Passing

P R I M E U R
[ En salle ]
Sortie
Vendredi 29 octobre 2021

SUCCINCTEMENT.
À New York, dans les années 20, une femme noire voit sa vie bouleversée lorsqu’elle retrouve une ancienne amie d’enfance qui se fait désormais passer pour blanche.

CRITIQUE.

★★★★

texte
Élie Castiel

États inconscients de béatitude

   Née en 1929, L’auteure Nella Larsen fait partie de la bourgeoisie afro-américaine d’un début du XXe siècle marqué du sceau de la ségrégation raciale. Son écriture est documentée, mais surtout l’est le périple de ces femmes noires au teint clair qui, voulant épouser les privilèges de leur classe sociale (l’une épouse d’un médecin, comme elle, afro-américain ; l’autre, à la complexité beaucoup plus blanche, mariée à un blanc qui ne semble pas être au courant de cette situation) se font passer ainsi pour des blanches. Comme armes, un comportement obsessionnellement discret  lorsqu’elles se promènent ou entrent dans des quartiers blancs .

Rebecca Hall privilégie son métier d’actrice dans plus de 40 productions, dernièrement, Godzilla vs. Kong (2020). Si le titre original de son premier long métrage comme réalisatrice signifie pour une personne de «se faire passer pour une autre», le titre français renvoit directement aux rapports entre les deux principales protagonistes féminines, Tessa Thompson et Ruth Negga, toutes les deux exceptionnelles. Et surtout à leur comportement, parfois sibyllin, subtilement en demi-teinte. La distribution compte aussi sur des comédiens exceptionnellement, convaincus d’une proposition cinématographique lumineuse et surtout essentielle.

Le 1.33 comme format du cadre se feuillette comme un album de photos d’une autre époque, révolue, certes, mais qui ressemble étonnamment à la nôtre. Et puis, comme point d’appui, le noir et blanc, jouant sur diverses tonalités.

Il y a d’abord un traitement formel. La caméra suggère des plans parfois hors de l’ordinaire comme des prises proches du visage qui renvoient à la subordination des protagonistes, d’autres en plan d’ensemble montrant ces jeux de cache-cache pour échapper à une désapprobation raciale. Et bien en évidence, des flous, des hors-foyer qui expriment justement ce côté clair-obscur.

Dans le même temps, cette esthétique se conjugue adroitement au récit, traité avec une maturité hallucinante, cherchant avec convoitise les contours psychologiques des deux déracinées, face à elles-mêmes et à la société majoritaire.

Deux solitudes sociales dans la grande ville.

Et puis, sans qu’on s’y attende, une rivalité féminine entre les deux, pour l’une poussée par la jalousie, pour l’autre par esprit d’indépendance, de pouvoir sans doute hérité des hommes en général et notamment d’une attirance pour sa propre identité séductrice.

Le 1.33 comme format du cadre se feuillette comme un album de photos d’une autre époque, révolue, certes, mais qui ressemble étonnamment à la nôtre. Et puis, comme point d’appui, le noir et blanc, jouant sur diverses tonalités. Somme toute, c’est un premier essai réussi pour Rebecca Hall. Si la tendance se maintient, elle pourrait se situer parmi les nouvelles voix du cinéma contemporain. Pour la simple raison que son fil narratif capte harmonieusement et avec une lucidité étonnante les ambiguittés, les moments d’humanité partagée et les questionnements de l’être.

Le film est en salle uniquement à la Cinémathèque québécoise, en principe, pour une seule semaine. Il est diffusé ensuite à Netflix, dès le 10 novembre. Justement, le géant Netflix, qui aurait dû envisager sérieusement une projection de presse non virtuelle. Ce qui explique notre léger retard à faire paraître notre critique, destinée surtout à ceux et celles qui préfèrent voir les films en salle.

FICHE TECHNIQUE PARTIELLE
Réalisation
Rebecca Hall

Scénario
Rebecca Hall
D’après le roman de Nella Larsen

Direction photo
Eduard Grau

Montage
Sabine Hoffman

Musique
Devonté Hynes

Genre(s)
Drame

Origine(s)
Grande-Bretagne
États-Unis

Année : 2020 – Durée : 1 h 38 min

Langue(s)
V.o. : anglais; s.-t.f.

Clair-obscur

Dist. [ Contact ] @
Netflix
[ Équinoxe Films ]

Classement
Visa Général

Diffusion @
Cinémathèque québécoise

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]