Le gardien des enfants

CRITIQUE.
[ Scène ]

★ ★ ★ ★

texte
Élie Castiel

Le beau

et

la bête

Il n’est pas fréquent que dans le théâtre traditionnel,
même (surtout) celui présentant des œuvres alternatives,
l’imaginaire queer s’invite. Un retard
considérable dans
ce domaine, d’autant plus
que les revendications sur un
théâtre inclusif
ont porté (plus ou moins) fruit. Mais ce
phénomène
de récupération de l’autre semble une question

ayant essentiellement rapport à la diversité culturelle,
racisée, et non pas sexuelle. Le beau?
La bête? À chacun,
à chacune de tirer ses propres conclusions.

Quoi qu’il en soit, la salle intime du Prospero, haut lieu du théâtre-autre emboîte le pas avec un texte, plus que tout, senti, construit avec autant d’amertume que d’amour des mots. Et les créateurs font partie de la mouvance LGBTQ+. Grand pas en avant nécessaire.

Charles Voyer, également performeur, se glisse dans un terrain  glissant là où le poétique s’imbibe dans le quotidien pour raconter un récit sur la mémoire, sur un souvenir particulier terni par les événements. Nous ne donnons aucune précision à ce sujet. Mais tout dans ses mouvements prouvent cet état de grâce en unisson avec le drame vécu. Ses mouvements éprouvent le paradoxe des situations.

La plupart du temps, il apparaît nu, totalement, autant physiquement que guidé par un processus de réconciliation avec la mémoire. Si quelque chose dans la production assume parfaitement sa fonction, c’est bel et bien le travail sonore d’Antoine Racine, un processus de haute voltige lorsque le seul comédien sur scène chuchote ses souvenirs et doit composer avec sa physicalité incarnée. Peu importe ce qu’il a à dire du moment où le principal est dit dans une forme articulée.

Idem pour la collaboration de Flavie Lemée aux éclairages. Entre les blancs neutres, les rouges profonds et les bleus inquisiteurs, une extraordinaire volonté de saisir les divers entrelacements d’un texte, de prime abord, magnifiquement sinueux.

Se créer un imaginaire transcendant.
Crédit : Antoine Forcione

Le reste, parfois chuchoté ou en demi-teintes est ce rapport délicat entre la parole donnée et l’art parfois discret de la performance (interprétation). Les rituels prennent forme dans une espèce de happening qui va de tout côté, investit l’espace scénique, renvoit du même coup à une autre façon d’envisager la mise en scène.

Le coupable de cette magnifique mise en situation, JJ Houle, plus complice que « donneur » de leçons. À l’instar de Voyer, il est conscient des enjeux d’une telle entreprise. Il sait que le performeur va vampiriser la scène. N’est-ce pas là le but des deux complices?

Houle et Voyer ont construit une œuvre atypique, viscérale, autant par sa durée non habituelle que par sa matière thématique que nous vous laissons le soin de découvrir. Évitant tout acte de provocation, Le gardien des enfants demeure une œuvre essentielle dans la dramaturgie queer, quasiment inaccessible au grand public, maintenant reproduite sur scène pour le plus grand bien.

Fidèle à la dynamatique queer, la nudité est ici explorée pour les besoins du récit, certes, mais dans le même temps, relativise le côté extrinsèquement voyeur de l’auditoire. Est-ce que nos yeux sont plus portés sur les profils sculpturaux du corps, sur la sensualité farouche, mais sereine qu’il dégage ou au contraire, sur ce qu’il a à dire? Ou les deux à la fois?

Houle et Voyer ont construit une œuvre atypique, viscérale, autant par sa durée non habituelle que par sa matière thématique que nous vous laissons le soin de découvrir. Évitant tout acte de provocation, Le gardien des enfants demeure une œuvre essentielle dans la dramaturgie queer, quasiment inaccessible au grand public, maintenant reproduite sur scène pour le plus grand bien.

ÉQUIPE PARTIELLE DE CRÉATION
Texte
Charles Voyer

Mise en scène
JJ Houle

Performance
Charles Voyer

Lumières
Flavie Lemée

Scénographie
Léo Gaudreault

Son
Antoine Racine

Production
Le Théâtre indépendant

Classement (suggéré)
Interdit aux moins de 16 ans

Durée
55 minutes

[ Sans entracte ]

Diffusion & Billets @
Théâtre Prospero
[ Salle intime ]
Jusqu’au 22 octobre  2022

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]