I comete

Entrevue d’Annina Wettstein avec Pascal Tagnati à Rotterdam

CRITIQUE.
[ Inédit ]

★★★★

texte
Élie Castiel

Un moyen métrage tourné en 2013, Bugarach, et un court sujet, Le fan de base (2016), tous les deux inédits ici, et puis un long métrage, I comete (2020) programmé à Rotterdam et que nous avons reçu en lien grâce à la sollicitude de Barbara Van Lombeek, de The PR Factory.

Une surprise de taille que ce film inusité, en harmonie avec son titre, I comete, comme s’il s’agissait d’une comète cinématographique venant se poser sur la fabrication des images en mouvement d’un projet, pour certains insensé, mais qui aux yeux de Pascal Tagnati, est une proposition de foi, une idée prête à éclater. Titre intrigant que le anglophones ont eu la paresseuse idée de traduire par A Corsican Summer, comme s’il s’agissait d’un film touristique. Mais bon… passons !

De la vie des gens

Encore une fois, un film inusité compte tenu d’un cinéma mondial parfois, pour ne pas dire souvent, prenant la forme  d’un produit populiste où les sentiments exacerbés et les refuges victimaires sont mis de l’avant. Dans le cas de Tagnati, une œuvre achevé selon des principes tout à fait propres, sans influences ni dérogations.

Et pour Tagnati, encore une fois, la possibilité, dans sa première incursion dans le long métrage, de lancer un défi, un fer de lance envers un cinéma hexagonal qui ne fait pas toujours grand cas des régionalismes, notamment en ce qui a trait aux langues, comme le cas, par exemple, de la Corse.

Il y a d’abord un concept de base : tourner autrement même si c’est d’une fiction qu’il s’agit. Le plan fixe s’impose, s’illumine comme un tableau de maître grâce à une caméra qui film avec un pinceau comme objectif et qui, mine de rien, s’inscrit dans des décors extérieurs et intérieurs soigneusement composés, élaborés selon les règles de l’art. Impossible de ne pas voir là une réelle mise en scène, une volonté de juxtaposer les différents éléments filmiques pour établir une cohésion d’ensemble.

Le plan fixe comme choix esthétique.

Comme pour documenter le moment, pour bien l’installer dans sa temporalité, quel que soit le temps qu’il dure. Mais dans le même temps, situant les personnages (ou les objet sans doute) dans un cadre où ils peuvent exhaler une sorte de liberté, essentielle sans doute à leur intimité.

Comme ce plan-séquence magique, bouleversant, douloureux, qui sonne vrai, tellement vrai, où le personnage joué magnifiquement bien par Pascal Tagnati évoque l’idée d’une rupture amoureuse face à celle qu’il aime encore. Entre la validité du plan et le réel du moment, une espèce de revendication, celle d’un cinéma qui tout en observant le moindre détail sur son passage, se donne le droit de s’incruster dans le personnel, les univers intimes, dans la vie des gens. Et lorsque les lieux ont des accents du sud, nous sommes au royaume de tous les possibles.

I comete aurait pu être filmé en genre documentaire, mais le jeune cinéaste, rendu à l’âge des audaces, préfère la fiction, le récit déconstruit, certes, comme pour se permettre de patauger allègrement avec les situations et pourquoi pas, les sentiments. Entre l’improvisation avouée, ou mieux encore souhaitée, et les scènes minutieusement travaillées, un rendez-vous avec l’art cinématographique qui ne recule pas à prendre des tangentes, des transversales, des raccords inusités. Et pourquoi pas, quelques caprices de metteur en scène.

Le premier long métrage de Pascal Tagnati est l’une de ces rares promesses, merveilleuse, un ovni cinématographique qu’on aurait voulu découvrir bien plus souvent. Et pour cause, il a été justement récompensé du Prix Spécial du jury au Festival international du film de Rotterdam de cette année.

Un humour pince-sans-rire chez les personnages, un machisme exacerbé chez ces jeunes hommes, et les moins jeunes, pourquoi pas. Ça fait partie d’une certaine culture dans les régions de Sud, mais en même temps, une virilité innocente, naïve, préfabriquée. Et la présence d’un personnage noir (excellent Jean-Christophe Folly, alternant entre l’émotion contenue et un je-m’en-foutisme bienveillant, et qui se retrouve dans ce petit coin de pays ; un personnage plus Corse que les Corses. Entre lui et sa grand-mère adoptive, blanche, les moments les plus tendres, les gestes les plus conciliateurs. Un rendez-vous avec l’humanité.

S’intéresser justement aux autres, capter le quotidien dans la vie de quelques personnes qui se retrouvent le temps d’un été. Un film d’une énergie poétique magique frôlant le surréalisme parfois vachement graphique qu’auraient bien apprécié les Luis Buñuel ou encore André Breton, mais qu’on ne dévoilera pas, par respect.

Le premier long métrage de Pascal Tagnati est l’une de ces rares promesses, merveilleuse, un ovni cinématographique qu’on aurait voulu découvrir bien plus souvent. Et pour cause, il a été justement récompensé du Prix Spécial du jury au Festival international du film de Rotterdam de cette année.

FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Pascal Tagnati

Scénario : Pascal Tagnati

Direction photo : Javier Ruiz Gomez

Montage : Pascal Tagnati

Direction musicale : Gaetan Kolly

Son
Armaury Arboun

Pierre Bompy
Vincent Verdoux

Savoir patauger allègrement avec les situations.

Genre(s) : Comédie dramatique

Origine(s) : France

Année : 2021 – Durée : 2 h 04 min

Langue(s)
V.o. : français, corse; s.-t.a. ou s.-t.f.
A Corsican Summer

Dist.[ Contact ] @
[ 5 à 7 Films ]

Classement (suggéré)
Interdit aux moins de 18 ans

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]