diapositives de ces peintures et des photogrammes du film tourné alors en Palestine dans des lieux pouvant ne pas avoir tellement changé depuis plusieurs siècles.

C’est donc avec une curiosité certaine que j’ai donc abordé la lecture de cet essai. Timothée Gérardin aborde de docte manière mais dans une élégante et accessible langue ce vaste sujet du miracle et de l’éblouissement religieux au cinéma. Ce thème court depuis deux millénaires dans toutes ses variations d’images pieuses, sulpiciennes ou de chefs d’œuvre dans les autres arts de la civilisation occidentale. L’auteur restreint son objet aux images chrétiennes produites au cinéma, laissant à d’autres chercheurs le soin de traiter des représentations cinématographiques des autres religions.

Gérardin, dans de nombreux et courts chapitres, analyse plusieurs films majeurs ou moins connus de l’histoire mouvementée du cinéma. Il en montre leurs caractères cinématographiques par l’emploi du champ-contrechamp, du montage, de la musique ou des effets spéciaux. Il définit également dans le texte ou dans des notes infrapaginales plusieurs des termes religieux accompagnant ainsi le lecteur dans ces changements d’opinions qui ont constitué le Canon de ces églises.

En prenant ainsi des chemins qui pourraient sembler être des détours, l’auteur et critique de cinéma montre comment ces diverses variations d’éblouissement irriguent depuis plus d’un siècle ces pellicules devenus de plus en plus numériques.

Ce double fondement de cultures religieuse et cinéphilique permet à l’auteur des critiques étayées d’Ordet de Dreyer, de Teorema de Pasolini, de Breaking the Waves de von Trier, du Sacrifice de Tarkovski et des diverses versions de la vie de Jésus et de ses saints ainsi que des Ten Commandments et de Ben Hur.

D’autres cinéastes tels Bergman et Buñuel qui ont voulu cerner l’absence de Dieu dans leurs œuvres ont également droit à de fines études et certains s’étonneront de la présence de Dogma de Smith et du Miraculé de Mocky. Un index fourni permettra d’accompagner les visionnements subséquents d’autres longs métrages. En prenant ainsi des chemins qui pourraient sembler être des détours, l’auteur et critique de cinéma montre comment ces diverses variations d’éblouissement irriguent depuis plus d’un siècle ces pellicules devenus de plus en plus numériques.

1 Une importante exposition a lieu en ce moment au musée d’Orsay à Paris sur ce peintre français ayant connu une deuxième carrière en Grande-Bretagne.

Timothée Gérardin
Cinémiracles, l’émerveillement religieux à lécran
Paris : Playlist Society, 2020

144 pages
[ Sans ill. ]
ISBN : 979-1096098347