Ennio Morricone [ Deuxième partie ]

La furia dell’arte!

Un texte de
Mario Patry

La signature Morriconienne est rapidement devenue synonyme de « label de qualité » au fil des années et le compositeur n’a pas hésité à encourager de nombreux jeunes réalisateurs débutants, comme il n’a jamais reculé devant le péril de se confronter au cinéma engagé des années 1970. Son talent, son acharnement à prendre des risques lui valurent la renommée internationale que l’on lui connaît aujourd’hui avec une avalanche de prix et de récompenses de toutes sortes et de toutes parts, qu’il serait fastidieux d’énumérer ici, même dans le cadre élargi d’un dossier de fonds, mais il souligne le sens et les convictions profondes du compositeur, la valeur et la signification de son travail dans la société dans laquelle il évolua.

La sortie publique française du film Cinéma Paradiso / Nuovo Cinema Paradiso (1988) de Giuseppe Tornatore au Festival de Cannes, le 21 mai 1989,   était presque contemporaine des funérailles récentes de Sergio Leone, qui eurent lieu le 3 mai  précédent de la même année. Il est significatif qu’Ennio Morricone fût  à ce point bouleversé par la perte de son meilleur ami, qu’il s’octroya la première et la seule année sabbatique de toute sa carrière. Sans aucun doute, s’est-il demandé s’il allait ou pas continuer dans la voie de la trame sonore. Mais le succès aidant, pour ce film de Tornatore – qui obtint l’Oscar du  meilleur film étranger de 1989 — avec lequel naquit une nouvelle et longue collaboration (11 films), il reprit confiance en lui-même et poursuivit la nouvelle étape de sa carrière avec la même ardeur quoique avec moins d’enchantement. « Je crois qu’autrefois, on avait plus de courage ».[1]

Mais, il ne faudrait pas oublier que dès le début de cette prodigieuse aventure avec la musique de  film, il a accompagné de nombreux jeunes cinéastes en herbe dans le film d’auteur surtout, comme il a soutenu des cinéastes déjà confirmés dans le film populaire ou le cinéma engagé. Bernardo Bertolucci fait appel à lui dès son deuxième long métrage de fiction dramatique, Avant la révolution / Prima della rivoluzione (1964),  ainsi que Marco Bellocchio  avec Les poings dans les poches (I pugni in tasca (1965). Avec le succès de Pour une poignée de dollars / Per un pugno di dollari (1964), qui lui procura son premier Nastro d’Argento, il fut rapidement sollicité par des cinéastes importants comme Pier Paolo Pasolini avec lequel il signe une série de sept films dont Le Décaméron / Il decameron (1971), un film qui se hissa au second rang du box-office italien de l’année avec 10 917 000 entrées, ce qui est tout à fait exceptionnel pour un film d’auteur, et surtout Mauro Bolognini, qui complétera sa carrière avec lui (15 films), dont La dame aux Camélias / La storia vera della signora dalle camelie (1981) et de nombreux autres.

Cette intense activité, contraste avec l’idée trop familière et trompeuse que l’on se fait d’Ennio Morricone, en tant que « spécialiste » du Western à l’Italienne, dont il ne signe en tout et pour tout, que 34 partitions, ce qui représente moins de 7 % de son œuvre cinématographique. Il n’a pas à avoir honte de quelques-unes d’entre elles, parmi lesquelles, il faut compter au moins l’excellent Colorado / La resa dei Conti (1967) de Sergio Sollima qui a été soutenu par la United Artists, et qui lança le western politique, ou encore Le dernier face à face / Faccia a faccia (1966) toujours du même réalisateur, Le grand silence / Il grande silenzio (1968) de Sergio Corbucci où le « mauvais » tue impunément le bon à la fin, ou même un remake de Et pour quelques dollars de plus / Per qualche dollaro in più (1965), avec La mort était au rendez-vous / Da uomo a uomo (1968)  de Giulio Petroni, ou encore Navajo Joe de Corbucci, qu’il co-écrit selon la pochette  du disque, avec Bruno Nicolai. Bref, tout n’est pas à regretter dans cette incursion  dans un genre très controversé à l’époque, jugé « mineur », mais qui a certes renouvelé le genre dans son entier, sans l’ombre d’un doute et a joué le rôle d’une sorte de « psychanalyse du western ».

L’apport avec

les autres réalisateurs

La bataille d’Alger

Ennio Morricone n’a pas non plus hésité à collaborer avec des cinéastes engagés des années 1970 comme Gillo Pontecorvo, avec La Bataille d’Alger / Maʿrakat madina al-Jazāʾir (1966) et surtout le bouleversant Queimada (1969) qui marque un tournant définitif dans le cinéma populaire italien, et bien sûr, Elio Petri pour lequel il signe les trames sonores d’atmosphère, entre autres, d’Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon / Indagine su un cittadino al di sopra di ogni sospetto (1970) et La classe ouvrière va au paradis / La classe operaia va in paradiso (1971), mais surtout celle du très beau film souvent sous-estimé et oublié,  de Giuliano Montaldo, Sacco & Vanzetti (1971) avec lequel il signe 12 trames sonores, dont la chanson entonnée par Joan Baez, Here’s to you, qui devint un véritable hymne à la liberté, et lui valut son troisième Nastro d’Argento. Dans la même veine, l’on ne peut passer sous silence Novecento / 1900 (1976) de Bernardo Bertolucci qui réalisa en fait, une « fable réaliste », et pour laquelle, Morricone lui offrit une marche triomphale des plus envoûtantes.

L’on peut jauger facilement la diversité du style de Morricone et de son sens de l’adaptation en résumant trois films  d’horizons aussi divers. La fille et le général / La ragazza e il generale (1967) de Pasquale Festa Campanile; L’oiseau au plumage de cristal / L’Uccello dalle piume di cristallo (1970) de Dario Argento et Le désert des tartares / Il deserto dei tartari (1976) de Valerio Zurlini. Néanmoins, sa relation avec les frères Taviani (Allonsanfan, 1974) n’a pas été très fructueuse. De même, par loyauté pour son ami Leone, il refusera carrément de collaborer avec Federico Fellini pour Intervista (1987). Il s’en explique ainsi sans regret : « J’admire l’œuvre cinématographique de Fellini, ajoute Morricone,  mais les deux airs qu’il préfère sont Je cherche après Titine et La marche des gladiateurs. Ce qu’il a demandé à Rota est très juste pour la couleur de ses films mais je ne pourrais me  glisser dans ce schéma limitatif ».[2]

Par ailleurs en Europe, Ennio Morricone connaît une fulgurante percée française, grâce surtout, à sa collaboration avec Henri Verneuil, «le plus américain des cinéastes français», d’origine arménienne, né Achod Malakian à Rodosto en Turquie, en 1920, avec lequel il signe une série de films, entre autre, La Bataille de San Sebastian (1968) et surtout l’excellent polar, Le Clan des Siciliens (1969) qui obtient un bon succès au box-office et un grand retentissement discographique avec une musique endiablée au possible, proche du classicisme et à mi-chemin de l’archaïsme des trames sonores de Leone; bref, une partition incontournable dans sa collection privée. Sa carrière se poursuit avec Édouard Molinaro, avec  La cage aux folles (1978) et ses séquelles (1980, 1985), un film très troublant et controversé par la critique, Le secret (1974) de Robert Enrico, et collabore avec Francis Girod sur quelques films de valeur dont René la canne (1977) et Yves Boisset, dans L’attentat, 1972, mais surtout Georges Lautner avec Le professionnel (1981). Morricone trouve en France sa seconde patrie naturelle et un prolongement de sa carrière italienne.

À noter, parmi ses nombreuses récompenses, que Le bon, la brute et le truand (1966) lui a valu un Grammy Hall of Fame le 8 février 2009, reconnu comme la deuxième meilleure trame sonore  des cent dernières années, juste après celle de John Williams pour Star Wars (1977) de Georges Lucas, ce qui exprime assez bien toute l’admiration et le respect qu’il reçoit du cœur des Américains pour cette œuvre mythique.

Son parcours américain débute plutôt timidement en 1970, avec Two Mules for Sister Sara / Sierra torride / Gli avvoltoi hanno fame) de Don Siegel, puis connaît quelques succès avec The Heretic / L’exorciste II : L’hérétique (1977) de John Boorman, un cinéaste de premier plan,  Days of Heaven / Les moissons du ciel (1978) de Terence Malick, puis, enfin, The Mission / Mission (1986) de Roland Joffé, dont il échappe de peu l’Oscar pour la meilleure trame sonore, jouée par l’Orchestre Philharmonique de Londres. Il aura même le privilège de signer des partitions pour des cinéaste de renom comme Brian De Palma avec The Untouchables / Les incorruptibles  (1987), Roman Polanski avec Frantic (1988), ou même Samuel Fuller, avec White Dog / Dressé pour tuer (1982), qui culmine avec une collaboration inattendue avec un admirateur inconditionnel de son œuvre, Quentin Tarantino, The Hateful Eight / Les huit salopards (2015) qui porte fruit et lui vaut son premier Oscar, à 87 ans, le 28 février 2016, faisant de lui le plus vieux récipiendaire de toute l’histoire des Oscars! Ennio Morricone avait déjà obtenu un Oscar d’honneur pour l’ensemble de sa carrière le 25 février 2007 lors d’une cérémonie bouleversante, à l’occasion de laquelle, un groupe d’artistes plutôt hétéroclite, composé de Bruce Springsteen, Metallica, Roger Waters des Pink Floyd, Céline Dion, Dulce Pontes, Andrea Bocelli, Yo-Yo Ma, Renée Fleming, Quincy Jones, Herbie Hancock ont composé un album hommage intitulé « We love Ennio Morricone » (De Rosa, 2018, page 82). Et le 26 février 2016, il obtient  son étoile sur le Hollywood Walk of fame (la 2574e), ce qui le fait passer désormais à la postérité avec la gloire ultime en Amérique, la consécration « officielle » tant convoitée dans le Nouveau Monde, la plus méritée que l’on puisse imaginer, pour un homme de cette qualité. À noter, parmi ses nombreuses récompenses, que Le bon, la brute et le truand / Il buono, il brutto, il cattivo (1966) lui a valu un Grammy Hall of Fame le 8 février 2009, reconnu comme la deuxième meilleure trame sonore  des cent dernières années, juste après celle de John Williams pour Star Wars / La Guerre des étoiles (1977) de Georges Lucas, 1977), ce qui exprime assez bien toute l’admiration et le respect qu’il reçoit du cœur des Américains pour cette œuvre mythique.

Infatigable et surtout inclassable, Ennio Morricone est l’un des compositeurs de musique, parmi les plus importants du XXe siècle, tous genres confondus. Évidemment, les treize albums des Beatles ont été vendus à plus de deux milliards de disques microsillons sur les quarante milliards de 33 tours diffusés durant le siècle dernier, et la trame sonore de James Horner – qui était admirateur de Morricone – pour Titanic (1997), de James Cameron, s’est écoulée à plus de 125 millions d’albums audio CD. Il faut garder à l’esprit que les films de Sergio Leone relevaient plus du « film d’auteur » que du blockbuster – il s’agit d’« un anarchiste (modéré) qui a réussi » contre Hollywood – il demeure indéniable que la musique de Morricone a aussi largement  pénétré la culture populaire de son époque et celle des générations suivantes, via la publicité, et les nombreuses imitations dans la musique de film, et il dépasse toute comparaison avec aucun autre compositeur de musique pour le cinéma. S’il y a un style Morricone, il faut reconnaître qu’il existe aussi plusieurs signatures du même compositeur pour le cinéma. En fait, il existe plusieurs Morricone, tous aussi intéressants les uns que les autres.

Il est toutefois strictement impossible de porter un jugement définitif et objectif sur le compositeur, qui, fidèle à sa Rome natale, s’est volontairement « coupé » en partie du marché international, dominé comme tout le monde le sait, par le monde anglo-saxon avec ses deux milliards de locuteurs sur la planète. Il s’agit d’un phénomène universel mais limité aux étudiants en cinéma, aux cinéphiles, qui représentent peut-être de 10% à 15 % du public général, qui lui-même ne va pas toujours au cinéma, aux nombreux admirateurs inconditionnels de Sergio Leone, dont la gloire ne fait que grandir depuis sa mort, mais qui, en même temps, dépasse la Furia dell’arte du Western à l’italienne. Tout comme son ami Sergio Leone, Ennio Morricone est entré vivant dans la légende du XXe siècle mais seul le temps permettra d’apprécier la réelle portée de son œuvre.

Tout aura commencé modestement par le geste de son père qui lui confia une trompette à 16 ans en lui disant « J’ai élevé  toute ma famille avec cet instrument. Tu feras la même chose avec la tienne ». (De Rosa, p. 27). Morricone ne reniera jamais le conseil de son père. Ainsi, cela explique qu’il va rejoindre le Gruppo di improvvisazione nuova consononza fondé par  Franco Evangilisti en 1964, y participe activement de 1965 à 1978 et en tire une grande expertise dans la sophistication de certaines de ses trames sonores. Et durant toute sa carrière, il ne va cesser de se renouveler, de prendre des risques et prendre surtout plaisir à ajouter certains éléments de difficulté même dans sa musique soi-disant populaire ou apparemment « facile ». Morricone ne se prend pas au sérieux mais prend toujours son travail très au sérieux, avec une discipline de fer. Levé à 4 h de la nuit pendant quarante années, gymnastique de 4 h 40 à 5 h 20, lecture des journaux, pour se mettre à l’ouvrage entre 8 h 30 et 9 h jusqu’à midi. Il passe ensuite au studio d’enregistrement en après-midi et le soir, visite des amis.

Sacco & Vanzetti

Ennio Morricone e la sua orchestra

L’une de ses nombreuses spécialités, c’est qu’il a su s’entourer d’un petit cercle restreint de solistes d’élite et de concertistes de renom pour qui il pouvait composer des trames sonores au niveau d’exécution assez exigeant et relevé. D’abord, nous avons déjà évoqué le nom de Bruno Nicolai, son chef d’orchestre qui exécute ses partitions de 1965 à 1973, Alessandro Alessandroni, excellent siffleur, joueur de guitare sèche et Chef choral du groupe Cantori di Moderni composé de 12 à 13 membres, dont voici la liste originale des choristes en 1964 : Adele Fiorucci , Giulia De Mutiis, Vittoria Cesareo,  Gianna Spagnulo, Fiorella Granaldi (Cosacchi), Edda (Sabatini) Dell’Orso, Alessandro Alessandroni lui-même au centre, Enzo (Vincenzo) Gioieni, Renato Orioli, Ettore Lovecchio, Renzo  Andreini, Franco Cosacchi. Ce sont joints à eux par la suite, Nino Dei et Alide Maria Salvetta qui remplaça souvent Edda Dell’Orso en concert.

Ce qui est le plus étonnant, c’est que Morricone avait non seulement à sa disposition un ensemble de solistes et de concertistes de talent, mais il prit même possession d’un studio d’enregistrement, quittant ainsi la RCA, avec Luis Enrique Bacalov, Armando Trovajoli et Gian Piero Piccionni, l’actuel Forum Music village, qu’ils avaient baptisé l’Orthofonic Studio, selon une idée de son agent, de 1969 à 1979, qu’ils revendirent par la suite à Marco Patrignani, à cause des coûts faramineux d’entretien et de rénovation.

Nous avons déjà évoqué le nom de son copiste Donato Salone, et voici la liste des principaux solistes (Ennio Morricone et son orchestre) qui ont évolué avec lui au cours de sa longue carrière. Parmi les principaux trompettistes : Francesco Catania, Michele Lacerenza, Giovanni Culasso, Giuseppe Saracino, Gino Agostinelli. Au bugle (sorte de trompette au son plus rond et plus doux) : Oscar Valdambrini. Flûtiste (à bec, ténor, traversière) : Nicola Samale, Marianne Gazzani Eckstein. Arghilofo (sorte d’ocarina) : Italo Cammatora. Pianiste : Arnaldo Graciosi. Harpe : Anna Palombi. Premier violon : Franco Tamponi mais surtout Dino Asciola (jusqu’en 1994). Marranzano (guimbarde sicilienne tonale) : Salvatore Schillirò (dans … Et pour quelques dollars de plus).  Harmoniciste : Franco De Gimini, Franco De Lelio. Corniste : Salvatore Accardi. Cors anglais : Gastone Chiarini, E. Wolf Ferrari. Bassoniste : Ottorino Malavasi. Trombone basse : John Heineman. Guitariste  électrique : Bruno Battisti D’Amario, Pino Rucher.  Guitare douze cordes : Silvano Chimenti. Contrebasse : Daniele Patucchi.  Synthétiseur claviériste : Giorgio Carnini. Percussionnistes : Vincenzo  Restuccia, Pietro Communara, Pierino Munari. Siffleur additionnel : Curro Savoy.

Son agent d’artiste principal : Enrico De Melis. Ses ingénieurs son : Giorgio Agazzi, Giuseppe («Pino») Mastroianni, Sergio  Marcotulli, Federico Savina (frère de Carlo), Gulio Spelta, Ubaldo Consoli, et enfin Fabio Venturi avec lequel il a travaillé plusieurs années. À cet orchestre de solistes originaux de 1964 à 1975, se sont joints par la suite, pour cause de remplacement, de décès, de départ à la retraite… des solistes supplémentaires : Au piano : Barbara Vignanelli, Mimi Martinelli, Gilda Buttà. Flûte : Severio Gazzelloni. Premier alto : Fausto Anselmo. Premier violon : Franco Tamponi, Clarinette : Vincenzo Mariozzi, Baldo Maestri. Soprano : Suzzana Rigacci, Basse électrique : Nanni Civitenga : Guitare électrique : Rocco Ziffarelli. Contrebassiste acoustique : Franco Petracchi, et plusieurs autres. Mais il s’agit des principaux noms recensés par Morricone lui-même. Autour de cet orchestre relativement stable au cours de sa carrière, le compositeur a aussi engagé l’Orchestra d’Archi dell’Unione Musicisti di Roma en tant que musiciens de session, surtout composés de onze instruments à cordes, qu’il doublait par le procédé de re-recording. Et durant quelques années, il travailla avec la Roma Sinfonietta.

Ce qui est le plus étonnant, c’est que Morricone avait non seulement à sa disposition un ensemble de solistes et de concertistes de talent, mais il prit même possession d’un studio d’enregistrement, quittant ainsi la RCA, avec Luis Enrique Bacalov, Armando Trovajoli et Gian Piero Piccionni, l’actuel Forum Music village, qu’ils avaient baptisé l’Orthofonic Studio, selon une idée de son agent, de 1969 à 1979, qu’ils revendirent par la suite à Marco Patrignani, à cause des coûts faramineux d’entretien et de rénovation. C’est assez dire à quel point il était soucieux de maîtriser tous les aspects de son travail jusque dans les moindres détails, et à toutes les étapes de l’écriture sur le papier jusqu’à l’orchestration en passant par les arrangements, car Morricone n’eut jamais de « nègre » (sic!) à son service.

In fine

À partir de la fin des années 1990, Ennio Morricone commence progressivement à réserver davantage de temps pour sa musique « absolue », sans toutefois quitter le cinéma. Très sollicité de toutes parts, il se consacra à temps partiel à la diffusion de ses connaissances, quoique pour lui, « l’enseignement n’a jamais été une véritable vocation »[3] (De Rosa, page 366). Il y eut un premier intermède où il enseigna la composition de 1970 à 1972 à Frosinone, puis de nouveau, la composition pour le cinéma à la Fondazione Academia Chigiana de Sienne de 1991 à 1996 en compagnie du musicologue Sergio Miceli qui lui consacra deux ouvrages importants. « C’est un 6 juillet, en 1995, que le compositeur québécois Martin Léon prenait l’avion pour sept semaines qui allaient changer sa vie : un séminaire avec Ennio Morricone à Sienne ».[4] Sinon, le maestro a participé à de nombreux concerts devant des publics conquis à l’avance, qu’il diffusa en Europe de l’Ouest, avec au répertoire, les trames sonores de Cinéma Paradiso, Mission… et toutes l’œuvre de Sergio Leone qui culminait invariablement avec « L’extase de l’or » du film Le bon, la brute et le truand, ce qui résume assez bien son legs culturel principal à l’Humanité de son temps. Comme le dit si bien un adage romain : « Acquista fama e dormi »  qui se traduit ainsi : « Acquiers (bonne) renommée et dors ». Qu’il dorme en paix et que sa musique continue d’être diffusée à plein régime pour l’éternité!

[ Voir « Première partie » ici. ]

 

BIBLIOGRAPHIE
On a peu publié encore sur le maestro comparativement à Sergio Leone et le Western à l’Italienne (plus de 50 ou 60 titres), mais il a suscité des travaux relativement sérieux et de qualité.

Anne et Jean Lhassa. Ennio Morricone : Biographie (Lausanne : Éditions Favre, 1989), 413 pp.

Sergio Miceli. Morricone, la musica, il cinema (Milan : Casa Ricordi, 1994), 416 pp.

Charles Leinberger. Ennio Morricone’s The Good, the Bad and the Ugly: A Film Score Guide (Lanham, MD : Scarecrow Press, 2004), 153 pp.

Ennio Morricone, Sergio Miceli. Composing for the Cinema : The Theory and Praxis of Music in Film – traduit de l’italien par Gillian B. Anderson (Lanham, MD : Scarecrow Press, 2013) 310 pp.

Ennio Morricone. Ma musique, ma vie : Entretiens avec Alessandro De Rosa; traduit par Florence Rigollet (Paris : Séguier, 2018) 623 pp. – Titre original : Inseguendo quel sono. La mia musica, la mia vita di Ennio Morricone e Alessandro De Rosa (Milano : Mondadori Libri, S.p.A., 2016).

NOTES

[1]  Ennio Morricone. Ma musique, ma vie. Entretiens avec Alessandro De Rosa. Traduit par Florence Rigollet, p. 362.

[2] Anne et Jean Lhassa. Ennio Morricone : Biographie, p. 178.

[3] Ibid. p. 366.

[4] Odile Tremblay. Le Devoir, le mardi 7 juillet 2020, vol. CIX, nº 150, p. A4.

En 1999 et 2000, Ennio Morricone a aussi participé à un séminaire diffusé par le Centro di Ricerca e di Sperimentazione per la Didattica Musicale, sise à Fiesole, près de Florence.