Une femme, ma mère

PRIMEUR
Semaine 05
du Ven 31 jan au Jeu 06 fév 2020

SUCCINCTEMENT
Le cinéaste québécois Claude Demers refait l’itinéraire de vie de sa mère, une femme qui ne voulait pas avoir d’enfant et qui a placé son fils en adoption sans jamais tenter de reprendre contact avec lui.

Réalisation
Claude Demers

COUP DE CŒUR
de la semaine

Élie Castiel

★★★★★ 

Déjà, l’affiche du film évoque la présence d’une femme idéale, à la beauté diaphane, ne se laissant pas noyer par le fond, intentionnellement en noir, laissant une petite place au visage d’un homme (le fils ou l’amant parti sans laisser de traces ?). L’illustration est ainsi une pièce à conviction du film dont il sera question, annonçant pour ainsi dire quelque chose qui a à voir avec la vie, tout simplement.

Dans le cas de Claude Demers, comme nous l’avons déjà mentionné dans l’entrevue, l’humanisme est un thème ou mieux encore une des correspondances entre le metteur en scène, le sujet filmé et les spectateurs.

Quête de soi, de ses origines et qui, de fil en aiguille, devient un film sur le film, sur le cinéma en tant que matière à réflexion. D’où une fiction mise en scène, agrémentée de documents d’archives d’autres films, de photos de famille, d’images imaginées, de sophistication sur l’esthétique du film, dont cet ensemble de photos, parmi lesquelles une de Demers lui-même, en bas, à la gauche du cadre, fugitive, ne durant qu’une seule seconde, et du coup, prenant feu comme le reste. Pour oublier, encore mieux comme un sacrifice, un rituel magique qui permettrait au cinéaste de confirmer son exutoire et calmer le destin qu’il appelle fatum.

La vie rêvée

Nul doute qu’Une femme, ma mère est marqué du sceau de la poésie, non pas celle du commun des mortels, mais au contraire, se dirigeant vers un inconnu imaginaire entre le cinéma et l’esprit, entre l’existence au quotidien et la vie rêvée, entre le personnel et l’objet filmé.

Que peut-on montrer à l’écran ? Comment se retenir pour ne pas choquer, pour éviter l’œil-voyeur ? Pour faire en sorte qu’on s’en tire sans blessures ? Pour qu’en fin de compte, la quête fasse qu’on passe finalement à autre chose ?

Gageure totalement gagnée, de façon étincelante. Justement, pour la simple raison que Demers demeure, malgré le sérieux du propos, en retrait, marquant la narration respectueusement, sans intrusion. Mais avec fermeté certaine puisqu’il s’agit aussi de son histoire. Ses antidotes : des documents d’archives d’une luminosité remarquable. Si parfois, dans de très rares moments, ils ne correspondent pas au sujet même du film, il n’en demeure pas moins qu’ils tracent la frontière entre le cinéma comme art de la représentation et le documentaire imaginé.

Tout est possible, même tricher, non pas par stratégie militaire, mais pour montrer une fois pour toutes que le cinéma est un art libre, un moment dans la vie où on peut et on doit se permettre de tout inventer, comme de tout montrer. L’art du compromis. Se compromettre ou plutôt mourir.

Avec Une femme, ma mère, « la nostalgie est toujours ce qu’elle était… », c’est-à-dire présente, disponible selon notre vision du monde et de nos rapports à l’autre, sans larmoiements mélodramatiques, sans théâtralisme inopportun. Claude Demers peut jubiler sans complexe vers un cinéma de l’ouverture à la filiation.

Il a là, définitivement, un geste politique d’une ardeur impitoyable en même temps qu’une énergie hallucinante. Avec Une femme, ma mère, « la nostalgie est toujours ce qu’elle était… », c’est-à-dire présente, disponible selon notre vision du monde et de nos rapports à l’autre, sans larmoiements mélodramatiques, sans théâtralisme inopportun. Claude Demers peut jubiler sans complexe vers un cinéma de l’ouverture à la filiation.

[ voir Entretien ici ]

FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Sortie
Ven 31 jan 2020

Genre(s)
Essai biographique

Origine(s)
Canada [ Québec ]

Année : 2019 – Durée : 1 h 16 min

Langue(s)
V.o. : français
Une femme, ma mère

Dist. @
K-Films Amérique

Classement
Tous publics

En salle(s) @
Cinéma Beaubien
Cineplex

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]