Joyland

P R I M E U R
[ En salle ]
Sortie
Vendredi 21 avril 2023

SUCCINCTEMENT.
À Lahore, Haider et son épouse, cohabitent avec la famille de son frère au grand complet. Dans cette maison où chacun vit sous le regard des autres, Haider est prié de trouver un emploi et de devenir père. Mais…

 

COUP de ❤️
de la semaine.

CRITIQUE

★★★★ ½

texte
Élie Castiel

 

Déjà, dans Nowhere (2018), parmi ses courts métrages, Saim Sadiq abordait le thème de l’homosexualité dans un environnement pakistanais musulman, ultra-conservateur.

 

Les subtiles

contraintes

de l’altérité

 

Avec Joyland, son premier long, titre aux multiples variations, le jeune cinéaste secoue la planète-cinéma dans cette partie du monde – le film est encore interdit de sortie et le restera sans aucun doute. Une révolte contre une société hypocrite qui, dans l’ombre, l’anonymat le plus impitoyable, comme c’est la façon de procéder dans les pays musulmans, sans exception, le sexe alternatif est officieusement permis à condition de l’exprimer dans la plus stricte intimité.

Sadiq, dans ce désir de montrer les choses frontalement, participe de cette volonté de certains cinéastes de l’altérité cinématographique de décloisonner l’interdit, de l’ouvrir au monde, de plus en plus mondialisé – ou ne serait-ce seulement que dans les affaires géo-économiques?

La mise en scène, exemplaire, participe de cette approche qui refuse catégoriquement le bancal intentionnel, la verticalité narrative souvent utilisée dans un certain cinéma occidental furieusement « voulant absolument faire différent » et trouvant tout de même des adeptes de tout acabit.

L’important, c’est d’aimer.

Et pourtant, une force dans les sentiments exprimés subtilement, une perception des personnages pris dans un étau de passion, de contradictions et de sous-entendus. Entre ce que le pays laisse entrevoir à l’étranger et ce que Sadiq montre dans ce film d’une beauté plastique foudroyante, un monde de différence.

Le jeune cinéaste, à l’aube lumineuse de sa carrière cinématographique, amplifie le discours des gestes, des mouvements, des paradoxes – sans trop en dire, la séquence de rupture entre Haider et Biba est l’une des plus agressivement turbulentes du film.

Saim Sadiq.
Affranchir l’identité de
genre hors de l’Occident

C’est là où le jeu des rôles sexuels s’exprime dans sa plus éclatante vérité. Saim Sadiq fait la part des choses entre le désir et ses fantasmes, entre l’attente de ce qu’on projette dans l’esprit et le réel impossible à déformer.

Les membres de la famille de Haider savent très bien ce qui se passe, le refusent par conviction ou par tradition ; mais au fond – comme c’est le cas du patriarche de la famille – se soumettent à ces nouvelles conditions sociales (venues de l’Occident), impossible, même dans l’obscurité de l’anonymat, à déloger.

C’est là où le jeu des rôles sexuels s’exprime dans sa plus éclatante vérité. Saim Sadiq fait la part des choses entre le désir et ses fantasmes, entre l’attente de ce qu’on projette dans l’esprit et le réel impossible à déformer.

Entre l’empathie, une sorte d’altruisme inconscient (ou non ?), et la morale, ces personnages, incluant d’une certaine façon, Haider et Biba (sans oublier Mumtaz, la femme de Haider) participent involontairement à ce jeu social que seules la tradition et la religion impose comme des commandements à suivre.

Pour rendre cette aventure aussi magistrale que possible, trois grands comédiens, Ali Junejo / Haider, Rasti Farooq / Mumtaz et la transgenre Alina Khan / Biba, tous trois assumant des rôles qui rendent Joyland, tenant compte de son pays d’origine (même si coproduit avec des pays occidentaux), une œuvre subversive, interventionniste et réfléchissant à la notion de transgression comme d’un outil purement politique. D’où le ratio de l’image 1.33:1 soumettant le cadre à une atmosphère claustrophobe. Sublime, exigeant.

FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Saim Sadiq

Scénario
Saim Sadiq
Maggie Briggs
Direction photo
Joe Saade

Montage
Saim Sadiq
Jasmin Tenucci
Musique
Abdullah Siddiqui

Genre
Drame

Origine
Pakistan
États-Unis
Année : 2022 – Durée : 2 h 06 min
Langue
V.o. : penjabi, urdou; s.-t.a. ou s.-t.f.

Joyland

Dist. [ Contact ] @
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Diffusion @
Cinéma du Musée
 Cinéma du Parc

Classement (suggéré)
Interdit aux moins de 13 ans

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon.★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]