Une Madographie

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RECENSION
Élie Castiel

★★★ ½

À tout prendre

sans rien laisser

 

Qui de mieux que soi-même pour parler de soi! Personne à blâmer si des vérités ou des mensonges non fondés s’y glissent dans la plume de quelqu’un d’autre. Et dans le cas de Luc Provost, il connaît bien celle par qui tout arrive. Rêves de jeunesse, prédilection prématurée pour le glamour, pas d’intérêt pour les activités sportives, mais sans aucun doute envers les sportifs, un amour profond pour la mère, source de toutes les attentions; et du père, timide, homme de cœur, qui pleure lorsqu’il est heureux, sans se soucier des  qu’en-dira-t-on. Une jeunesse dorée, ça n’arrive pas à tout le monde.

Abondamment illustré, le clip le plus connu de Mado en petit format est reproduit sur presque chaque page, comme s’il fallait rappeler au lecteur qu’il s’agit bien d’elle et non pas de quelqu’un d’autre.

Un dialogue entre Luc Provost (très bel homme – voir photo magnifique, p. 179, et bien entendu, à la page couverture, en insert). Qu’aurait-il fait sans Mado? Et celle-ci n’aurait pas exister sans Luc. Alter ego l’une de l’autre, l’un de l’autre. Un jeu de miroir auquel Provost s’initie à travers des moments de vie chronologiques, quelques hésitations avant d’entamer ses « différentes » carrières… jusqu’au célèbre Cabaret Mado – dont j’observe une partie de la marquise lorsqu’elle brille certains soirs, directement de ma fenêtre, sur René-Lévesque. Important de le dire puisque l’écriture de cette recension prend une allure non conventionnelle, comme si d’une certaine façon, bien entendu, symbolique, autant Luc que Mado m’épiaient pour savoir ce que j’avais à dire.

La politique, connais pas. Le SIDA dans les années 1980 et 1990, non plus. Un conte de fées où ne règnent que la bonne humeur et les petits arrêts sabbatiques pour se ressourcer, prendre un nouveau départ.

Dans le personnage de Mado, du moins à y voir de près dans certaines photos, certes, un amour du spectacle, un forte appréciation de soi, intentionnellement narcissique (impossible de ne pas l’être dans le métier – le cas échéant, on se casse la gueule) comme artiste de scène, mais dans les yeux, maquillages aidant, une certaine mélancolie à la fois tendre et attachante (p. 148).

Incessamment glamoureux, pittoresquement sexy. Une autoradiographie à l’état savoureusement impur.

Et Mado est tout à fait consciente du passage du temps. Pour le vaincre, elle se fait des châteaux en Espagne, des projets, des secondes carrières. Son univers fait de confettis, de paillettes et de spectacles comme au bon vieux temps illumine encore les Nuits de Montréal. Elle le sait, du moins, c’est Luc qui lui impose cette réalité.

Ces deux personnalités, autant Luc Provost que Mado Lamotte, s’ajustent à un monde préfabriqué. Mais plus que tout, un habitat sensationnel  que les deux ont crée sans véritable aide de personne (ou presque). Comme quoi, les batailles individuelles se livrent en secret, puisque venant du for intérieur.

Incessamment glamoureux, pittoresquement sexy. Une autoradiographie à l’état savoureusement impur.

Luc Provost
Une Madographie
Anjou, QC : Les Éditions La Presse, 2023

ISBN : 978-2-8982-5191-7
200 pages

[ Illustré ]
Prix suggéré : 31,95 $

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Sans intérêt. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]