Il trovatore

CRITIQUE.
[ Art lyrique ]

★ ★ ★ ★

texte
Élie Castiel

 

D’une

maestria

étonnante

Inhabituel lever du rideau de la saison 2022-2023 de l’Opéra de Montréal. Soir de première alors qu’on sentait dans salle, comble, comme d’habitude, un étrange air de renouveau, comme si l’après-pandémie devait apporter son lot de nouvelles approches à ce mode d’expression qui perdure depuis des siècles sans cesser de créer la controverse dans l’art de la représentation. L’opéra, pour qui? Pourquoi? Pour un public d’élites? Populaire dans le vrai sens du terme? Répondre à ces questions c’est jeter un pavé dans la mare. L’art lyrique subsiste contre vents et marées, attire, envoûte puisque la plupart des récits racontés renvoient à un discours sur la condition humaine et qu’en grande partie, le sentiment « amoureux » se perpétue selon une tradition qui se perd dans la nuit des temps.

Débuter avec Giuseppe Verdi, c’est s’assurer du bien fondé de la proposition. Et lorsqu’il s’agit de Il trovatore, les programmateurs sont certains de trouver de nouve(aux/elle) converti(es). Sans oublier de souligner que la langue italienne a toujours réussi à conquérir le corps (pour les sensations) et l’esprit (pour l’âme).

Dès le départ, le décor de Jean Bard incite l’œil, qui, à chaque moment, somme le spectateur de voir en avant, l’œil constamment attentif. Au cours des trois prochains actes, le décor, changeant, bien sûr, partage adroitement un rapport entre l’interprétation (théâtralité et chant) et l’environnement créé. L’ensemble trenscendant l’espace-temps par une mise en scène de Michel-Maxime Legault d’une beauté radieuse, espacée, donnant aux intervenants assez de terrain pour s’adonner au gestes, aux mouvements. Il s’agit ici comme d’une sorte de stratégie presque militaire s’assurant une victoire certaine au niveau du chant.

Comme s’il s’agissait d’une tragédie grecque.
Crédit : Vivien Gaumand

Ces entre-espaces vierges permettent à chaque exécutant(e) de projeter la voix sans l’obstacle du rapprochement des corps. D’où une clarté dans les mots prononcés, permettant aux cordes vocales de s’exprimer avec aisance. Et lorsque les corps sont proches, l’effort exécuté est d’autant plus admiratif que les interprètes dépassent leur habileté.

Un ensemble lumineux entre la subtilité du trompe-l’œil manifestée par les changements scéniques et la sincérité bouleversante du réel.

Comme ces tours de force de Luc Robert (Manrico, qui se cache derrière les habits du trouvère / troubadour / trovatore) ou de Leonora (Nicole Car), longuement applaudis. Mais la Palme revient à Marie-Nicole Lemieux (Azucena), d’une incroyable force de persuasion, de conviction vocale et de dramaturgie évocatrice. Elle incarne les sensations avec une incroyable maestria; comme le bien-être, la souffrance, la douleur, la tragédie. Elle impose sa corporalité, s’immisce avec prestance dans les scènes où elle évolue, et surtout demeure d’une simplicité étonnante. Comme si le jeu n’était après tout qu’une question de rapport entre l’art et la vie.

Un ensemble lumineux entre la subtilité du trompe-l’œil manifestée par les changements scéniques et la sincérité bouleversante du réel.

FICHE ARTISTIQUE PARTIELLE
IL TROVATORE
Opéra en 4 actes

Compositeur
Giuseppe Verdi

Livret
Salvatore Cammarano

Mise en scène
Michel-Maxime Legault

Distribution
Luc Robert (Manrico), Marie-Nicole Lemieux (Azucena)
Nicole Car (Leonora), Etienne Dupuis (Comte de Luna)
Matthes Treviño (Ferrando), Kirsten LeBlanc (Iñes)
Angelo Moretti (Ruiz), Mikelis Rogers (un vieux gitan)
Jaime Sandoval (un messager)

Costumes
Opéra de Montréal

Éclairages
Eric Champoux

Production
Opéra de Montréal

(avec le soutien de la SODEC)

Durée
2 h 36 min

 [ Incluant 1 entracte ]

Diffusion @
Place des Arts
(Salle Wilfrid-Pelletier)

Représentations
 Jusqu’au 18 septembre 2022

19 h 30

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]