La transgression selon David Cronenberg

Crash

RECENSION.
[ Cinéma ]

texte
Élie Castiel

★★★★

Avec Patricia Rozema, Atom Egoyan, Bruce LaBruce et autres John Greyson, pour ne nommer que ceux-là, David Cronenberg fait partie des grands du cinéma canadien (pour les raisons que vous connaissez, le Québec n’est pas inclus), chacun ayant forgé un cinéma propre à son idiosyncrasie, posé un regard sur le monde et plus que tout sur les images en mouvement.

La toile d’araignée

Dans le cas de David Cronenberg, maître de l’horreur/épouvante/anticipation et études freudiennes des personnages qu’il montre comme prêts à toutes éventualités,  quelque chose d’encore plus exigeant : une auto-analyse de sa condition d’Homme, de Cinéaste et surtout d’Esthète libertin de la corporalité qui se permet tous les caprices et excentricités, mais habilement justifiés.

Nous n’avons pas pu trouver la date de publication, mais en ce nouveau millénaire, Fabien Demangeot rédige la thèse La transgression dans l’œuvre de David Cronenberg – Université Paris 1, Panthéon-Sorbonne. Le directeur de thèse, M. Vincent Amiel, Paris 1 et les membres du jury lui accorde le grade de Docteur de l’Université Paris 1.

Dead Ringers / Faux-semblants / Alter ego

Pourquoi ce préambule? Tout simplement pour rappeler que La transgression selon David Cronenberg (titre à peine changé) se compose, en partie, d’extraits de cette thèse que l’auteur a retravaillé en fonction des nouveaux lecteurs. Thèse solidement abrégée pour les besoins d’une publication « commerciale » (au sens positif et non pas le contraire).

Trois parties forment la charpente de ce brillant essai sur la formule cronenbergienne, toutes reliées au corps et à sa/ses transgression(s) : la corporelle, la sexuelle et la psychique.

Malgré sa simplicité et faisant plus appel à la critique qu’à un essai sur le cinéma, une phrase sans doute nous interpelle « La multiplication des mises en abyme rend impossible toute distinction entre le réel et sa représentation. (p. 99) » N’y-a-t ’il pas là, en quelque sorte, ce qui donne au cinéma de Cronenberg non seulement son originalité, mais son modus operandi; comme une sorte de laboratoire expérimental permanent qui se perpétue à travers le temps, sans finalité car, pour Cronenberg, tout semble mutation… « ce monde mutant et commuant de simulation et de mort, ce monde violemment sexué, mais sans désir, pleins de corps violés et violents, mais comme neutralisés, ce monde chromatique et métallique intense, mais vide de sensualité, hypertechnique sans finalité – est-il bon ou mauvais? (p. 122) ». Et la sensation, ce qui nous fait vibrer de plaisir, où est-elle?

À l’image-même de sa page couverture, La transgression selon David Cronenberg ressemble à une toile d’araignée qui se prête à toutes les mutations. Le corps dans tous ses états.

Naked Lunch / Le festin nu

Les réponses se trouvent dans la question. Une idée du monde cronenbergienne repliée sur elle-même, transgressant l’ordre établi, la morale, non pas au nom d’un quelconque attribut anarchique, rebelle, comme une sorte de révolte contre les préjugés, mais proche d’une profonde réflexion sur la nature humaine. Cronenberg, le réalisateur, le raconteur de récits anti-purificateurs et derrière tout cela, une profonde réconciliation avec le corps, le physique, le mutant, le sublime. Pour une raison qui nous échappe, du moins « m’échappe », la réflexion de Cronenberg s’étend selon un point de vue hétérosexuel – à peine quelques subtiles (qualificatif sans doute grossier pour le cinéaste) références. Choix personnel? Manque d’intérêt? Sauf dans le cas de M. Butterfly où la métaphore semble brouiller les pistes. Mais bon!

Ceux qui ont eu le privilège de voir l’œuvre complète du cinéaste n’apprendrons pas nécessairement autre chose qu’ils ne sachent déjà. Mais peu importe, car Fabien Demangeot, en toute franchise, en toute sincérité, sans le moindre doute, réussit le tour de force d’assembler un « recueil » (mot trop faible) sur le cinéma exigeant, populaire par son contenu, d’un graphisme entre la porno propre intellectuelle et surtout et avant tout, une réflexion freudienne sur la vie et la mort qui rejoint les autres philosophes et essayistes de ce monde, toutes époques confondues.

À l’image-même de sa page couverture, La transgression selon David Cronenberg ressemble à une toile d’araignée qui se prête à toutes les mutations. Le corps dans tous ses états.

M. Butterfly

Fabien Demangeot
La transgression selon David Cronenberg
(Coll. Essai cinéma)
Levallois-Perret (Paris) : Playlist Society, 2021
144 pages
[ Sans ill. ]
ISBN : 9-7910-9609-8392
14.00 Euros
[ Amazon & Commandes en librairies locales ]

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]