Great Freedom

P R I M E U R
[ En salle ]
Sortie
Vendredi 18 mars 2022

SUCCINCTEMENT.
L’histoire de Hans Hoffmann. Il est gay et l’homosexualité, dans l’Allemagne d’après-guerre, est illégale selon le paragraphe 175 du Code pénal. Mais il s’obstine à rechercher la liberté et l’amour même en prison.

COUP de ❤️
de la semaine.

CRITIQUE.

★★★★ ½

texte
Élie Castiel

Paragraphe 175

du Code pénal

Dans le huis clos des prisons, il est rare que le cinéma aborde aussi ouvertement le thème du désir chez les individus de la diversité sexuelle, trop tabou, même en ce 21e siècle. Auto-censure? Exigences des producteurs? Spectateurs encore trop frileux? Dans le cas de Great Freedom, aucun distributeur local majeur n’a choisi ce film dans leur programmation. On ne le retrouve guère dans le « Rapport des films classés par catégories de spectateurs » du Québec. L’équipe de Mario Fortin, constamment à l’affût de films d’exigeants présente cette  trouvaille cinématographique qui s’est valu le Prix du Jury – Un Certain Regard au dernier Festival de Cannes.

Film homosexuel? Définitivement, mais pas dans ses aspects troubles, licencieux, controversés, aptes à susciter l’ire des mauvaises langues, un peu trop agressivement charnues ces derniers temps, mais au contraire, traitant du désir, ce sentiment qui, mine de rien, traverse l’esprit et le conduit à des stratégies de séduction, tout en contrôlant ses propres pulsions. Toujours est-il que l’Autrichien Sebastian Meise, auteur de quelques courts, du débattu documentaire, Outing (2012) et de la troublante fiction Still Life / Stilleben (2011) signe ici sa plus belle œuvre.

Grâce à une mise en scène où les espaces d’une prison et des quelques scènes extérieures (de retours en arrières et dans les séquences finales) sont investis comme s’il s’agissait d’un personnage en soi, enveloppant les protagonistes, s’appropriant leur peau, leur âme. Le tout ne faisant qu’un.

Du royaume des possibles.

L’après-Seconde Guerre mondiale. Prisonnier pour cause d’homosexualité. Rien d’autre. Comment faire face à un détenu de droit commun, de surcroît, criminel et homophobe convaincu? Et en plus, satisfaire les regards, notamment celui d’un jeune détenu (on apprendra qu’il a été enseignant)? Lui aussi prisonnier selon le Paragraphe 175. Ces rapports de force ou de correspondances parallèles sont illustrées par Meise selon un stratégie du mouvement corporel, ou mieux dit de l’art délicat, fragile de l’interprétation. On aime ou on désire celui qui nous méprise; on tient aussi à l’autre qui nous ressemble. Paradoxe des sentiments.

D’une durée de presque deux heures, Greater Freedom (dont les Français n’ont même pas eu la décence de traduire le titre original dans leur propre langue) – En fait, il fait référence à un club de nuit gay « Grosse Freiheit » qui veut dire « La grande liberté » et que le personnage de Hans (excellent Franz Rogowski qui multiplie ici son registre admirablement) visite en constatant les résultats de l’abrogation du paragraphe 175 et qui par défaut, constitue la principale proposition du cinéaste.

Entre temps, en prison, sous toutes ses formes, l’existence et les moyens de survie sont des entreprises de destruction massive, une guerre menées contre les délinquants du sexe. Après tout, ce n’est que du sexe.

Et dans cette lutte presque fratricide, puisqu’ils sont tous prisonniers, une sorte d’excitation pulsionnelle des deux parts, qu’une partie n’ose pas s’avouer. Meise l’illustre parfaitement cette donnée psychanalytique grâce à des acteurs (professionnels et pas) sur qui il peut compter.

Grâce à une mise en scène où les espaces d’une prison et des quelques scènes extérieures (de retours en arrières et dans les séquences finales) sont investis comme s’il s’agissait d’un personnage en soi, enveloppant les protagonistes, s’appropriant leur peau, leur âme. Le tout ne faisant qu’un.

Entre les murs peu accueillants de cette institution carcérale, un monde ou « des » mondes qui se créent et participent à leurs dynamiques sociales. Mais attiré par l’esprit romanesque, Sebastian Meise invente des astuces d’attirance pour d’éventuelles rencontres. Comme commettre des imprudences et se retrouver ensemble au cachot, en pleine noirceur. Le désir, le rapprochement physique entre deux êtres et le rapport charnel, même si provisoire, sert de catalyseur d’endurance.

Inventer des situations, ne pas juger, servant de pédagogue auprès des spectateurs, tournant avec une liberté sans entraves, telle semble être la devise du cinéaste Autrichien.

À quand un Meise québécois? Même si nous avons des Dolan, des Rodrigue Jean… mais qui eux, malgré leurs ouvertures d’esprit, demeurent quand même assez prudents sur certains sujets pour ne pas offenser les institutions. Malgré sa légendaire ouverture d’esprit, le Québec ne semble pas encore prêt à oser faire le grand pas.

Quant au film de Sebastian Meise, il participe aussi à un exercice temporel où les notions d’avant, de présent et de futur demeurent constamment du domaine des impossibles, ou peut-être pas. À bien y penser, comme l’est notre époque.

FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Sebastian Meiser

Scénario
Sebastian Meiser
Thomas Reider

Direction photo
Crystel Fournier

Montage
Joana Scrinzi

Investir la réalité du terrain.

Genre(s)PR. Liste Hebdo 2022
Drame

Origine(s)
Autriche

Allemagne

Année : 2021 – Durée : 1 h 56 min

Langue(s)
V.o. : allemand; s.-t.a. ou s.-t.f.
La grande liberté
Grosse Freiheit

Dist. [ Contact ] @
[ Mubi ]

Classement suggéré
Interdit aux moins de 16 ans

Diffusion @
Cinéma du Musée
Cinéma du Parc

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]