Memoria

P R I M E U R
[ En salle ]
Sortie
Vendredi 20 mai 2022

SUCCINCTEMENT.
Au lever du jour j’ai été surprise par un grand bruit et n’ai pas retrouvé le sommeil. À Bogota, à travers les montagnes, dans le tunnel, près de la rivière. Un bruit qui revient souvent à divers niveaux.

CRITIQUE.

★★★★

texte
Élie Castiel

 

Jamais la notion du son au cinéma ne fut aussi discursive, donnant la faculté, qu’il acquiert comme toujours avec une énergie intellectuelle exceptionnelle, au cinéaste-culte thaïlandais Apichatpong Weerasethakul de formuler ce que cet élément filmique représente au cinéma, souvent négligé au profit d’autres particularités.

L’empire

des sons

Le son devient ainsi un protagoniste qui commence son parcours à la manière d’un fait divers, brillamment illustré par cette séquence frontispice qui tente de définir le bruit (son) qu’entend (ou imagine) Jessica Holland, une botaniste écossaise établie provisoirement en Colombie pour un sujet d’étude. Tilda Swinton, parvenue magiquement à composer avec les cinéastes les plus exigeants et innovateurs du moment, incarne cette femme avec une troublante affectation comme ce fut le cas depuis des décennies avec son cinéaste-fétiche de départ, Derek Jarman, poursuivant son périple avec une certaine constante.

Si dans Memoria, Weerasethakul déroge de son corpus habituel (transitions entre rêves et réalités, superposition des effets de style et autres variations esthétiques), rendant le récit dont il est question beaucoup plus linéaire, force est de souligner qu’on reconnaît son style, sa signature, sa griffe particulière par le rythme, ici quand même un peu plus rapide, tout en retenant mordicus à cette cadence méditative, voire contemplative qui marque son cinéma. Il en résulte un film fascinant, servi avec un soin apporté aux détails, à l’espace-temps. Effectivement, le temps, l’espace. L’importance dans nos vie, notamment lorsqu’il s’agit de créer. Métaphoriquement, il s’arrête pour que nous puissions prendre les moments nécessaires pour continuer à créer.

L’abstraction indicible du réel.

Entre mysticisme et réalité réinventée, Memoria bénéficie d’un titre qui lui donne toutes les balises essentielles pour lui permettre de dominer son art. Car le film est aussi, et peut-être surtout, un labeur en gestation, comme d’ailleurs tous ses films. Comme si, après tout, le produit final n’était qu’une ébauche. Il s’agit d’un cinéaste exigeant envers lui-même, terriblement intellectuel, affranchi de toutes ces obstructions qui pourraient contrevenir à sa vision du cinéma.

Et si le cinéma devenait pour ainsi dire le moyen à résoudre certains aspects, même physiques, de nos vies. Memoria n’est plus seulement un film sur le son, mais se prolonge sous d’autres formes d’expression.

Ce qui frappe chez ce cinéaste, c’est l’importance esthétique, le vocabulaire filmiques, les rapports de force que lui procure un cinéma inventé de toutes pièces; dans son cas, toutes sans défaillances, prêtes tout de même à reconstruire.

Même si nous sommes en droit de nous questionner sur le Prix du jury ex-aequo à Cannes 2021 (avec Le genou d’Ahed / Ha’berech , du francophile Nadav Lapid), on ne peut que se soustraire aux intentions honnêtes d’un jury fasciné.

Et ce bruit si étrange, « bang » parfois assourdissant qui ne cesse d’importuner Jessica, son système de défense se soumet aux lois du cinéma. Comme cette séquence dans un studio de montage sonore.

Et si le cinéma devenait pour ainsi dire le moyen à résoudre certains aspects, même physiques, de nos vies. Memoria n’est plus seulement un film sur le son, mais se prolonge sous d’autres formes d’expression.

FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Apichatpong Weerasethakul

Scénario
Apichatpong Weerasethakul

Direction photo
Sayombhu Mukdeeprom

Montage
Lee Chatametikool

Son
Javier Umpienez
Akritchalem Kalayanamitr

Musique
César López

Apichatpong Weerasethakul.
Un désir d’assumer l’indicible.

Genre(s)
Drame existentiel

Origine(s)
Colombie / Thaïlande

France / Allemagne
Mexique / Qatar
Chine / Suisse

Année : 2021 – Durée : 2 h 16 min

Langue(s)
V.o. : multiling; s.-t.a. ou s.-t.f.

Memoria

Dist. [ Contact ] @
Entract Films

Classement
Visa GÉNÉRAL

Diffusion @
Cinéma du Parc

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]