The Auschwitz Report

PRIMEUR
Sortie
Vendredi 07 mai 2021

SUCCINCTEMENT
En avril 1944, Alfred Wetzler et Rudolf Vrba, deux Juifs originaires de Slovaquie, réussissent à s’évader d’Auschwitz et racontent aux Résistants le cruel fonctionnement de ce lieu de détention.

COUP DE CŒUR
de la semaine.

texte
Élie Castiel

★★★★ ½

Si le film du Slovaque Peter Bebjak, plutôt cantonné aux téléséries et signataire de quelques longs métrages, réussit à solidifier une constante originalité, c’est grâce à sa brillante mise en scène évoquant à certains points celle du Hongrois László Nemes dans son étonnant Le fils de Saul (Saul fia).

Effectivement, The Auschwitz Report, également intitulé Escape from Auschwitz [ à ne pas confondre surtout avec le film très mal reçu de Terry Lee Coker, The Escape from Auschwitz, muni de l’article défini « The » ], la mise en scène de Bebjak se démarque par son approche conceptuelle. Le récit, d’une simplicité extraordinaire, est au service du cinéma et non le contraire; les règles de la représentation sont ainsi gérées par le réalisateur, maître de sa proposition, installant des paramètres précis que le spectateur doit absorber pour saisir la portée du film.

Car Peter Bebjak, comme tous ces cinéastes d’un certain cinéma d’auteur, exige une complicité manifeste avec ceux et celles qui visionneront son film, même dans sa symbolique, ses métaphores et au-delà de ces considérations, une connaissance, même de base, des évènements majeurs de l’Histoire de la fin de la première partie du XXe siècle.

Formellement, le film favorise surtout l’écran carré, comme si les images maintenaient une qualité photographique, donnant au récit son aspect documentaire, voire même anthropologique. Le tout mis en valeur par une superbe image en noir et blanc.

Contre l’oubli

Dans The Auschwitz Report, le cinéaste divise le film en trois parties : l’existence pénible au camp de concentration (rappelant jusqu’à certain point, l’incontournable Schindler’s List (La liste de Schindler), de Steven Spielberg), incluant des moments où les deux futurs évadés survivent dans une cachette de fortune; l’évasion et ses multiples aléas; la confrontation avec les Alliés, donnant lieu à un discours sur l’amnésie du monde, apathie en quelque sorte face à ce qui s’est vraiment passé. La multiplication des langues parlées dans le film octroie une caractéristique universelle, soulignant pour ainsi dire le conflit dans sa perspective globale.

C’est justement dans cette dimension que le carton, au début du générique, prend son sens en la citation de George Santayana (ou Jorge Agustín Nicolás Ruiz de Santayana y Borrás), grand philosophe espagnol du siècle dernier, très claire lorsqu’il est dit que « Those who cannot remember the past are condemned to repeat it. », autrement dit « Ceux qui ne se souviennent pas du passé sont condamnés à le répéter. »  Belle leçon de morale, d’éthique humaniste, principes que Bebjak adopte avec un sens formidable du point de vue.

Les films sur la Shoah sont nombreux. Certes, on s’entend. Mais aujourd’hui, à l’heure où l’antisémitisme s’étend de plus en plus, particulièrement en Occident, à l’heure où la nostalgie d’un passé fasciste anime certains esprits, on est en droit de se demander si l’heure n’est pas vraiment à une nouvelle rhétorique de la mémoire.

Formellement, le film favorise surtout l’écran carré, comme si les images maintenaient une qualité photographique, donnant au récit son aspect documentaire, voire même anthropologique. Le tout mis en valeur par une superbe image en noir et blanc.

Populisme? La droite qui se profile de plus en plus à l’horizon? Nouvelle Gauche antisémite? Bien entendu, conflit israélo-palestinien, dont les partis pris sont d’un côté ou de l’autre, aux antipodes de l’entente, c’est-à-dire gisant dans les terrains boueux des extrêmes.

Dans cette perspective, The Auschwitz Report est un bel exemple de bouée salvatrice qui, tout en affirmant son côté formel à la limite du révolutionnaire, prêche adroitement pour la politique du souvenir, contre l’oubli.

Survivre dans une cachette de fortune… pour témoigner.

Sans doute que Peter Bebjak, à l’instar du peintre Walter Spitzer, voulait montrer la mort selon une perspective picturale, furtivement, comme si la caméra, telle un pinceau de peintre,  brossait ces moments dramatiques comme des témoins du temps.  C’est dans ces moments où le cinéma des sous-entendus, des métaphores mystiques et des images remplies de sens que la proposition engendre l’envolée de sa signification, bouleversante, humaniste, métaphysique.

Et quel est donc ce fameux rapport? Celui, véridique, compilé par Alfred Wetzler et Rudolf Vrba, deux Juifs d’origine slovaque, évadés du camp d’Auschwitz, ceux-là mêmes présentés dans le film. Connu également comme le « protocole d’Auschwitz », cet écrit d’un peu plus de 30 pages se présente comme une sorte de confession, ayant permis de connaître la vérité sur les camps de la mort et poussant ainsi les Alliés à agir plus rapidement. Mais il s’agit d’un document sur lequel le cinéma ne s’est jamais penché, ou du moins avec l’emphase particulière que lui donne Peter Bebjak, soucieux d’aborder des enjeux méconnus de cette époque charnière de notre Histoire.

 

FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Peter Bebjak

Scénario
Peter Bebjak
Tomás Bombik
Josef Pastéka
D’après What Dante Did Not See
d’Alfred Watzer

Direction photo
Martin Žiaran

Montage
Marek Kralovsky

Musique
Mario Schneider

Peter Bebjak en tournage.

Genre(s)
Drame de guerre

Origine(s)
Slovénie / République tchèque
Pologne / Allemagne

Année : 2021 – Durée : 1 h 34 min

Langue(s)
V.o. : multilingue  / s.-t.a.
Escape from Auschwitz

Dist. [ Contact ] @
Métropole Films

Classement
Interdit aux moins de 13 ans
[ Violence ]

En salle(s) @
Cinéma du Parc

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]