La bête

PRIMEUR
Sortie prévue
Vendredi 19 avril 2024

RÉSUMÉ SUCCINCT
Dans un futur proche où règne l’intelligence artificielle, les émotions humaines sont devenues une menace. Pour s’en débarrasser, Gabrielle doit purifier son ADN en replongeant dans ses vies antérieures. Elle y retrouve Louis, son grand amour.

CRITIQUE
Élie Castiel

★★★★

Jeu de pistes

Trois récits se chevauchent, même si l’un d’eux prend plus de place que les deux autres (on ne vous dira pas lequel). Quelque chose qui anime le tempérament de Bertrand Bonello, toujours fidèle à sa conception des images, mais ici, devenu prestidigitateur assumé pour notre plus grand plaisir ou au contraire, notre désarroi, pour d’aucuns même, agacement. Trop intellectuel pour notre ère actuel ? Et pourquoi pas défier les lois du désengagement discursif en matière de cinéphilie ?

Je souscris sans retenue au premier groupe ; Bonello persiste à forger un cinéma d’auteur, genre de plus en plus rare dû à la désertion progressive de la cinéphilie pure et dure. Film d’anticipation en raison de sa thématique tournant autour de l’IA, cette fameuse Intelligence Artificielle dont on ne cesse de parler ces derniers temps et qui s’affiche de plus en plus dans nos vies sans que nous nous en rendions vraiment compte, du moins pour l’instant immédiat, La bête est déjà paré d’un titre aux mille interprétations, dont l’une d’elle serait justement son « contraire ».

Une âme romantique merveilleusement assumée.

Mais derrière ses thèmes abordés comme la technologie envahissante, le corps désincarné, le rapport amoureux perturbé, la déchéance de l’affect (on en parle souvent dans le film) et de l’émotion (liée, bien sûr à cette pulsion ou encore représentation), La bête est une formidable histoire d’amour en trois temps, trois mouvements : 1910 (Paris), alors que la crue de la Seine inonde les pavés ; 2014, sis dans un endroit huppé de la Ville des Anges (Los Angeles) et 2044, qui questionne le futur, même si Bonello envisage de reconnaître quelques restants de notre présent actuel.

Toujours le même couple en formation ou en déstabilisation, composé de Gabrielle Monnier, femme marié, libre à ses heures, personnage campé par Léa Seydoux, et Louis Lewanski, amoureux avec des zones d’ombre, d’une époque à l’autre, propositions menées par George MacKay.

Autant Seydoux que MacKay participent de cet étonnant engouement envers l’art d’interprétation et de rapports à l’objectif de Josée Deshaies (elle était du tournage-caméra dans L’Apollonide – Souvenirs de la maison close et du Saint Laurent, de Bonello). Un engagement viscéral entre les deux artistes qui se manifeste par un entendement des lieux et époques de filmage.

Bertrand Bonello persiste et signe un film digne et totalement souverain. Un véritable jeu de pistes aussi impénétrable qu’ultimement éblouissant.

Que vient renforcer le montage d’Anita Roth (rappelez-vous de l’engagé 120 battements par minutes, de Robin Campillo), d’une économie sidérante, malgré les 143 minutes de durée du film.

Il y aura quelques moments creux où on se demande où le cinéaste se dirige ; puis, du coup, il se réorganise pour mener son bateau à bon port, comme si ces menus dérapages étaient le fruit d’une dépendance à la proposition excessivement poussée.

La conclusion est d’une bouleversante épiphanie, illumination qui nous ramène à la gestation et plus encore le fondement de l’émotion pure et sans exigences. C’est clinique, distant pour certains, mais merveilleusement cinématographique.

Bertrand Bonello persiste et signe un film digne et totalement souverain. Un véritable jeu de pistes aussi impénétrable qu’ultimement éblouissant.

FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Bertrand Bonello

Scénario : Bertrand Bonello, Guillaume Bréaud, Benjamin Charbit.
D’après The Beast in the Jungle, de Henry James
Direction photo : Josée Deshaies
Montage : Anita Roth
Musique : Anna Bonello, Bertrand Bonello

Genre(s)
Drame de science-fiction
Origine(s)

Canada / France
Année : 2022 – Durée : 2 h 26 min
Langue(s)
V.o. : français, anglais ; s.-t.f. ou s.-t.a.
The Beast

Bertrand Bonello

Dist. [ Contact ] @
Maison 4 :3
[ Les Films du Bélier / Kinology ]

Diffusion @
Cinéma Beaubien 
Cinéma du Parc
Cineplex

Classement
Visa GÉNÉRAL

[ Déconseillé aux jeunes enfants ]

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Sans intérêt. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]