Festival du cinéma israélien de Montréal 2020

ÉVÈNEMENT
[ Programmation numérique ]

texte
Luc Chaput

The End of Love

(À cœur battant)

Un couple avec un jeune garçon vit dans deux pays différents. Il communique par le biais de téléphones cellulaires et de portable ou tablette. La caméra intégrée par le biais de Skype leur permet de dialoguer et de faire participer l’autre à des activités plus ou moins intimes. Chacun se sent ainsi encore partie du couple même au loin et ces plans plus ou moins larges et même très serrés rendent compte de l’évolution de leur relation dans la mesure où l’hors-champ devient de plus en plus important. Le film d’ouverture de ce festival (http://fcim.ca/), The End of Love (Sof Ha-Ahava / À cœur battant, titre en français) de la réalisatrice Keren Ben Rafael, d’ailleurs peut-être en première mondiale puisqu’inédit en France et en Israël, soutenu par une belle interprétation des deux acteurs principaux Judith Chemla et Arieh Worthalter, rendait ainsi compte de l’évolution de ce monde et ses passages en dialogues-caméras avaient un surplus de sens en ces temps incertains de pandémie.

L’hors-champ

des manèges humains

L’hors-champ historique arrivait plus directement dans Ma’Abarot (The Transit Camps) de la réalisatrice Dina Zvi-Riklis. Pour recevoir des centaines de milliers d’olim (immigrants) après la création de l’état d’Israël en 1948, le gouvernement mit sur place de nombreux camps de transit appelés du terme qui est le titre de ce film. La mise en scène des entrevues est frontale dans une pièce anonyme. L’émotion des témoignages passe facilement dans les regards et les voix des couples d’origine mizrahie (moyen-orientale) ou séfarade qui forment la grande majorité de ces personnes qui ont souvent gardé une aigreur devant les conditions de vie ardues que les archives visuelles et textuelles corroborent. La discrimination entre les diverses origines de ces immigrants est ainsi décrite par le menu également par des historiens qui replacent le tout dans un contexte plus large. Ce long métrage fait œuvre utile et succède entre autres à Nous sommes des Juifs arabes en Israël (Anachnu Yehudim Aravim be’Yisrael) du Suisse Igaal Niddam (1977) vu au premier Festival des films du monde de Montréal.

Plusieurs autres documentaires ornent la programmation de ce festival spécialement sur la vie d’hommes politiques. Begin: Peace and War (Yemei Begin), la biographie de Menahem Begin par Levi Zini en trois parties accorde une belle place à la fois à ses contradicteurs et aux membres de son équipe. La structure épisodique amène à de courts retours en arrière et à l’arrivée de personnages qui peuvent être inconnus d’une partie des spectateurs. Certains pourront à la faveur des pauses entre les épisodes continuer sur Internet ou ailleurs les recherches sur le révisionnisme sioniste et sur d’autres mouvements et concepts qui bonifieront cette approche complexe de l’existence de cet homme politique majeur de la deuxième partie du XXe siècle. Une sortie internationale demanderait pourtant plus de sous-titres en français ou en anglais des textes dits par Begin et qui sont transcrits en hébreu sur une partie de l’écran.

Golda

Golda, le portrait de Golda Meir de Sagi Bornstein, Udi Nir et Shani Rozanes, plus succinct et plus critique, revient également sur des moments moins glorieux de la vie de celle qui n’aimait pas être appelée la grand-mère de son pays. Sa rencontre ratée en 1971 avec les Black Panthers du quartier de Musrara permet ainsi d’établir un lien avec le documentaire déjà cité sur les camps de transit. L’entreprise par l’équipe de production et la réalisatrice Anat Goren de faire de Dayan, the First Family (Dayan ha’Mischpaha ha’rishona) une étude familiale et généalogique qui la ferait ressembler à celle des Kennedy, rate en partie son effet car elle nous laisse en plan à la fin de 1967 bien avant la mort du général Moshe Dayan. Les côtés casanovesques du militaire et ses relations compliqués avec ses enfants prennent alors plus d’importance aux côtés de son action militaire et politique plus connue et qui lui a amené une renommée internationale qu’il a d’ailleurs bien cultivée.

The Day After I’m Gone

Dans The Day After I’m Gone (Ha’Yom sheachrey lechti), Yoram, un vétérinaire a peu d’échanges avec sa fille adolescente Roni surtout depuis que la mère est morte. Le réalisateur Nimrod Eldar, après une première séquence où les cris de gens dans un manège d’une fête foraine s’associent aux lumières dans le noir, déroule par petites touches les rapports de ces deux personnes taiseuses qui trouveront à l’occasion d’un voyage nécessaire dans les collines près de la Mer morte un moyen pour renouer après ce deuil. Un premier long métrage où l’implication des deux acteurs principaux, Menashe Noy et Zohar Meidan, en mode retenue, amène les spectateurs plus facilement dans leur univers si distant de celui plus cacophonique de leur parentèle campagnarde. D’autres films dont certains plus anciens sont également disponibles en visionnement numérique dans ce festival qui donne cette année une part belle à l’hors-champ des manèges humains.