Oscars 2024
courts & moyens métrages
@ Fictions

texte
Élie Castiel

 

Enjeux humains

Une durée de 135 minutes pour les cinq courts et moyens métrages représentés dans la course aux Oscars. Des films, cette année, de moins d’importance que ceux de l’année précédente, comme si les cinéastes étaient soudainement pris par une sensation de démotivation issue d’on ne sait où; et pourtant des sujets importants comme le droit à l’avortement, le goût de l’imaginaire sans bornes, l’incommunicabilité parmi les hommes (contrairement aux femmes), le deuil après une perte insensée.

Du Canada [Québec], Vincent René-Lortie ouvre le bal avec Invincible, une fiction sur la quête identitaire d’un adolescent avec une immense soif de liberté alors qu’il est placé dans un centre d’isolement pour adolescents. Le film brille, bien entendu, par la brillante interprétation intériorisée et intense de Léokim Bonnier-Lépine, totalement investi dans un rôle exigeant, et par la mise en scène volontairement distancié du jeune cinéaste, là où brille l’imaginaire, alors que le réel est transcendé, justement, par les plans qui choisissent de ne pas exister, les cadrages serrés, une symbiose entre la mission propre au cinéma qui brille par son audace et la captation d’un sujet casse-gueule, une fiction sur un ami disparu à l’aube de sa vie, dont il rend un hommage émouvant sans pathos ni trop d’emphase.

Invincible

Quant au sens de l’imaginaire, le moyen métrage de Wes Anderson, The Wonderful Story of Henry Sugar, peut, certes, briller par le choix des vedettes (Ralph Fiennes, Benedict Cumberbatch, Ben Kingsley ou encore Dev Patel), tous très proches de cette proposition, mais en fin de compte un exercice de style constituant une brillante scénographie plutôt que mise en scène. Des personnages verbomoteurs, chacun défendant son propre répertoire, nous conduisent dans un dédale d’incompréhension qui finit par décevoir notre adhésion. Dommage. Les Sages de Metascore ont, eux, adoré. Une coproduction entre les États-Unis et la Grande-Bretagne.

Knight of Fortune

The Wonderful Story of Henry Sugar

Avec Red, White and Blue (États-Unis), Nazrin Choudhury, de parents issus du Bangladesh, dresse le portait touchant d’une femme livré à un problème d’avortement. Elle est mère monoparentale (excellente Britanny Snow) d’une adolescente précoce (même si elle le ne paraît pas) et d’un gamin. Et soudain, la nécessité d’un arrêt de grossesse (illégal dans son État). Pour la réalisatrice, un souci de la mise en scène oscillant la fiction et le regard documentaire, une distanciation de la caméra d’Adam Suschitzky (surtout actif à la télé). Finalement, une prise de position sur la légitimité d’être femme et de décider de son corps quelles que soient les circonstances. Une vision personnelle sur une question qui divise l’Amérique.

Red, White and Blue

Le thème du deuil, également au rendez-vous dans les candidats-fiction cette année. D’une part, de Lasse Lysjær Noer, avec Knight of Fortune (Ridder Lykke), production danoise, le deuil est vécu par un homme d’un certain âge qui vient de perdre sa femme. À la morgue, c’est le début du mise en scène qui caractérise de nombreux films de ce pays : approche clinique, humour particulier, émotion intériorisée même si elle peut finir par éclater. Du coup, une rencontre due au hasard, celle avec un homme du même âge qui partage la même affliction. Deux âmes perdues à la recherche d’une compréhension du sentiment de la perte et de pouvoir continuer à vivre malgré tout. Pour le réalisateur de 33 ans, un film sur le plan. Comment établir la présence des personnages si ce n’est cette intrusion dans leur visage, leurs gestes, leur comportement. Il crée tout un dispositif qui oscille entre le drame et la comédie amère, entre la folie du réel et les inconvénients que nous ne pouvons éviter. Des interprètes solides, un scénario intelligent, signé par lui-même, et une vision de la vie conforme à la réalité du moment, c’est-à-dire une lutte constante entre la vie et la mort, la présence et l’absence.

The After

Et de la Grande-Bretagne, à mon sens, le meilleur du lot, The After, de Misan Harriman, un premier court métrage dont la puissance dramatique liés à des circonstances tragiques est un véritable coup de poing, quelque chose à laquelle nous ne sommes pas habitués. Et du coup, un deuil qui est vécu quotidiennement, partout, au travail même. Mais mû par une volonté d’aller de l’avant comme si les lendemains apportaient, sans qu’on s’en aperçoive, un sentiment non seulement de résignation, mais d’auto-défense pour la survie. On soulignera la performance exceptionnelle d’un David Oyelowo totalement captif de son personnage.

Diffusion @
Cinéma du Parc
Dès le vendredi 23 février 2024