Kokomo City

P R I M E U R
[ En salle ]
Sortie
Vendredi 28 juillet 2023

RÉSUMÉ SUCCINCT.
Le vécu de quatre transsexuels noirs qui doivent faire face à la dichotomie entre la communauté noire et eux-mêmes.

 

Le FILM
de la semaine

CRITIQUE
Élie Castiel

★★★★

Expérimenter

la forme

d’une idée

subversive

D. Smith, transgenre black, décomplexée, femme de cinéma issue du vidéoclip et, avec Kokomo City, un premier long métrage documentaire. En fait, elle cherchait des réalisateurs pour assumer cette tâche un peu ardue en raison du climat social dans la communauté afro-américaine des grandes villes américaines, mais en vain. Faute aussi de fonds nécessaires. Smith a dû s’en remettre à sa propre initiative.

Le résultat est d’autant plus probant qu’il ne se limite pas au but principal de la proposition – regard sur quelques trans noires qui parlent de leurs expériences communes, sans tourner en rond. Leurs paroles constituent en quelque sorte le diagnostic d’une culture qui s’est bâtie à coups de conservatisme, d’injustices sociales, de machisme et masculinité toxiques, d’attentes de la société civile majoritaire, de la religion sans doute, même si pas exprimée dans le film. Et de ces récentes « Black Lives Matter » qui ont décoincée la blackitude.

Qu’il soit question de Daniella, du quartier Queens de New York, de Dominique, elle de Manhattan, ou encore de Liyah, de Decatur, dans l’état de Géorgie ou de la regrettée Koko Da Doll, apparemment assassinée, d’Atlanta, du même état, toutes affectionnent ce côté spectaculaire lorsque saisies lors de leurs confessions qui ressemblent plus à un état des lieux d’une culture hors du commun.

La femme (?) dans tous ses états.

Et les hommes, les quelques-uns interviewés par la caméra de Smith, elle-même directrice photo, monteuse et responsable du casting. Une intention menée tambour battant comme s’il s’agissait d’une arme de combat. Ils s’expriment sans doute avec plus de pudeur que les trans, reconnaissent les torts qui leur sont attribués et devant la caméra de cette pasionaria de l’inclusion sociale, osent montrer leur vulnérabilité.

Dans la mise en scène et l’anti-narration, une brillante adéquation entre le faux-récit et la durée, tel un long vidéoclip, ce à quoi est habituée D. Smith, renouvelant avec un genre inclusif, révolutionnaire, parfois guerrier, dans toutes ses formes. Ce bouleversant assemblage entre le documentaire traditionnel (auquel Smith tente d’échapper le plus souvent possible) et l’engouement expérimental (sans pour autant être barbant, comme c’est souvent le cas), organise noblement la proposition.

Visuellement, des contre-plongées impressionnantes véhiculant la majestuosité de ces nouvelles femmes, leur sans-gêne légendaire, goût du spectacle, mais plus que tout, une surprenante et touchante vision de la vie.

Le « N-word », ou autrement, le mot qui commence par la lettre N, s’inscrit dans une perspective culturelle d’appropriation du mot par sa propre communauté. Comme c’est le cas du vocable queer dans le milieu LGBTQ.

Et un dernier plan fascinant, osé, subversif, sans qu’on s’y attente, d’une extraordinaire irrévérence, presque biblique, ou mieux encore, mythologique. Et qui nous fait penser irrémédiablement qu’il y a toujours eu « Adam, Ève, le Serpent… et le Sexe interdit ».

La besogne de ces nouvelles femmes, la prostitution. Les clients, parfois violents. Tous noirs? Pas nécessairement. Par moments, les détails que certaines donnent d’évènements vécus résonnent comme des confessions insoutenables. Il y aurait, à voir de près, comme une sorte de directions d’actrices (et d’acteurs) bien orchestrée. Ce n’est pas le cas, néanmoins, car ici, dans Kokomo City, la regard documentaire devient une captivante captation du réel, sans concession, intransigeante, musclée, n’épargnant rien au spectateur. Il ne sort que plus revigoré et intentionnellement désorienté.

Une bande sonore constituée de chansons populaires se joignent à la mise en images avec un rythme trépidant, sans fausses notes. De nos jours, la transphobie, l’homophobie et autres sortes de phobies réapparaissent malheureusement de plus en plus fort. Des films comme Kokomo City sont nécessaires pour un juste retour du balancier adapté aux nouvelles normes.

Et un dernier plan fascinant, osé, subversif, sans qu’on s’y attente, d’une extraordinaire irrévérence, presque biblique, ou mieux encore, mythologique. Et qui nous fait penser irrémédiablement qu’il y a toujours eu « Adam, Ève, le Serpent… et le Sexe interdit ».

FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
D. Smith

Idée
D. Smith
Direction photo
D. Smith

Montage
D. Smith
Musique
[ Diverses pièces du répertoire pop ]

D. Smith

Genre
Documentaire
Origine
États-Unis
Année : 2022 – Durée : 1 h 13 min
Langue
V.o. : anglais

Kokomo City

Dist. [ Contact ] @
Métropole Films
[ Mongrel Media ]

Diffusion @
Cinéma du Parc

 

Classement
Interdit aux moins de 13 ans
[ Érotisme / Langage vulgaire ]

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon.★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]