Full River Red

P R I M E U R
[ En salle ]
Sortie
Vendredi 17 mars 2023

SUCCINCTEMENT.
Quatre ans après la mort d’un certain Yue Fei, le premier ministre Qin Hui envoie ses troupes négocier avec le Royaume de Jin. Mais à la veille des pourparlers, l’envoyé du royaume de Jin est mis à mort, et la lettre secrète qu’il portait a disparu.

CRITIQUE.

★ ★ ★ ½

La lettre perdue,

le tatouage dissimulé

et

la notion de Loyauté

texte
Élie CASTIEL

Les aléas de la distribution à Montréal font en sorte que le film sort cette semaine dans la catégorie « film ethnique », échappant pour ainsi dire à nos critiques, même les plus exigeants. Et pourtant, il s’agit d’un film de Zhang Yimou. Ça arrive souvent, même pour des films, par exemples, indiens ou autres.

Le titre fait référence à un poème lyrique chinois à la gloire du pays, et très répandu jusqu’à de nos jours, voulant ainsi que « c’est seulement en récupérant les territoires perdus que nous ferons en sorte de répondre à la demande du peuple… ». Quoi de plus clair.

Vers patriotique si l’en est un. C’est dans Full River Red et ça se passe au 11e siècle. Sur un ton moins grave, poussant la métaphore jusqu’à aujourd’hui, ça vous dit quelque chose, la Chine de Xi Jinping et Taïwan (bien que jusqu’à présent, plus ou moins gérable), la Corée du Nord et celle du Sud (plus agressive, la première) ; la Russie et l’Ukraine (aucun commentaire sur ce point).

Toujours est-il que le (grand) cinéaste du remarquable et délicat Sorgho rouge (Hóng gāoliang) et d’autres productions remarquées, notamment dans ses premières années tend, cette fois-ci, à défendre le régime chinois présent.

Un face à face non dépourvu d’attirance formelle et de poids narratif.

Et pourtant, dans la mise en scène, une autodérision constamment présente, également portée envers les personnages. Qui a tort? Qui a raison? Qui est coupable? Qui ne l’est pas.

Le pouvoir qu’exercent les femmes, même lorsqu’elles ne parlent pas, est évident. Elles se permettent de poignarder, de trancher le cou des ennemis et autres afféteries sanguinaires. Elles le font avec un mécanisme des plus pressants. Idem, bien sûr, pour les hommes.

On retrouve chez le cinéaste encore en forme ce goût pour les longs couloirs qui abritent mille et une tractations, scandales, secrets, félonies, stratégies militaires ou vengeances personnelles.

D’où la prédilection du réalisateur pour les films du Japonais Akira Kurosawa à qui il voue une admiration sans bornes. Même dans la construction de certaines séquences, autant dans l’architecture des lieux et des plans que dans la disposition des objets, quotidiens ou symboliques, ainsi que chez les personnages placés dans une construction théâtrale nippone.

La critique internationale a été sévère, probablement à cause de son approche patriotique sans reconnaître néanmoins ses aspects formels. Un choix chromatique unique, dans tous les plans, entre le bleu fade et un gris illuminé que la caméra de Zhao Xiaoding s’empresse d’illuminer à sa façon tout au long du film.

Nonobstant le parti pris politique, force est de souligner que le travail technique et la recherche esthétique demeurent irréprochables, souvent proche de l’envoûtement, une tentative vers l’effet, prenant parfois ses distances et surtout, la mainmise sur le film, qui souligne ainsi son approche majestueusement cinématographique.

La direction d’acteurs relève de cette impression de théâtre excessif, autant pour les bons que pour les méchants. En fait, sans devoir gâcher la surprise, tous sont méchants ou peut-être bons, selon le contexte. C’est dans la nature humaine. Le réaliste prend le pari de montrer les protagonistes tels qu’il les voit : forces, faiblesses, retenue, devoir, obéissance et tous ces attributs propres à la culture chinoise.

Ce film historique, malgré une bonne dose d’humour bien présente raconte le récit d’une trahison. Pièce centrale du film qui se déploie un peu plus de deux heures et trente minutes. Trop long sans doute pour d’aucuns, mais constamment habité par les surprises, parfois de taille, dans les éléments politiques discursifs et les stratégies du pouvoir.

Nonobstant le parti pris politique, force est de souligner que le travail technique et la recherche esthétique demeurent irréprochables, souvent proche de l’envoûtement, une tentative vers l’effet, prenant parfois ses distances et surtout, la mainmise sur le film, qui souligne ainsi son approche majestueusement cinématographique.

Sans doute une reconstruction (ou déconstruction) de l’Histoire avec un grand H, une expérience sensorielle qui se confond avec les rapports entre Histoire et Cinéma. À fleur de peau en dépit de la gravité des situations.

Quant à l’équipe de production, suivant les directives méticuleusement à la lettre, elle est totalement intégrée au projet. Les comédiens sont tous exceptionnels.

 

FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Zhang Yimou

Scénario
Zhang Yimou
Chen Yu
Direction photo
Zhao Xiaoding
Montage
Li Yongyi
Musique
Han Hong

Zhang Yimou.
Perséverer constamment malgré les qu’en-dira-t-on

Genre(s)
Drame

Origine(s)
Chine

Année : 2023 – Durée : 2 h 40 min
Langue(s)
V.o. : mandarin; s.-t.a. & chinois

Man jiang hong

Dist. [ Contact ] @
Imtiaz Mastan
[ Edko Films ]

Diffusion @
Cineplex

Classement
Interdit aux moins de 13 ans
[ Violence ]