Winterreise

CRITIQUE
| DANSE |

Élie Castiel

★★★★

Dès notre entrée dans la Cinquième Salle de la Place des Arts, le caractère subtilement laconique du décor (un piano, un banc pour le pianiste, une chaise non loin de lui, pour le ténor, et une deuxième, celle-ci réservée au danseur et placée au fond de la scène, du côté droit d’un espace intime imposant. Le gris et le noir dominent, mais en teintes chaleureuses, tant dans le concret que dans les éclairages. Bon choix car il sera question de 24 lieder pour unique voix tirés du répertoire de Franz Schubert. Classique, mais non pour le moins présent. La stratégie de « mise en contexte » est absolument parfaite.

José Navas est là, assis, la tête légèrement baissée, attendant que le spectacle commence.

D’un romantisme intérieur

Et lorsque le chorégraphe-danseur s’approche du milieu de la scène, le corps lui appartient et se transforme en quelque chose de matériel, de concret,  d’organique. Entre la voix du ténor (belle voix, pas trop démonstrative, mais d’une clarté de prononciation, en allemand, étonnante) et le danseur, un compromis qui consiste en un dialogue entre le chant et la danse, entre deux disciplines qui s’affirment, chacune à sa propre façon, finissant par se juxtaposer l’une dans l’autre.

Nous sommes donc devant un artiste accompli et notre rôle
est de tenter par tous les moyens de saisir son univers singulier.

Mais est-ce vraiment de danse tel que nous la concevons qu’il s’agit? José Navas déconstruit son art en s’appropriant son physique comme s’il s’agissait d’une sculpture qu’il manipule avec mains, gestes et ces mouvements de contractions en  constante réaffirmation. On est magiquement désorientés, mais au même temps, nous subissons avec grâce les délices d’une discipline artistique qui ne cesse de se réinventer.

Crédit photo @ Damian Siqueiros

Navas change de costume, et il le fait sans quasiment arrêter le mouvement. La danse est mouvement, l’art chorégraphique intransigeant, la discipline est de rigueur. Même les costumes contribuent à donner une ossature conceptuelle au corps, une architecture complexe. Navas partage ces exigeances avec un sens inné de la performance. Non, chez Navas, il n’est pas question de partage avec le public, mais bien mieux que cela, d’esprit indépendant, donc plus propice à la création totale.

Nous sommes donc devant un artiste accompli et notre rôle est de tenter par tous les moyens de saisir son univers singulier. Et lorsque la musique et la voix l’accompagnent dans ce périple aussi risqué que volontairement assumé, nos sens deviennent d’autant plus épanouis. À condition de bien observer et d’offrir notre ouïe à la douceur d’arias céleste et d’un romantisme délicatement démesuré. C’est sans doute, en cette saison 2019-20 de Danse Danse, le spectacle le plus exigeant. Et c’est très bien comme ça!

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ÉQUIPE PARTIELLE DE CRÉATION

Chorégraphie
José Navas

Danseur
José Navas

Musique
Franz Schubert

Textes
Wilhelm Müller

Piano
Francis Perron

Ténor
Jacques-Olivier Chartier

Éclairages
Marc Parent

Costumes
José Navas

Son
François Côté-Lemay

Production
José Navas/Compagnie Flak

Durée
1 h 15
(Sans entracte)

Représentations
 Jusqu’au 22 février 2020
Cinquième Salle
(Place des Arts)

ÉTOILES FILANTES
★★★★★ Exceptionnel. ★★★★ Très Bon. ★★★ Bon.
★★ Moyen. Mauvais. 0 Nul.
½ [ Entre-deux-cotes ]

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