Mon nom est Personne
[ 50e anniversaire ]
Un film de Tonino Valerii

À TITRE GRACIEUX
Le film complet en version française

 

Le chef d’œuvre du Western fagioli

Un texte de Mario Patry

Sur 

quelques

échanges

et

variations

« Il vaut mieux être à la
périphérie de ce qui s’élève
qu’au centre de ce qui s’effondre »
Friedrich Nietzsche

« Il ne faut confondre la
vérité avec l’opinion de la majorité »
Jean Cocteau

« La vérité franchit toujours trois étapes.
D’abord elle est ridiculisée. Ensuite elle subit
une forte opposition. Enfin elle est reconnue
comme ayant toujours été une évidence »

Arthur Schopenhauer

Tonino Valerii.
Ne pas se prendre trop au sérieux.

Mon  nom est Personne (Il mio nome è Nessuno), sorti le 13 décembre 1973, a une puissance singulière qui se compose de la réalité du génie et de l’apparence de la mièvrerie. Il ne fait aucun doute dans mon esprit que ce film mérite le titre de chef-d’œuvre du western fagioli (ou western fayot) car il s’agit d’un hommage sincère et authentique à l’œuvre de Sergio Leone et au western à l’italienne, tout comme Il était une fois dans l’Ouest (C’era una volta il West), lui, sorti le 23 décembre 1968. Ce film des années 70 se veut un hommage à l’œuvre de John Ford et au western américain. Il s’agit d’un cas d’auto-parodie chez Sergio Leone, qui nie la notion d’auteur au profit de la fonction de l’œuvre, et autoriserait d’emblée une étude exhaustive pour lui rendre justice.

Dans quelle mesure, Mon nom est Personne est un film de Tonino Valerii? Poser la question, c’est y répondre… Surtout lorsque l’on sait que Sergio Leone en a eu l’idée, qu’il a supervisé la rédaction du sujet et du scénario, négociant jusqu’au moindre mot, attribué à Ernesto Gastaldi, la réalisation du film et dont il a d’ailleurs tourné plusieurs scènes en dirigeant la seconde équipe – le montage, le mixage, la trame sonore avec son ami Ennio Morricone, et qu’il l’a produit! Il s’agit d’un cas exemplaire d’un film tourné dans l’atelier du  maître. Comme le disait, en boutade, Leone lui-même « Mon nom est Personne est un film de Leone… réalisé par quelqu’un d’autre. »

À propos du genre cinématographique, il y a lieu de distinguer le spaghetti western (Italie) du sauerkraut western (Allemagne de l’Ouest), le paella western (Espagne), le camembert western (Fontainebleau, France), le shop suey western (Hong Kong), le curry western (Inde), le borsh western (Russie), le soja western (Japon), le hamburger western (authentiquement bœuf américain) et le fagioli western (sous-variété comique du western italien). On distingue aussi le western Zapata (Italie, dont l’action se déroule au Mexique), du western tortillas (lui aussi, du Mexique), mais il y a aussi le western féodal, berbère et psychédélique…

Le western fagioli débute résolument sa carrière avec On continue de l’appeler Trinita (…continuavo a chiamarlo Trinità) d’Enzo Barboni, sorti sur les écrans italiens le 21 octobre 1971 et qui récolta un box-office de 14 554 172 billets vendus dans la Péninsule, 12 267 000 entrées en Allemagne de l’Ouest, et 3 038 838 entrées en France dont 907 515 entrées pour Paris.

À noter que ce film, malgré ses recettes considérables, n’a toutefois pas coiffé Pour une poignée de dollars (Per un pugno di dollari) de Sergio Leone, sorti officiellement le 12 septembre 1964 et qui obtint un box-office italien de 14 797 275 entrées! Aussi, le film de Barboni était la suite de On l’appelle Trinita (Lo chiamavano Trinita) sorti le 1er décembre 1970 en Italie avec 8 742 787 entrées, dont 6 028 000 entrées en Allemagne de l’Ouest et 2 624 948 entrées en France et 771 129 entrées à Paris. Pour sa part, le film de Tonino Valerii obtenu 6 710 000 entrées en Italie, 6 287 013 entrées en Allemagne de l’Ouest et 4 732  369 entrées en France dont 1 212 084 entrées à Paris. Mon nom est Personne a fait mieux dans l’Hexagone que son rival Trinita, surtout sur le marché parisien.

Je vais présenter trois séquences dialoguées, parce que l’on a beaucoup reproché à Sergio Leone, la prétendue facilité de ses scénarios et la légèreté de ses dialogues, à tort. La qualité des dialogues dans Mon nom est Personne offre un sérieux démenti à ces propos diffamatoires, réducteurs et insensés, et me semblent, au contraire, absolument ben ciselés, percutants et pourtant accessibles. Dans la première séquence, pré-générique, nous assistons à l’arrivée de trois desperados à cheval, qui débouchent dans une petite ville fantôme de la frontière (Ghost Town) à proximité d’une boutique de barbier, dont le fils cadet vient vider un bassine remplie d’eau sur le seuil de la porte, puis retourne à l’intérieur aussitôt, en compagnie de son père.

Terence Hill (Nessuno ou Personne).
Une nouvelle génération de héros.

Deux des trois arrivants pénètrent dans la boutique pour intimider le coiffeur avec une désinvolture arrogante, avant de lui enfoncer le blaireau dans la bouche et  une savonnette dans celle de son fils. Les deux hommes déchirent une  serviette de barbier, et nous assistons à un raccord dans le mouvement alors que le télégraphiste reçoit la fin d’un message morse à destination de Jack Beauregard, le héros du film.

Employé du télégraphe : Hé! Hé!, monsieur Beauregard! La réponse à votre câble de la Nouvelle-Orléans est arrivée.
Jack Beauregard : Qu’est-ce qu’ils disent?
Télégraphiste : Le Sundowner lèvera l’ancre le 21, Stop. Destination : Europe, Stop. Réservation confirmée. Stop. Envoyé avant cinq cents dollars. Stop.
Beauregard ricane et s’éloigne.
Télégraphiste : Hé, vous les envoyez ou pas, les cinq cents dollars?
Beauregard : Rien ne presse. L’important, c’est qu’il y a un bateau.
Télégraphiste : Bah…

Soulignons que le nom du bateau, le Crépuscule, car l’action se passe en 1899, à la fin du XIXe siècle, qui représente l’âge avancé de Jack Beauregard incarné par l’acteur Henry Fonda, et en juin, au printemps, dans la jeunesse du protagoniste Personne, dont se voit affublé l’acteur Terence Hill (de son véritable nom, Mario Girotti). Fonda appartenait à une demi-douzaine d’acteurs américains masculins de sa génération, et Terence Hill était depuis la sortie de la suite de Trinita, comme le cinquième acteur masculin le plus en vue en Italie, après Clint Eastwood, Marlon Brando, Marcello Mastroianni et Steeve McQueen. Après que Jack Beauregard eut réussi à déjouer le piège qu’on lui avait tendu, et qu’il ait exterminé les trois desperados, il libère le vrai barbier et son fils de la consigne où ils étaient enfermés, puis s’ensuit un dialogue savoureux entre le père et son fils, tout éberlués par la scène à laquelle ils ont été témoins.

Fils du barbier : Ah! Dis donc!
Barbier : Dix dollars…
Fils : Dis p’pa, comment il a fait le monsieur? J’ai entendu qu’un seul coup de feu!
Barbier : Hey! Question de vitesse mon petit.
Fils : Dis p’pa, tu crois qu’il y a au monde quelqu’un de plus rapide que lui?
Barbier : Plus rapide que lui?..  Personne!

Henry Fonda (Jack Beauregard). C’était mieux avant.

Le titre du film surgit sur un superbe fortissimo de l’orchestre. Un homme apparaît en train de pêcher à la mouche, en se relevant au milieu d’un bayou de la Louisiane. Puis, plus loin, s’approche le paisible Jack Beauregard qui l’identifie comme un cabotin au début de sa carrière de pistolero. Le scénario du film oppose, en effet, deux hommes à la détente facile mais appartenant à deux générations différentes. D’une part, il y a Personne qui se trouve à représenter un Trinita plus sérieux, personnage crasseux et paresseux, romantique, toujours affamé et connu pour la rapidité avec laquelle il dégaine son pistolet. De l’autre, il y un représentant du bandit Wyatt Earp, qui se voit comme l’artisan de sa légende, relayée par la littérature populaire, étayée par des biographes complaisants, au pas calme, et mesuré, signe d’une conscience tranquille. Dans la quatrième séquence du film, nous assistons à notre plus grand plaisir à un duel différé entre les deux héros du film. Jack Beauregard escalade au trot avec sa monture, la falaise d’un pueblo dont les murs sont construits en adobe, situé admirablement entre deux canyons, au Nouveau-Mexique. Il descend de son cheval puis s’approche d’une communauté autochtone qui revient de la séance de la prière quotidienne du cimetière, véritable nécropole située en hauteur, à proximité du village. Il interloque l’un des membres des participants.

Sergio Leone et ses trois enfants.
Tournage de Mon nom est personne.

Beauregard : Il paraît qu’il y a un homme blanc ici?… Écoute (ton plus commode) Je cherche un homme blanc… Tu ne l’aurais pas vu?… Où il est? (ton presque inquiet) Je ne lui veux aucun mal… (ton apaisant, cette fois) C’est mon frère… (l’Indien se retourne vers le cimetière puis s’en va. Jack Beauregard se retrouve seul avec le vent, les appels des oiseaux de proie et le sable soufflé du cimetière d’Acoma Pueblo. Apparait Personne.)
Beauregard (impatient, à l’égard de Personne) : Que viens-tu faire ici?
Personne (au grand sérieux) : Prier
Beauregard (conciliant, tout à coup) Tu es prévoyant…
Personne (outrecuidant) : Pourquoi?
Beauregard (ferme) : Parce que je te retrouve trop souvent sur mon chemin…
Personne (changeant ouvertement de sujet) : J’ai un tas d’amis ici!… Hier, « Branche cassée » est mort… Le prêtre est arrivé à temps, mais pas le sorcier…. C’est plutôt à toi de me dire ce que tu fais parmi les Indiens…
Beauregard (clairement) : Je cherche quelqu’un…
Personne (sans répondre, mais se déplaçant à travers les tombes et lisant tout à coup un nom comme si c’était celui de l’homme – son frère – que Jack cherche) : Sam Peckinpah… C’est une très joli nom en Navajoe… (après un temps) : Ami…ou ennemi?
Beauregard (brutalement) : C’est mon affaire!
Personne (continuant de déambuler à travers les tombes) : Tiens! Quel drôle de nom!… « Rosakie perd sa fleur »… Comment il s’appelle?
Beauregard (avec colère) : C’est son affaire!
Personne : Tiens! Nevada Kid!…
Beauregard (vexé de l’indiscrétion) : Qui t’as donné son nom?…Personne (ton de l’évidence) : C’est écrit là-dessus… (les deux personnages s’éloignent sans vouloir pourtant s’affronter)
Personne (reprenant avec dépit) : C’est toujours les meilleurs qui s’en vont…Beauregard (menaçant et dégainant) : Oui, mais toi tu n’es pas de ceux-là! (Beauregard tire cette fois en prenant le chapeau de Personne pour cible) …Toi, tu vas finir ici, avec tes amis Indiens…
Beauregard (méprisant) : Qu’est-ce qui t’arrive, jeune homme, tu as besoin d’un auditoire? (Nouveau coup de feu dans le chapeau remis sur la tête de Nessuno).
Beauregard : Tu dis que tu t’appelles Personne… Sois tranquille, tu ne tarderas pas à te faire un nom sur une de ces croix… Alors, le jeu ne t’amuse pas? (Méchamment, provocateur et lassé) … C’est facile, tu sais, tu n’as qu’à te retourner, dégainer et tirer… Si tu as le temps!… (Nouveau coup de feu dans le chapeau de Personne qu’il tient avec sa main droite)… On dirait que tu as perdu l’envie d’écrire ma biographie…? Je vais t’aider à la mettre à jour : aujourd’hui, 3 juin 1899, Personne… (nouveau coup de feu dans le chapeau de Personne qui le retient avec sa main. Plus calme, Beauregard conclut 🙂 Oui, tu es le genre de gars qui cherche à briller… tu aimes que les gens te regardent…
Nessuno (contemplant avec bonheur le travail d’élite exécuté par Jack Beauregard) : Quatre dragées, et un seul trou! On se croirait au bon vieux temps!
Beauregard (temps de réflexion en agitant les doigts au travers du chapeau de Personne) : …Il n’a jamais existé « le bon vieux temps »… Dis-moi, tu joues  à quoi, petit?…

[ … ] on a beaucoup reproché à Sergio Leone, la prétendue facilité de ses scénarios et la légèreté de ses dialogues, à tort. La qualité des dialogues dans Mon nom est Personne offre un sérieux démenti à ces propos diffamatoires, réducteurs et insensés, et me semblent, au contraire, absolument ben ciselés, percutants et pourtant accessibles. Dans la première séquence, pré-générique, nous assistons à l’arrivée de trois desperados à cheval, qui débouchent dans une petite ville fantôme de la frontière (Ghost Town) à proximité d’une boutique de barbier, dont le fils cadet vient vider un bassine remplie d’eau sur le seuil de la porte, puis retourne à l’intérieur aussitôt, en compagnie de son père.

Nessuno (tout à coup grave) : Je n’ai joué que quand j’étais môme… je jouais à être Jack Beauregard…
Beauregard (curieux) : et aujourd’hui que tu as grandi?…
Nessuno : Je suis plus prudent!… Il arrive quelquefois qu’un risque ridicule apporte une récompense honorable…
Beauregard (dubitatif) : Quand le risque est ridicule, la récompense est ridicule… (Beauregard lui remet son chapeau. Après un temps, considérant les tombes) : D’abord Nevada, ensuite Red… puis ils ont essayé de m’avoir…deux fois…
Nessuno (enjoué) : Ah! Ils ne vont pas s’en tenir là…
Beauregard : On est pourtant très loin de Cheyenne… alors, pourquoi?
Nessuno : Ah! Il suffit de chercher!…  Mmh! (apparition au loin d’un vaste nuage de poussière, en même temps s’élève un grondement, c’est la Horde Sauvage qui apparaît au bas de la falaise).
Nessuno : C’est vrai que quand ils chargent, on dirait qu’ils sont mille!… Oh! Je vois le tableau. Jack Beauregard d’un côté, seul, et en face, la Horde Sauvage. Haha! Tu sais, ce ne sera pas un exploit facile.
Nessuno : Titanesque! Tu ne trouves pas? (jubilant). Tu verras, tu finiras dans les livres d’Histoire!…

Beauregard : Et pendant qu’ici-bas, tu auras le nez dans les bouquins, je serai là-haut, moi, parmi les morts… (Accablé, en pointant le ciel avec son index droit. Après un temps ou les deux hommes montent sur leur cheval respectif). Tu mires plus fort qu’un miroir de bordel. Même un aveugle pourrait te voir à dix lieues d’ici!…
Nessuno : J’aime bien que les gens me regardent, moi!…
Beauregard : Mais ils ne partagent pas toujours ton plaisir…
Nessuno : Je te remercie quand même, mais je préfère le mien. Les chapeaux troués, ça rafraichit les idées!… Tu sais que ce n’est qu’une question de temps? Ils feront des trous dans le tien aussi!…

Il faut admettre que les dialogues écris par Ernesto Gastaldi méritent l’admiration béate du public, à défaut d’obtenir l’approbation de la critique de l’époque. Mais le film, est devenu un cult movie à son tour. Déjà, au milieu des années 70, Télé-Métropole consacrait un festival annuel Sergio Leone dont Mon nom est Personne couronnait la semaine. La lettre poème dédiée par Jack Beauregard à son fidèle admirateur, scellée par une « indéfectible amitié », mérite l’admiration en soi. Il faut lire en sous-texte, que cette lettre représente l’hommage de John Ford, à son célèbre admirateur, Sergio Leone qui a supervisé la version française et américaine de la postsynchronisation de ce film… Cette lettre poème  est précédée par une stèle funéraire en bois sur laquelle il est écrit : « Personne tirait plus vite que lui» (Nobody can draw faster than him), ultime private joke d’une salubre impertinence sur le thème de Personne.

« Cher Personne,

Mourir  n’est pas la pire des choses qui puissent arriver à un  homme. Tu vois, je suis mort depuis trois jours et, depuis trois jours, j’ai enfin trouvé la paix. Tu m’as souvent dis que ma vie ne tenait qu’à un fil. Désormais, c’est la tienne qui ne tient qu’à un fil. Et ils sont nombreux, à présent, qui désirent te le couper. Mais tu aimes le risque : c’est ta façon de te sentir vivant. Et c’est ça la différence entre nous. Moi, quand je voyais venir une sale affaire, j’essayais de l’éviter. Pas toi. Si tu n’as pas une sale affaire à te mettre sous la dent, tu en inventes une. Et après l’avoir liquidée, tu en abandonnes le mérite à un autre. Comme ça, tu peux continuer à être toi-même, c’est-à-dire, Personne, c’est astucieux.

Mais cette fois, tu as joué gros et ça en fait déjà quelques-uns qui savent que tu es quelqu’un. Tu finiras donc par te faire un nom, toi aussi, et alors là, tu auras de moins en moins de temps pour jouer. Et ce sera de plus en plus dur. Et un jour, tu rencontreras un homme qui se sera mis dans la tête de te faire rentrer dans l’Histoire. À ce stade, pour redevenir Personne, il n’y a qu’un moyen : mourir. Dorénavant, tu devras chausser mes éperons, et ce ne sera pas toujours drôle. Essaie pourtant de retrouver un peu de ces rêves qui nous habitaient, nous autres de l’ancienne génération. Même si tu t’en moques, avec ta fantaisie habituelle, nous t’en seront reconnaissants. Au fond, on était des sentimentaux. En ce temps, l’Ouest était immense, sans frontière. On croyait tout résoudre face à face, d’un coup de révolver, on n’y rencontrait jamais deux fois la même personne. Et puis, tu es arrivé, et il devenu petit, grouillant, encombré de gens qui ne peuvent plus s’éviter.

Et si tu peux encore te promener en attrapant des mouches, c’est parce qu’il y a eu des hommes comme moi, des hommes qui finissent dans les livres d’Histoire pour inspirer ceux qui ont besoin de croire en quelque chose, comme tu dis. Dépêches-toi de t’amuser, parce que ça ne durera plus bien longtemps. Le pays s’est développé, il a changé. Je ne m’y reconnais plus. Je m’y sens déjà étranger. Le pire, c’est que même la violence a changé elle s’est organisée, un coup de révolver ne suffit plus. Mais tu le sais déjà car c’est ton  siècle, ce n’est plus le mien.

Au centre, Sergio Leone mimant Jack Beauregard (Henry Fonda)
dans Mon nom est Personne.

À propos, j’ai trouvé la morale de la fable que ton grand-père racontait, celle du petit oiseau que la vache avait recouvert de merde pour le tenir au chaud et que le coyote a sorti et croqué. C’est la morale des temps nouveaux : ceux qui te mettent dans la merde ne le font pas toujours pour ton malheur, et ceux qui t’en sortent ne le font pas toujours pour ton bonheur. Mais, surtout ceci : quand tu es dans la merde, tais-toi!

C’est pour ça qu’un type comme moi doit disparaître. Ton idée d’un duel truqué était bien la marque de ces temps nouveaux : c’était le moyen le plus élégant de me faire quitter l’Ouest. D’ailleurs, je suis fatigué, car il n’est pas vrai que les années produisent des sages, elles ne produisent que des vieillards. Il est vrai qu’on peut être comme toi : jeune en nombre d’années et vieux en nombre d’heures. Oui, je débite des phrases pompeuses, mais c’est ta faute : comment parler autrement quand on est devenu un monument historique? Je te souhaite de rencontrer un de ces êtres que l’on ne rencontre jamais, ou presque jamais. Ainsi, vous pourrai faire un bout de chemin ensemble.

Pour moi, il est difficile que le miracle se reproduise. La distance rend l’amitié plus chère et l’absence la rend plus douce. Mais depuis trois jours que je ne t’ai pas vu, tu commences à me manquer…. Bon! À présent, je dois te quitter. Et bien que tu sois le roi des fumistes et le prince des emmerdeurs, merci  pour tout. Ah! J’oubliais : quand tu vas chez le barbier, assure-toi que sous son tablier il y ait toujours….un homme du métier. »

Cette longue lettre, qui aurait pu passer pour un tunnel, devient sous l’habilité de son scénariste docile et talentueux, une véritable épitaphe au western italien, dont Sergio Leone a voulu manifestement souligné les dix années de gloire dans le firmament du cinéma italien.

Nous devons révéler ici, un secret de fabrication du film. Sergio Leone a recruté le même acteur (Steve Kanaly) pour incarner le faux barbier de la fin du film, que l’on retrouve naturellement dans la séquence pré-générique, tournée par Tonino Valerii. Le spectateur n’y voit que du feu. 99,9% du public ne s’en rend pas compte. En fait, il perçoit psychologiquement la scène finale comme étrange mais il n’intellectualise pas. C’est un cas de diffraction du réel (Beugung der Rolle), un concept que j’empreinte au domaine de l’optique et que j’adapte à la psychanalyse et à l’Histoire.

Il y a un précédent chez Leone. Dans Il était une fois dans l’Ouest, le train siffle en général, mais celui de Morton rugit comme un bateau. Puis, il y un cas chez Luis Buñuel, avec Cet obscur objet du désir (Ese oscuro objeto del deseo), sorti le 17 août 1977, où le cinéaste choisit délibérément deux comédiennes différentes pour le rôle de Conchita, Carole Bouquet pour la vierge, et Angela Molina pour la putain, et sans que la majorité des spectateurs ne s’en rendent même pas compte! Au Théâtre, il s’agit là d’un procédé déjà ancien, mais au cinéma, c’était nouveau et révolutionnaire. Sergio Leone a toujours été en avance sur son temps. C’est la marque indélébile du génie.

POUR UN GÉNÉRIQUE INCLUSIF

MON NOM EST PERSONNE
(Italie / France / Allemagne 1973)

Réalisation : Tonino Valerii
Scénario : Ernesto Gastaldi
D’après une idée de Sergio Leone
Sujet : Fulvio Morsella, Ernesto Gastaldi
Dramatis Personae
Terence Hill (Mario Girotti) :  Personne
Henry Fonda : Jack Beauregard
Jean Martin : Sullivan
Robert Golden Armstrong : Honest John
Karl Braun : Jim
Leo Gordon : Red

Steve Kanaly : Faux barbier
Geoffrey Lewis : Chef de la Horde Sauvage
Neil Summers : L’anguille
Piero Lulli : Sheriff
Mario Brega : Pedro
Mark Laza : Don John
Benito Stefanelli : Porteley (scène du saloon)
Alexander Allerson : Rex
Rainer Peets : Big gun (Remus Peets)
Antoine Saint-John : Scape,  bouc émissaire
Franco Angrisano : Conducteur du train
Tommy Polgar : Juan
Antonio Palombi : Dirty Joe (ou Grandpa Joe)
Hubert (Humbert) Mittendorf : Bonimenteur (Carnival Barker)
Emil Feist : Nain sur les échasses
Carla Mancini : Mamita
Luigi Antonio Guerra : Officiel
Angelo Novi : Barman au saloon
Ulrich Müller : Videur de saloon

Claus Schmidt : Videur de saloon
Renato Pinciroli : Télégraphiste
Charles Stocker Fontelieu : Débardeur
Jackson D. Kane : Desperado trayant la vache
Maurice Kowaleski : Photographe de la Nouvelle-Orléans
Larry Melton : Desperado étrillant le cheval
Antonio Molino Rojo : Officier de l’armée américaine
Lance Gordon (Russel Stoughton) : Membre de la Horde Sauvage
Jess Hill : Enfant avec la pomme
Lori Zwicklbauer : Mère de l’enfant
Frank Trolio : Indien
Antonio De Martino : Vrai barbier
West Buchanan : Patron du saloon

Jose Terron : Membre de la Horde Sauvage

Équipe exécutive et technique
Producteur exécutif : Claudio Mancini
Producteur délégué : Fulvio Morsella
Producteur : Sergio Leone
Musique : Ennio Morricone
Direction photo : Armando Nannuzzi (États-Unis)
Giuseppe Ruzzolini
(Italie et Espagne, Technicolor, Panavision, 2 :35,1)
Montage : Nino Baragli
Direction artistique : Gianni Polidori
Costumes : Vera Marzot
(Tirelli Costumi / Western Costum)
Perruques : Rochetti e Carboni
Décors : Cimino GPR

Coiffures : Grazia De Rossi
Maquillages : Nilo Jacopeni
Directeur de production : Franco Coduti
Directeur de production : Paolo Gargano
Superviseur de la production (États-Unis) : Piero Lazzari
Assistant réalisateur :  Stefano Rolla

Réalisateur de la seconde équipe : Sergio Leone
Décorateur : Massimo Tavazzi
Constructeur de décors : Gilberto Carbonaro
Chef machiniste : Augusto Diamanti
Chef électricien : Romano Mancini
Affichiste : Renato Cesaro
Chef accessoiriste : Gianni Fiumi
Assistant à la direction artistique : Dino Leonetti
Coordinateur construction : Ben Zeller
Mixeur au son : Fausto Ancillai
Effets sonores : Roberto Arcengeli
Son : Ferdinando Pescetelli

Effets spéciaux : Eros Bacciuchi
Coordinateur des effets spéciaux : Giovanni Corridori
Cascadeurs
Raleigh Gardenhire, John Landis
Neil Summers, Rick Lester
Benito Stefanelli, James O’Rourke
Directeur de la photographie (seconde équipe) : Sergio Salvati
Opérateur caméra : Giuseppe Bernardini
Opérateur caméra : Federico Del Zoppo
Opérateur caméra : Elio Polachi
Photographe de plateau : Angelo Novi
Assistant caméra : Claudio Sabatini
Monteuse adjointe : Rossana Maiuri
Chef des transports : Billy Kaundart
Armes à feu : Eros Bacchiuchi
Script-girl : Rita Agostini
Secrétaire de production (Louisiane) : Sherry Buchanan
Maître d’armes : Benito Stefanelli

Partition musicale
Musique composée et orchestrée : Ennio Morricone
Chef d’orchestre : Bruno Nicolai
Guitare sèche : Bruno Battisti d’Amario
Trompette : Gino Agostinelli
Synthétiseur : Giorgio Carmini
Guitare électrique 12 cordes : Silvano Chimenti
Mund harmonica : Franco Di Lelio
Accordéon : Wolmer Beltrami
Flûte : Marianne Gazzani Eckstein
Piano, claviers : Arnaldo Graziosi
Percussions : Vincenzo Restuccia
Soprano lyrique : Edda Dell’Orso
Falsetto : Franco Cosachi

Sifflement : Alessandro Alessandroni
Chœur : I Cantori di Moderni
Enregistrement : Orthophonic Recording Studio
Ingénieur son : Giuseppe Mastroianni
Assistant : GianCarlo Iannucci
Supervision et design graphique
de l’album conçu par : Claudio Fuiano
Producteur exécutif : Gianni Dell’Orso
Affiche : Renato Casaro
Producteur de la musique : Franceso Miracle
Éditeur de la musique : Edizioni General Music (Rome)
Date d’édition du disque Audio CD : 21 novembre 2000,
12 janvier 2008 pour la version digitalement remasterisée
Durée : 74 minutes, 15 secondes

Lieux de tournage
905 et 915 Rue Royale, Nouvelle-Orléans (Louisiane)
Acoma Pueblo, Nouveau-Mexique
White Stands National Monument, Nouveau-Mexique,
créé le 18 janvier 1933, reconnu par l’Unesco le 20 décembre 2019
San Ildefonso Pueblo, Nouveau-Mexique
Gallup, Nouveau-Mexique
Mogollon Mill and Mine, Nouveau-Mexique (Historic district Mus-ee-hon)
fondé en 1889 par John Eberle, Gleenwood, Nouveau-Mexique
Willcox Playa, Arizona
Woods Canyon Lake, Arizona
Knoll Lake, National Foresti, Arizona
Klondyke, Arizona
Ruby, Arizona

Duquesne, Arizona
Clifton, Arizona
La Calahorra, Granada, Andalucia
Guadix, Almeria
Studio de tournage (intérieurs) : De Paolis I.N.C.I.R. studio (Rome)
Dates de tournage :
Lundi 30 avril au vendredi 31 août 1973
(9 semaines aux États-Unis, 5 semaines en Espagne et 3 semaines à Rome)
Costumes :  Tirelli Costumi, Western Costume
Perruques : Rochetti e Carboni
Décors : Cimino GPR

Production 
Rafran Cinematographica  (Rome)

Les Films Jacques Leitienne (Paris)
La Société Imp. Ex. Cie. (Paris)
La Société Alcinter (Paris)
Rialto Film Preben Philipsen (Berlin)
Budget : 4 millions de dollars
Production et autres

Titanus (Italie)
Les Films Jacques Leitienne (France)
Tobis  (Allemagne Fédérale de l’Ouest)

Universal Pictures (États-Unis)
Gala Film Distributors (Royaume-Uni)
Durée : 1 h 55 min 37 sec (version française)

1 h 58 min (version italienne) (2 960 mètres)
Visa : 63655, le 1er décembre 1973
Sortie – Italie : Il mio nome è Nessuno – 21 décembre 1973
Sortie – France : Mon nom est Personne – 14 décembre 1973
Sortie – Allemagne de l’Ouest : Mein Name ist Nobody – 13 décembre 1973
Sortie – États-Unis : My Name is Nobody – 17 juillet 1974
Sortie – Espagne : Mi nombre es Ninguno – 18 mars 1974