Oscars 2024
courts & moyens métrages
@ Documentaires

texte
Élie Castiel

Si proches… si loin

Les 139 minutes constituant les documentaires cette année, des productions américaines, sauf une en provenance de Taïwan. Année de vaches maigres que 2023. Des sujets archi-traités auparavant. Des mises en scène parfois hasardeuses, certaines à la narration prêchi-prêcha. On se demande qui, à la célèbre Académie sise à Los Angeles a choisi ces finalistes. Toujours est-il qu’on reste sur notre faim, sauf peut-être dans le cas de la proposition émise par Sheila Nevins, noble, mais…

Comme il se doit, on entamera avec nos voisins du Sud. Il semblerait que dans tous les cas, les efforts sont mis sur la mise en images, le montage parfois, une idée du plan, mais pas d’idée dans l’exécution des thèmes, selon, plus ou moins intéressants même si déjà abordés avec beaucoup plus de rigueur auparavant.

Sean Wang a eu l’idée, juste comme ça, de filmer le quotidien de deux jeunes vieilles dames dans Nai Nai & Wāi Pó, que Yi Yan Fuei et Zhang Li Hua interprètent avec une grâce étonnante. L’une a 83 printemps et sent qu’elle en a 20; l’autre est arrivée à l’âge tendre de 94 ans et sent qu’elle en a 100. Deux idées de la vie qui s’allonge et la mort, même si peut-être pas trop prochaine, qui s’annonce. Pour le moment, elles profitent du reste du temps. Non pas à la recherche de ce célèbre temps perdu, mais en quête de « ce que l’avenir leur propose », aussi court soit-il. Une caméra du même Wang qui filme avec autant de rigueur et improvisation qu’avec une âme sincèrement nostalgique.

Dommage, mais The ABCs of Book Banning, de Sheila Nevins, aurait pu être le meilleur documentaire, mais en choisissant comme protagonistes de jeunes enfants, pas encore au début de l’adolescence, elle leur fait réciter des phrases prêtes, convaincantes, toute faites. Ces jeunes du futur parlent de l’homophobie, des trans, des drag Queens, un peu de sexualité, mais surtout de ces livres qu’on range dans les tiroirs et qu’on interdit de lire. Une approche plus politiquement suggérée par des adultes  aurait été de mise.

  

À Little Rock, dans l’État de l’Arkansas, deux communautés, la privilégiée, celle des Blancs et l’autre, celle des Afro-américains qui doivent trimer pour presque y arriver. Aucun crédit ne leur sont accordés. Une position économique précaire, pour ne pas dire désastreuse. Si les instances fédérales et de l’État ne peuvent (ou ne veulent) pas grand-chose, il n’y a que la débrouille, telle qu’instaurée par un certain Arlo Washington, qui a décidé de changer les choses en créant un système économique assez séduisant et qui, par miracle, fait ses preuves. Le rêve américain existe, mais il n’est pas comme celui que tous pensaient. C’est le rêve de « la débrouille » et de la « lutte perpétuelle ». Et lorsqu’il s’agit d’une question de race, le système roule encore à deux vitesses. Mais The Barber of Little Rock n’arrive pourtant pas à la cheville du moyen de Spike Lee, Joe’s Bed-Stuy Barbershop: We Cut Heads. Il y a de nombreuses années, à la fin de la projection à la Cinémathèque québécoise, derrière la salle, debout, timide et nerveux, il attendait la réaction du public. Je lui avais prédit un grand avenir. La suite, vous connaissez. John Hoffman et Christine Turner ont préféré ici le « good old way » des entrevues touchantes, inspirantes, même si parfois, redondantes.

The Last Repair Shop

Certains jeunes (et moins jeunes) de quartiers défavorisés de Los Angeles rêvent de jouer d’un instrument de musique. Quelques adultes bien intentionnés et amoureux de la musique ont décidé de récupérer de vieux instruments et de les recycler. Le résultat est surprenant. Ben Proudfoot et Kris Bowers s’organisent pour que la caméra de David Feeney-Mosier établisse un rapport de correspondances aussi complice qu’enthousiaste avec les protagonistes et les lieux. Il en découle, dans The Last Repair Shop, un document émouvant, épris de lyrisme contagieux aussi inspirant que survolté.

Et pour ne pas trop décevoir les courts métragistes étrangers, un sujet en provenance de Taïwan, Island in Between, de S. Leo Chiang. Titre allégorique confirmant l’idée selon laquelle la distance qui sépare Kinmen (Taïwan) de Xiamen (Chine) est si attenante que l’œil étranger pourrait ne pas voir la différence. Et pourtant deux mondes, deux idéologies, deux parcours historiques, deux de civilisation chinoises, mais au parcours percuté par des prises de position irréconciliables. Le parti pris est évident.

Diffusion @
Cinéma du Parc
Dès le vendredi 23 février 2024