Le bruit des moteurs

P R I M E U R
[ En salle ]
Sortie
Vendredi 25 février 2022

SUCCINCTEMENT.
Alexandre, formateur pour l’armement des douaniers canadiens, doit retourner dans son village natal suite à un événement pour le moins inattendu.

CRITIQUE.

★★★ ½

texte
Élie Castiel

Faudra-t-il désormais compter sur Philippe Grégoire pour annoncer un nouveau départ dans le cinéma québécois, une voie ouverte à des propositions inusitées renvoyant à un cinéma radical qui ne se contente pas de simplement raconter.

L’anti-récit domine Le bruit des moteurs, qui commence par cette voiture de « course de dragsters » tournant autour du cercle, autrement dit d’un véhicule de course de vitesse « pure », où l’émotion que procure le volant est justement de savoir le contrôler sans penser à autre chose ou aux lendemains.

Trois courts métrages plus tard, Bib Bip (2011), Aquarium (2013) et Un seul homme / One Man (2016), Grégoire signe un premier long qui définit fort probablement son cinéma à venir, car le jeune réalisateur est persuadé et nous le sommes aussi qu’il continuera à tourner, comme ce fut et c’est encore le cas d’un Denis Côté toujours aussi jouissivement anarchique, faisant des images en mouvements des arsenaux de combat contre un cinéma sclérosé dans sa rectitude politique.

Froid? Distant? Sans émotion? Situant le plan dans une espèce de néant? Rendant les personnages des sortes de zombies vivants, intentionnellement selon la mécanique d’une société hyper-contrôlée, totalitaire et fermée aux différences?

L’audace de

l’imprévisible

Conserver son calme, son cynisme rassurant.

Une société de droite pour qui transgresser est un acte privé qu’il faut reproduire sans se faire voir, en cachette (comme c’est le cas de la Directrice, admirablement soutenue par une Alexandrine Agostini assujettie à la cause).

Mais c’est Robert Naylor (Alexandre) qui, en alter-ego du réalisateur, semble s’inventer ce personnage-clé en question; comme si d’une part le cinéaste lui avouait une confiance aveugle; et de l’autre, complètement assimilé à cet anti-récit autobiographique où ce ne sont pas les anecdotes qui font œuvre de foi, mais les intérieurs existentiels, la parole libérée, les gestes qui procurent une certaine extase dans la différence.

Car plus que tout, Le bruit des moteurs nécessite la pleine concentration du regard et de l’ouïe, des paroles prononcées qui ont un sens à toute épreuve. Et l’étrangère, l’Islandaise, venue dans cet endroit québécois un peu perdu où les courses de dragsters ont lieu. Il s’agit du personnage de Aðalbjörg, campé par une Tanja Björk exceptionnelle. Une constatation comme quoi le cinéma de Philippe Grégoire, si l’on se fie à ce premier essai pour le grand écran, universalise son propos (idem pour Côté qui n’a jamais cessé de le faire). Le cinéma québécois ne peut survivre que dans son ouverture à la diversité, mais non en s’assimilant à elle ; en l’intégrant à un système de partage égal, question de mettre en valeurs les dissonances, les tonalités, les esprits entre groupes diversifiés.

Du coup, Le bruit des moteurs est un film sur les sensations, celle de sentir le cadre cinématographie qui refuse presque le mouvement ; celle également de ne pas prendre très au sérieux le contenu du plan, aussi vide soit-il. Sur ce point, Philippe Grégoire manifeste un goût certain pour le minimalisme narratif, celui empreint d’un néant qui veut tout dire. En anglais, on dit bien « nothingness »; c’es bel et bien ce que filme le jeune cinéaste. Godard est évoqué et ses courants asymétriques. Ses envolées, comme on dit, « lyriques ». Mais peu importe, puisque Grégoire appartient à une école de pensée cinématographique pas prête à capituler.

Le plan final confirme la règle et annonce un nouveau cinéma national qu’on pourrait classifier de « nouveau courant ».

Et pourtant, dans ce terrain de béatitude consentie, une seule présence émotive, celle de la mère d’Alexandre, imprégnée par la présence de Johanne, souverainement campée par une Marie-Thérèse Fortin, incapable, et tant mieux,  de retenir l’exaltation narrative. Sur ce point Philippe Grégoire non seulement lui pardonne, mais reconnaît en ce geste, une sorte d’épiphanie, nécessaire au film.

Et toutes ces accusations de délire sexuels?  Ce ne sont que les prétextes excentriques d’un régime conservateur qui ne tolère pas l’hétérogénéité.

Le plan final confirme la règle et annonce un nouveau cinéma national qu’on pourrait classifier de « nouveau courant ».

FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Philippe Grégoire

Scénario
Philippe Grégoire

Direction photo
Shawn Pavlin

Montage
Kyril Dubé

Musique
Joël-Aimé Dubé

Philippe Grégoire

Genre(s)
Drame

Origine(s)
Canada [Québec]

Année : 2021 – Durée : 1 h 19 min

Langue(s)
V.o. : français; s.-t.a.

Noise of the Engines

Dist. [ Contact ] @
FunFilm

Classement
Interdit aux moins de 13 ans

En salle(s) @
Cinéma Beaubien
Cinéma Moderne

Avis : Horaire irrégulier ]
Cinéma Public

Avis : Horaire irrégulier ]
Cinémathèque québécoise

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]