Ruggero Deodato.
1939-2022

Ruggero Deodato.
Les années actives.

HOMMAGE.
[ in Memoriam ]

texte
Pascal Grenier

Surnommé « Monsieur Cannibale » dans le milieu du cinéma, Ruggero Deodato vient de s’éteindre à l’âge de 83 ans. Ayant atteint la notoriété grâce à sa trilogie de films de cannibales entamée en 1977 avec Ultimo mondo cannibale (Les derniers survivants / Le dernier monde cannibale), suivi trois ans plus tard du plus célèbre et controversé du genre, Cannibal Holocaust / L’enfer des cannibales et complété par Inferno in diretta (Amazonia : La jungle blanche), en 1985.

Monsieur

Cannibale

et

l’enfer

vert

Inferno in diretta

Mais durant son illustre carrière qui s’échelonne sur sept décennies, Deodato a réalisé une vingtaine de films pour le cinéma ainsi que de nombreuses séries pour la télévision. C’est principalement dans l’horreur et le cinéma de genre que le cinéaste italien va se distinguer avec un goût prononcé pour l’érotisme et une violence extrême. Force est de souligner que cet ancien assistant-réalisateur de Roberto Rossellini, Sergio Corbucci et Antonio Margheriti a connu son heure de gloire de 1975 jusqu’à la fin des années 1980. Moins cité et adulé que les deux maîtres incontestés du genre (Dario Argento et Lucio Fulci), Deodato a quand même su se distinguer au même titre que ses comparses notamment avec sa trilogie cannibale mais aussi avec l’excellent film policier Uomini si nasce poliziotti si muore (Live Like a Cop, Die Like a Man) en 1976. Bien qu’étant sa seule incursion dans le genre polizioottesco, ce film d’une rare violence a eu de graves problèmes avec la censure. Son penchant pour l’ultra violence n’atténue en rien la qualité indéniable du film qui est un des meilleurs de ce genre très en vogue en Italie durant cette décennie.

Parmi ses autres réussites, on note le giallo érotique à bord d’un yacht Ondata di piacere (Waves of Lust), 1975. Mettant en vedette son épouse (Silvia Dionisio), ce film a notamment inspiré le futur Dead Calm (Calme blanc) de Phillip Noyce avec Nicole Kidman. Et aussi, La casa sperduta nel parco (La maison au fond du parc), un huis clos glaçant d’érotisme dérangeant et de violence perverse qui renvoie au célèbre The Last House on the Left (La dernière maison sur la gauche), de Wes Craven, où David Hess renoue avec un personnage de truand crapuleux.

Cannibal Holocaust.
Clin d’œil au « Mondo ».

Mais bien entendu c’est avec les déjà mentionnés Ultimo mondo cannibale et surtout Cannibal Holocaust que Deodato est passé à la postérité. C’est en s’inspirant très librement des films du genre « mondo » des années 1960, notamment ceux de Gualtiero Jacopetti et Franco Prosperi, et les transposant dans l’univers des peuples indigènes cannibales, que Deodato repousse les limites de la surenchère au cinéma; Cannibal Holocaust se verra interdit dans de nombreux pays. Ce qui lui vaudra de graves problèmes juridiques; le cinéaste sera incriminé pour cruauté envers les animaux. Mais outre l’aspect cinéma-limite, Cannibal Holocaust est un de ces rares films qui dérange encore autant aujourd’hui. Un film redoutable et implacable dans tous les aspects y compris sa dénonciation féroce des médias de masse.

Choquant et provocateur, son succès engendre de nombreux émules par la suite comme Umberto Lenzi, en quelque sorte le père spirituel du film de cannibale, particulièrement avec Il paese del sesso selvaggio (Le pays du sexe sauvage), sorti en 1972; le film renouant lui aussi avec deux autres films similaires après la sortie de Cannibal Holocaust. De jeunes cinéastes comme Daniel Myrick et Eduardo Sanchez (The Blair Witch Project / Le projet Blair) ou encore Eli Roth (Hostel / L’auberge) et The Green Inferno / La forêt infernale)  se sont aussi fortement inspirés d’une façon ou d’une autre du plus célèbre film de cannibales Par ailleurs, force est de constater que Cannibal Holocaust est aussi un des premiers exemples frappants de torture porn au cinéma. Un sous-genre qui reviendra à la mode au début des années 2000 avec les séries de films telles que Hostel, la série des Saw (Décadence) et autres dérivés comme Wrong Turn (Détour mortel / Sortie fatale).